Politique

En fin de mission en Côte d’Ivoire : La cheffe du Bureau Unesco fait des révélations

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En partance pour Cuba, la Représentante résidente du Bureau de l’UNESCO à Abidjan, Anne Lemaistre, a reçu le bureau de l’Union des journalistes culturels de Côte d’Ivoire (UJOCCI) le mercredi 27 avril 2022 au siège de l’institution à Cocody-Angré. Une occasion pour la Cheffe du Bureau UNESCO d’Abidjan de dresser son bilan et de présenter aux journalistes culturels, son successeur, Omar Diop.

« C’est très difficile de quitter la Côte d’Ivoire »

 

« C’est pour moi très difficile de quitter la Côte d’Ivoire. De fait, avant de venir à Abidjan, j’avais postulé au poste de Cuba que je n’avais pas eu. Il faut savoir que je suis une spécialiste de la culture et j’ai travaillé pendant ma carrière sur le patrimoine mondial sur l’ensemble de la planète, y compris l‘Afrique, mais j’ai développé une spécialité sur l’Asie du Sud-Est, sur l’Amérique latine et le trafic illicite des biens culturels. Etant donné que je n’avais pas été retenue pour le poste de Cuba, j’avais eu la chance de pouvoir choisir la destination que je voulais. C’est ainsi que j’avais opté pour la Côte d’ivoire. La Côte d’Ivoire m’intéressait particulièrement à cause justement de ce nouveau milieu culturel pour moi et qui était une découverte qui a dépassé mes attentes en raison de sa diversité. En dehors de la culture aussi, le Bureau a le mandat de travailler sur l‘Education, les Sciences, les Sciences de la Communication et les Sciences sociales. »

 

Sa nouvelle destination

« Trois ans après, à la tête du Bureau d’Abidjan, je suis allée de nouveau, postuler pour le Bureau de Cuba lorsque le poste s’est rouvert, et à ma grande surprise, j’ai été sélectionnée. Tout naturellement, je n’ai pas refusé une telle opportunité derrière laquelle j’ai couru depuis quelques années. J’ai donc saisi cette opportunité et en même temps, j’essaie de donner la cohérence à tout ce qui m’arrive. Et, je crois que le fait d’avoir été nommée à Cuba en charge d’Haïti, de la République Dominicaine, et également du secteur culturel sur l’ensemble de l’Amérique latine et des caraïbes est une bénédiction surtout après être allée en Afrique. Ma vision sur l’Afrique était biaisée parce que je n’avais pas la connaissance de ce continent. Cette opportunité me donnera l’occasion de créer un lien entre ma nouvelle résidence de travail et l’Afrique. »

 

« Ma vision sur l’Afrique était biaisée… »

 

« Avec le ministre Maurice Bandaman, nous avions décidé que l’Histoire générale de l’Afrique qui se présente en neuf tomes, soit vulgarisée. C’est une œuvre monumentale de l’UNESCO commencée en 1964, réunissant 230 chercheurs internationaux et africains. Elle a été publiée certes, mais à mon arrivée ici en Côte d’Ivoire, j’ai constaté qu’elle était assez méconnue parce qu’étant seulement dans les mains des universitaires. Pourtant, l’objectif de l’UNESCO est de diffuser l’Histoire générale de l’Afrique auprès de tous les publics et donc, ce n’est pas une affaire des seuls sachants. Nous voulons toucher les adolescents, les enfants, les personnes qui ne sont pas forcément intéressés par l’histoire. De fait, nous avons constaté un déficit et de l’avis de l’UNESCO, la culture et l’histoire africaine ne sont pas assez connues par les Africains eux-mêmes. C’est encore pis pour le reste du monde qui est absolument ignorant de l’histoire générale de l’Afrique qui, pourtant, a connu de grands royaumes, de grands empires et de grands hommes. Sans oublier l’histoire de la Reine Akoua Bony qui a aidé à structurer le royaume et celle de Samory Touré qui a été un grand libérateur vis-à-vis des forces françaises. Cela dit, l’Histoire générale ne va pas se résumer à trois personnages. Nous souhaiterions que cette série se poursuive à Abidjan. »

 

 

L’Histoire des afro-descendants

 

« La culture et l’histoire africaine ne sont pas assez connues par les Africains eux-mêmes »

 

« Avec mon nouveau poste, nous travaillons maintenant sur l’Histoire générale des afro descendants qui sont essentiellement en Amérique latine et dans les caraïbes et bien sûr, en Amérique du nord. En ce qui me concerne, je vais travailler sur le Sud et de ce fait, je vais créer une parcerelle entre l’Amérique latine, les caraïbes et l’Afrique de manière à ce que cette histoire soit connue de tous. »

 

De ce que devient la ville historique de Grand-Bassam

« Nous avons énormément travaillé sur Grand-Bassam. Nos efforts ont malheureusement été contrariés par les inondations de 2019 qui ont mobilisé notre énergie, notre temps, nos experts et également, nos financements. Cela, parce que nous avons fait venir une équipe d’urgence de manière à mesurer les impacts mais qui nous a permis de faire une feuille de route pour Grand-Bassam. A la suite, il y a eu la  Covid-19 qui nous a fait remettre à jour, le plan de gestion qui était devenu caduque depuis 2017. Du coup, nous avons eu beaucoup des consultations avec toutes les couches sociales et professionnelles de la ville. Nous avons donc souhaité que le secteur privé soit plus impliqué dans la restauration de Grand-Bassam, que ce soit dans les bâtiments publics que privés. En clair, nous avons capitalisé sur un travail invisible mais qui était absolument nécessaire pour Grand-Bassam. Je souhaite maintenant que nous entrions dans une phase plus opérationnelle dès que le nouveau plan de gestion est adopté officiellement. »

 

De l’inscription des mosquées de style soudanais

« Les mosquées du Nord de la Côte d’Ivoire ont été inscrites sur la liste du patrimoine mondial en juillet 2021 et sincèrement, j’estime que c’est une très belle réussite de la Côte d’Ivoire. Et à ce titre, je tiens vraiment à féliciter le ministère de la Culture qui a monté le dossier. D’abord, nous souhaitons officiellement remettre le certificat et que soit organisée prochainement,  une cérémonie de remise officielle dudit certificat. Ce qui est intéressant, c’est que les mosquées de style soudanais du Nord de la Côte d’Ivoire n’ont pas pour seule fonction que le patrimoine, mais c’est aussi une opportunité de développement local et touristique. Nous voudrions bien que cela puisse créer des opportunités d’emplois en revalorisant cette architecture en terre. Avant, il existait en Côte d’Ivoire environ 300 mosquées en terre dans le Nord, mais il en reste maintenant 21. Sur les 21 mosquées en terre, nous en avons sélectionné 8 qui étaient celles qui présentaient les critères d’intégrité et d’authenticité qu’il fallait pour être inscrites sur la liste du patrimoine mondiale. Les autres avaient été trop retouchées et modifiées. Nous avons donc fait appel à des maçons maliens spécialistes de l’architecture en terre pour venir faire ici, un petit travail et réexpliquer auprès de certaines mosquées. »

 

Sur l’inscription de biens sur la liste du patrimoine en danger

« Le dossier du Mont Nimba avance bien. Le Mont Nimba est partagé avec la Guinée et les deux tiers de la réserve intégrale du Mont Nimba sont en Guinée. Le tiers qui est en Côte d’Ivoire, est préservé par l’OIPR qui y fait un énorme travail. C’est une réserve qui n’est pas ouverte aux humains, aux visiteurs. Cette partie ivoirienne est tellement intacte que lorsque vous y rentrez, il n’y a pas de chemin. Et depuis 1992, le Mont Nimba est inscrit sur la liste en péril, en raison de la Guinée où il y a une enclave minière. La Côte d’Ivoire a tellement bien préservé que je peux assurer que le Mont Nimba est probablement la dernière forêt intacte de l’Afrique de l’Ouest. C’est donc un trésor. Au mois de février, nous avons eu une réunion de haut niveau, de négociation avec le ministère de l’Environnement du côté guinéen de manière à considérer à ce qu’on puisse enfin retirer le Mont Nimba de la liste du patrimoine mondial en péril. C’est ce que la Côte d’Ivoire et l’UNESCO demandent depuis des années. Ce qui me réjouit, est que nous avons eu une oreille attentive de la Guinée et des recommandations ont été établies avec tout un plan d’actions pour pouvoir retirer ce bien de la liste du patrimoine mondial en péril. Le dossier est donc en bonne voie et nous sommes confiants que nous pouvons y arriver. »

Regard sur la culture ivoirienne

« J’ai un regard d’étonnement et d’admiration. Je n’avais pas imaginé avant d’arriver ici qu’il y avait une si grande diversité culturelle. J’ai été agréablement surprise. J’ai eu beaucoup de plaisir à travailler sur les alliances inter-ethniques, mais il reste un ensemble de choses à promouvoir. Il y a aussi un important patrimoine littéraire avec des auteurs comme Bernard Dadié, Kourouma, Guaze qui reste à valoriser. » 

 

Sur son successeur

« Il vient de Kinshasa, il est lui-même originaire du Sénégal. Il a travaillé plusieurs fois en Afrique, à Addis-Abeba, il a même travaillé en Inde. C’est un expert en éducation. Nous avons la personne idoine pour mettre en œuvre, les recommandations des états généraux de l’éducation. »

Propos recueillis par Philip Kla

 

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