Dans une déclaration rendue publique le 03 janvier 2022, les opposants Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié ont vertement critiqué le dialogue politique relancé par le chef de l’État, Alassane Ouattara. À les entendre, ils veulent imposer leur agenda, du moins, leur vision du dialogue politique au pouvoir. Prenant prétexte de la dernière conférence de presse du procureur de la République Adou Richard sur les résultats de l’enquête relative aux violences électorales de 2020, le PDCI de Bédié et le PPA-CI de Gbagbo ont vertement critiqué le dialogue politique. Selon eux, le pouvoir n’en parle que du bout des lèvres. De fait, relèvent-ils avec insistance dans leur déclaration, « les interrogations de (leurs) partis politiques se sont muées en inquiétudes face au peu d’intérêt que le chef de l’État a accordé au sujet du dialogue politique dans son discours de fin d’année ». Ils vont jusqu’à « prendre à témoin, l’opinion nationale et internationale du peu d’intérêt que le chef de l’État accorde à la réconciliation nationale et à la cohésion sociale ».
Et les deux leaders de l’opposition ne s’arrêtent pas là. Ils se permettent d’imposer au chef de l’État, une hiérarchisation de ses priorités de 2022. Et au nombre de celles-ci, ils inscrivent le dialogue politique. « Pour le PDCI-RDA et le PPA-CI, il ne saurait avoir de priorité plus élevée que la recherche de la réconciliation nationale et de la paix, but ultime attendu du dialogue politique… », avancent-ils. Et d’appeler le chef de l’État à « inscrire, enfin, le dialogue politique parmi ses priorités pour l’année 2022 ».
À travers ces récriminations, Gbagbo et Bédié donnent l’impression de vouloir dicter un calendrier à Ouattara en le sommant presque de revoir ses trois priorités de l’année. Mieux, ils veulent lui imposer une hiérarchisation desdites priorités, puisqu’ils estiment qu’« il ne saurait avoir de priorité plus élevée que la recherche de la réconciliation nationale et de la paix, but ultime attendu du dialogue politique… ». Ils voudraient astreindre le chef de l’État à une matrice d’actions conçue par leurs états-majors, qu’ils ne s’y prendraient autrement.
Le faux procès du PDCI et du PPA-CI contre Ouattara
Par ailleurs, ils font un mauvais procès au pouvoir et partant, à Ouattara quand ils avancent que celui-ci « accorde peu d’intérêt » au dialogue politique. Comment en effet, en arrivent-ils à une telle déduction ? Pourquoi le chef de l’État lancerait-il l’idée d’une reprise du dialogue politique dans son récent message à la nation, s’il n’y attachait aucun intérêt ? Hier encore, à l’occasion du premier conseil des ministres de l’année 2022, le Premier ministre Patrick Achi est revenu sur l’engagement du gouvernement de poursuivre ces discussions avec les autres forces politiques. Comment alors, Gbagbo et Bédié peuvent-ils soutenir que Ouattara n’y accorde que peu d’intérêt ? Si pour eux, ce dialogue politique doit être la finalité de l’action gouvernementale, pour Ouattara, il constitue un moyen parmi tant d’autres pour faire aboutir les trois priorités qu’il s’est fixées cette année. On pourrait donc en déduire qu’il y a là une divergence dans l’approche, voire dans la vision que lui et ses adversaires ont de ce dialogue politique tant attendu.
À la vérité, au-delà de ces jérémiades sur le dialogue politique, il faut lire l’intention inavouée des deux leaders de noyer le poisson, en l’occurrence, le probable procès des auteurs et commanditaires des crimes commis lors de la désobéissance civile. Tout se passe comme s’ils disaient à Ouattara : passe par pertes et profits la procédure judiciaire engagée suite aux violences électorales consécutives à la désobéissance pour privilégier le dialogue politique, perçu comme une opportunité pour effacer les crimes du passé. Et dire qu’il y a peu, le parti de Bédié clamait qu’il était prêt à faire face à la justice suite à la sortie médiatique du procureur de la République, Adou Richard.
Assane Niada