Agbahi Félicien (Sénateur et pionnier du RDR)
« Amadou Soumahoro a voulu se constituer en prisonnier pour le RDR »
« Amadou Soumahoro, que de souvenirs… Pour nous, ce fut un grand frère très enthousiaste et très protecteur. C’est lui qui nous a inculqué la fibre politique et le courage politique. Avec Amadou, c’était l’assurance tous risques quand on était sous son ombre. Personnellement, il m’a tout appris. Moi, je suis Ébrié. Au début, on disait que le RDR, c’était un parti des nordistes. Et quand je suis arrivé, ce monsieur m’a adopté. Je n’ai pas senti que j’étais arrivé-là comme un cheveu sous la soupe. Et comme il m’a adopté, les autres aussi, par réflexe, m’ont adopté naturellement, moi le ‘‘boussoumani’’, puisque c’est comme ça qu’il m’appelait pour se moquer de moi. Souvent, il me demandait, mais Agbahi, qu’est-ce que tu fais dans cette lutte ? Parce qu’à l’époque, le combat était contre l’exclusion, l’arbitraire et la xénophobie, alors que je n’étais nullement concerné. Je lui répondais que j’ai épousé la cause du président Alassane Ouattara et que c’est un engagement sans calcul. La Côte d’Ivoire parlera toujours de ce monsieur qui n’a que des amis partout. Même dans le camp d’en face. La petite anecdote qui vient à la tête chaque fois que je me plonge dans le passé, c’est une scène qui s’est déroulée devant l’Ecole de Police. En 1999, quand toute la direction du RDR avait été arrêtée et embastillée à l’Ecole de Police, je suis arrivé là-bas avec lui. Au fait, il n’admettait pas que toute la direction soit arrêtée et lui en liberté. Il voulait donc se constituer aussi prisonnier en guise de solidarité militante. Ce jour-là, Laurent Gbagbo est arrivé quelques minutes après. Et quand il a vu la détermination d’Amadou Soumahoro, il a dit ceci : « Amadou, on te dit que toute la direction du RDR a été arrêtée et toi, tu traînes devant ici ? Si on t’arrête aussi, qui va gérer le parti ? » Quand Gbagbo a fini de parler, il m’a regardé, puis a regardé un peu le ciel et il a réalisé que Gbagbo avait raison. Et sans se faire prier, voici Amadou Soumahoro qui fait demi-tour et commence à courir pour s’éloigner de l’Ecole de Police. Et nous étions derrière lui. À cette époque, c’était l’un des rares cadres du RDR, avec Guédé Guina et Fanny Ibrahima, qui étaient encore en liberté et qui ont géré le parti jusqu’à la libération de la direction véritable du parti. Une autre anecdote. Quand on va en mission à Séguéla, il demande combien nous sommes dans la délégation. Et selon le nombre que nous sommes, il va lui-même au marché, acheter le même nombre de tomates, de piments pour la cuisine. C’était vraiment une époque ! Je peux vous raconter plusieurs anecdotes de ce genre, parce que je l’ai vraiment pratiqué. Par exemple, la première fois où il a été nommé ministre, on est allé chez lui dans la nuit, et on lui apprenait les dispositions protocolaires quand un ministre reçoit un hôte. Et pendant qu’on s’entretenait, Amadou Soumahoro, d’un air très sérieux, faisait une véritable répétition qui frisait une mise scène. Quand on s’adressait à lui, il dit : « appelez-moi monsieur le ministre, on n’est pas même chose. » Et puis ensemble, on se mettait à rire ! Pour me limiter à cela, je tiens à vous dire que son décès m’a beaucoup affligé. Que Dieu ait pitié de son âme. »
2-Karamoko Yayoro (cadre RHDP, ex-président du RJR)
« C’est un militant complet qui est parti »
« Je garde de lui, le souvenir d’un combattant intrépide. Un homme de conviction. Un homme engagé pour la défense des idéaux du RDR et du Président Alassane Ouattara. Je retiens aussi de lui, l’image de quelqu’un qui n’a jamais rechigné à la tâche. Quelle que soit l’adversité, Amadou Soumahoro est monté au premier front. Au premier rang, il a toujours défendu l’image de notre parti et du Président Alassane Ouattara. Pour preuve, il a renoncé à tous les privilèges d’un des fils des barons du PDCI-RDA pour être membre fondateur du RDR. Ensuite, il était vice-président de la CEI en 2010 lors des élections présidentielles. Tout le monde connaît le contexte de ces élections. Tensions, menaces de mort et tout ce que l’on sait. Et enfin, quand il a été nommé Secrétaire général du RDR par intérim, tout le monde sait le contexte difficile fait d’hostilités et autres. Il a parcouru toute la Côte d’Ivoire pour être du côté des militants pour les remonter et parler de réconciliation. Donc, pour moi, c’est un militant complet qui est parti, mais qui donne une leçon de fidélité, de loyauté et d’engagement total.
Ce qu’il faut retenir, quand il s’agissait du Président Alassane Ouattara, comme du RDR, le « Tchomba », comme on l’appelle, ne réfléchissait plus. Tout de suite, il montait au créneau. Il pouvait vous appeler à 1 heure ou 2 heures du matin pour vous demander de vous engager. Je me rappelle qu’il y avait une mission à faire quelque part. Et, il avait souhaité que j’aille à cette mission. Il m’a appelé et il m’a dit : « toute affaire cessante, il faut qu’on aille en mission ». C’était au niveau du Sud-Ouest, en 2011, où on a fait une tournée à Divo, Lakota et autres. Et on sait que le contexte était difficile. Nous avons appris à ses côtés. Il faut tenir ses engagements et tout faire pour dire que le parti est au-dessus de tout le monde. »
3-Habib Sanogo (Cadre RHDP, pionnier du RJR)
« Il était même prêt à se bagarrer des fois pour préserver l’intérêt du parti et de son chef, le président Alassane Ouattara »
Il était quelqu’un de très engagé et fidèle aux idéaux de son parti. Il était même prêt à se bagarrer des fois, pour préserver l’intérêt du parti et de son chef, Son Excellence le Président Alassane Ouattara. En tout cas, sur les intérêts du parti, il ne transigeait pas. L’anecdote que je garde de lui, c’est que quand nous sommes allés pour le congrès constitutif du RJR, lorsque la tâche était vraiment compliquée, c’est lui qu’on a envoyé vers moi pour dire : « Écoute, vas parler à ton petit frère pour qu’on puisse être libéré ». Et il est venu toquer à la porte de ma chambre et il m’a dit : « Écoute, petit-frère, c’est ton grand-frère qui te parle. Donc, ce n’est pas le militant qui te parle ». Finalement, nous sommes sortis et le congrès a pu aller à son terme.
Lorsqu’ils ont assuré l’intérim du parti avec le professeur Guédé Guina, à la suite de l’arrestation de toute la direction du parti, cela a été des moments de hautes intensités politiques. En ce moment-là, il fallait être un vrai homme. Vous savez, quand on décapite la direction d’un parti, il faut qu’il y ait par derrière, des lieutenants très perspicaces pour tenir la route. Dieu merci que le combat a abouti de son vivant. Malheureusement, il y a beaucoup d’entre nous qui n'ont pas vu l’aboutissement de notre combat. Et donc, nous au moins, on peut dire qu’on n’a pas eu tort ou raison trop tôt. Que Dieu ait son âme. »
4-Odjé Tiacoré (ex-Président du RJR, CESEC, pionnier du RDR)
« Quand quelqu’un vous fait preuve de tant d’estime, il faut le lui reconnaître »
Je garde de Monsieur Amadou Soumahoro, l’image d’un homme engagé, convaincu et surtout fidèle au parti. Dans les difficultés relatives à la prise du pouvoir, il a accepté de prendre des risques. N’oublions pas qu’il a été membre fondateur du RDR, c’est-à-dire qu’il a exposé sa vie professionnelle et familiale. Il a fait la rupture d’avec le PDCI-RDA de son père Losseni Soumahoro. C’était un acte politique vraiment fort. Et, il a travaillé à faire de sa région, un bastion du RDR et du RHDP aujourd’hui. C’est donc quelqu’un qui était déterminé. J’ai une pensée émue pour lui. Le souvenir que j’ai de lui, c’est qu’il a été l’un des premiers ou le seul homme politique, en tout cas, au niveau de la direction du parti, qui s’est déplacé pour venir chez moi à la maison. C’était un moment fraternel. Parmi tous ceux qui étaient autour de nous et avec qui on échangeait, c’est lui qui a su où j’habitais. Les autres l’ont fait à des moments de funérailles et autres. Et je pense que quand quelqu’un vous fait preuve de tant d’estime, il faut le lui reconnaître. Et je voudrais saluer sa mémoire. »
5-Joël N’Guessan (ex-porte-parole du RDR)
« C’est en grande partie, grâce à Amadou Soumahoro que nous sommes arrivés au pouvoir »
« C’est quelqu’un qui m’a beaucoup encadré pendant que j’étais porte-parole. Et il y a des moments où lui et moi, nous n’étions pas d’accord. Mais ce qui était important, c’est qu’il retenait que Joël N’guessan, en tant que porte-parole du RDR et du Président Alassane Ouattara, a toujours eu des propos justes. Mais en tant que mon patron, c’était son droit de me réprimander quand il n’était pas content avec moi. Ce que je retiens, c’est que c’est un grand démocrate. Deuxièmement, c’était un grand téméraire. Parce que ce que vous devez retenir, c’est qu’Amadou Soumahoro est le fils de Losseni Soumahoro de Séguéla. Les compagnons de Félix Houphouët-Boigny. Et lui qui est l’un des fils de ce grand compagnon de Félix Houphouët-Boigny, décide de créer un parti qui va contre l’intérêt du PDCI.
Et il faisait partie des principaux créateurs du RDR. C’est pourquoi, je disais que c’était quelqu’un de téméraire. Il ne voyait pas son intérêt personnel, il voyait l’intérêt de la Côte d’Ivoire. Il a travaillé et il s’est battu. Et je peux dire à tout le monde que grâce à Amadou Soumahoro et à ce qu’il a mis sur le terrain que Alassane Ouattara et nous sommes arrivés au pouvoir. Il faut que les gens sachent. »
6-Ben Kayala (Chargé de mission du président du Directoire) :
« Il fallait quelqu’un de sa trempe pour faire basculer le RDR au RHDP »
C’est un exercice très difficile pour moi de parler d’Amadou Soumahoro en quelques mots ou en quelques minutes. Ce qu’il faut retenir, c’est que c’est un homme de conviction. Nous savons tous que son père Losseni Soumahoro fut l’un des fidèles compagnons et disciples du père fondateur Félix Houphouët-Boigny. Malgré le respect et l’affection qu’il avait pour son géniteur et l’héritage du PDCI-RDA, Amadou Soumahoro n’a pas supporté l’injustice qui a été faite à Alassane Ouattara, après la mort d’Houphouët-Boigny. Il a donc tourné le dos au PDCI pour adhérer au RDR dont il est l’un des membres fondateurs. C’est donc un homme qui n’aimait pas l’injustice et avait une passion pour la démocratie et un amour fou pour Alassane Ouattara. La deuxième chose que j’ai retenue de l’homme remonte au début de la création du parti unifié. Quand il s’est agi de mettre sur pied le RHDP pour rassembler les Ivoiriens, conformément à la vision du Président Alassane Ouattara, Amadou Soumahoro était également là comme à la création du RDR. Il fallait quelqu’un de sa trempe pour faire basculer le RDR au RHDP. À cette époque, ce n’était pas évident, parce que beaucoup de militants et de cadres ne voulaient pas abandonner la case. À ce sujet, j’ai d’ailleurs, une petite anecdote. Quand le Président Henri Konan Bédié, au sortir d’une réunion du Bureau politique de son parti, avait dit que le RHDP dont parlait le Président Alassane Ouattara était à la vérité, le PDCI et que tous les autres partis allaient venir se reverser à nouveau au PDCI, pour créer ce grand parti national, nous autres, n’étions pas d’accord. En ma qualité de président d’un mouvement, je suis allé voir Amadou Soumahoro à son bureau. C’était précisément le 14 décembre 2015. Je lui ai dit que le PDCI-RDA et Henri Konan Bédié demandent à ce que le RDR vienne se reverser au PDCI qui est le RHDP avec la dénomination PDCI-RDA. Je lui ai aussi fait savoir que nous sommes certes, d’accord pour une alliance forte qu’est le RHDP dans laquelle chacun va conserver son identité, mais il n’est pas question de fondre le RDR dans un parti qui s’appellera PDCI-RDA. Après mon exposé, Amadou Soumahoro s’est levé de son fauteuil et a parlé avec force. Il m’a dit qu’il est un homme de conviction qui suit la vision du Président Alassane Ouattara. Sur cette base, il n’a jamais été question que le RDR vienne se fondre au PDCI-RDA et que le parti unifié s’appellera PDCI-RDA. Le Président Alassane Ouattara a pour ambition de rassembler tous les enfants de la Côte d’Ivoire. Il n’est donc pas question de fondre le RDR dans le PDCI. Et le lendemain 15 décembre, Amadou Soumahoro a défendu la même position à la réunion du Bureau politique du RDR et cette position a été adoptée. Quand malgré ces éclairages, Guikahué et d’autres cadres du PDCI ont continué à entretenir cette illusion et que nous autres, apportions des réponses souvent musclées dans la presse et sur les réseaux sociaux, Amadou Soumahoro m’appelait tard dans la nuit pour me dire ceci : « Kayala, nous comprenons votre colère, mais je vous demande d’aller doucement. Regardons seulement le Président Ouattara ». Pour me limiter à ce petit témoignage, je dirai pour terminer que la Côte d’Ivoire a perdu l’un de ses valeureux fils. Que Dieu le reçoive auprès de lui et de là où il se trouve, qu’il sache que nous qui sommes de la nouvelle génération, allons perpétuer les valeurs qu’il a incarnées et défendues pendant son pèlerinage terrestre. Que son âme repose en paix ! »
Propos recueillis par Kra Bernard, Ténin Bè Ousmane, Olivier Yéo