Politique

Prof Dayoro Arnaud Kevin (Sociologue) / « Le retour de Gbagbo n’est pas l’élément exclusif de la réconciliation »

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Le retour de l’ancien président Laurent Gbagbo peut-il réconcilier les Ivoiriens ? Le Professeur Dayoro Arnaud Kevin, Maître de conférences à L’université Félix Houphouët-Boigny analyse la question dans cet entretien qu’il nous a accordé au téléphone.

Y a-t-il un problème de réconciliation en Côte d'Ivoire ?

Le concept de réconciliation en luimême indique qu’il y a problème. Lorsqu’on dit réconciliation, cela veut dire qu’auparavant, il y avait une certaine conciliation. Il y avait donc un rapport d’harmonie et de cohésion. C’est parce que ce rapport est bouleversé qu’on parle de réconciliation. Evidemment il y a une fragilisation des relations humaines. Les relations sociales ont changé profondément. Il y a vraiment une crise au niveau social et au niveau de la solidarité. Lorsque vous descendez dans les petits quartiers vous verrez qu’il y a des activités qu’on ne mène plus parce qu’il y a la méfiance de part et d’autres. Il y a une propension à offrir tel ou tel marché ou telle activité pour favoriser tel accès à tel domaine en fonction des idéologies partisanes et des idéologies d’ordres politiques. Aujourd’hui les ivoiriens évoluent de façon clanique. Nous avons vu dans la dernière crise comment les acteurs politiques ont mené la Côte d’Ivoire dans des conflits communautaires et des attaques qui ont fait des morts par endroit. Donc bien évidemment il y a problème. On ne peut l’ignorer.

Pourquoi, malgré toutes les initiatives engagées, la réconciliation tarde à être effective ?

Il faut pouvoir situer ces initiatives engagées. Les ivoiriens et les acteurs politiques doivent être courageux. La réconciliation est un acte de courage. Il ne pas seulement surfer sur les aspects politiques. Ce n’est pas en nommant le fils de la région comme ministre que ces problèmes se règlent. Au contraire, les disparités politiques et la question de conflits va grandissant quand on nous essayons de gérer la nation sur des bases tribalistes ou de faire des calculs à partir du régionalisme ou encore à partir des relations ethniques parce que la Côte d’Ivoire se particularise par une pluralité ethnique. Déjà sur ce point, la réconciliation entre les ivoiriens n’est pas possible. Par contre, lorsque vous nommez un ministre qui a de la valeur et qui le mérite, il rassure. Que vous soyez du Nord, de l’Ouest, du Sud de l’Est ou du Centre, il y a un certain désir de démocratisation. Mettre les gens à leur place. Si le problème de la crise doit se limiter à des personnalités politiques auxquels il faut offrir des postes pour les contenter, nous n’aurons rien résolu. Beaucoup a été fait, cependant de mon point de vue son encore de l’ordre du politique. Je ne pense pas que les jeux du politicien peuvent régler les problèmes de la Côte d’Ivoire.

Pensez-vous que le retour de Laurent Gbagbo peut sceller la réconciliation, comme le pensent ses partisans ?

Le retour du président Laurent Gbagbo ne peut pas être l’élément exclusif qui pourra réconcilier les ivoiriens. La réconciliation est avant tout, les respects des droits des hommes. C’est l’accès à tous de façon égalitaire aux compétitions économiques, aux marchés de travail, aux structures de soins, aux richesses produites par la société. La réconciliation est un ensemble d’éléments qui participent à l’expérience de la réconciliation. On ne peut donc pas limiter la réconciliation par des jeux politiques. Le côté politique me semble ici être l’Iceberg. En effet, c’est la chose la plus visible. Mais il y a des côtés souterrains qui sont négligés. Une étude sociologique doit être faite pour faire ressortir ces éléments. En tout état de cause, les présidents Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo sont des acteurs qui comptent dans la réconciliation nationale. Les partisans de chaque camp sont donc engagés à trouver un compromis du vivre ensemble. De ce fait, le retour de Laurent Gbagbo peut être un déclencheur de la réconciliation. D’un côté, Il faut que les acteurs s’engagent dans la perspective de devenir une nation et non pas dans celle de venir reprendre une place qui a été ôtée par l’autre, en ce moment-là, vous entrez à nouveau dans le conflit. De l’autre côté, il faut également accepter de démocratiser l’accès au pouvoir.

Au-delà de tout ceci, que voulons-nous pour la Côte d’ Ivoire ?

C’est une question fondamentale. Que faire pour que les Ivoiriens réapprennent à vivre ensemble ? Déjà, il faut aller au-delà de faire revenir un acteur politique. Nous devons surfer sur des valeurs. Avoir la vision d’être une nation doit préoccuper chacun des ivoiriens. On ne peut pas s’en sortir si l’on ne veut pas être une nation. C’est l’intérêt général qu’il faut consolider aujourd’hui. Au-delà de tout, en France, au temps des socialistes, l’intérêt de la France a dominé. Il y a certes des conflits d’idéologie politiques, mais pas de conflits lorsqu’il s’agit des intérêts français. Il faut que tous, nous comprenons qu’il faut nécessairement aller à la construction de la nation ivoirienne.

Interview réalisée par Roxane Ouattara

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