Lundi 22 novembre, à 17h10, au Mali, précisément à l’aéroport international de Bamako, des individus s’introduisent de force, dans le cockpit de l’Airbus A319 immatriculé TU-TSZ, exploité par la compagnie nationale Air Côte d’Ivoire. Il s’agit notamment d’un huissier de justice, d’un haut responsable de l’aéroport, d’un élément des forces de sécurité. D’aucuns ont annoncé la présence, sur les lieux, d’Oumar Diawara.
L’huissier brandit, sous le nez des pilotes, un arrêt de la Cour de justice de la CEDEAO et un exploit, l’autorisant à clouer au sol, l’avion. Le haut responsable de l’aéroport confirme l’information, mettant les pilotes dans une situation inconfortable. Le contact est aussitôt établi entre le Directeur général d’Air Côte d’Ivoire et les hommes d’Oumar Diawara. Ceux-ci réclament le dédommagement, selon l’arrêt, de leur patron en échange de l’avion. Abidjan oppose une fin de non-recevoir. Le ministre ivoirien des Transports, informé, avise le Premier ministre. Le président Alassane Ouattara est également informé. Un canal téléphonique est aussitôt ouvert entre les deux chefs d’État. Le président malien, Assimi Goïta, tombe des nues. Il fait dégager les occupants de l’avion. Tout cela se déroule rapidement. Moins de 5 minutes. A 17h12, l’avion quittait Bamako avec ses passagers. Cette situation a laissé un goût de centre dans la bouche des autorités ivoiriennes.
- La grosse colère de l’État malien contre Oumar Diawara
Elles l’ont clairement fait savoir au gouvernement malien, qui a dû s’excuser et promis de régler l’affaire au plus vite. Le 26 novembre, le ministre malien de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, Mamoudou Kassogue, saisit le Procureur général près la Cour d’Appel de Bamako pour ouvrir une enquête sur ce qui s’est passé à l’aéroport, ce 22 novembre (voir fac-similé). « Il me revient qu'une tentative de saisie conservatoire sur un aéronef de la Compagnie Air Côte d’Ivoire aurait eu lieu à l'Aéroport International Bamako-Sénou, le lundi 22 novembre 2021. Des informations recueillies, il résulte que cet incident serait consécutif à la tentative d'exécution d'un exploit servi par un Cabinet d'Huissier-Commissaire de Justice de Bamako, agissant sans droit ni titre, sa requête aux fins d'autorisation de saisie conservatoire, au niveau du Tribunal de Grande Instance de la Commune VI du District de Bamako, n'ayant pas encore abouti à une décision exécutoire », stipule le courrier du ministre malien de la Justice. L’huissier qui a agi ‘’sans droit, ni titre’’, pourrait écoper d’une sanction pénale. C’est d’ailleurs ce qu’indique le courrier en question. « Compte tenu des agissements de cet Officier ministériel, susceptibles de recevoir une qualification pénale, je vous demande de faire procéder à l'ouverture d'une enquête, afin de faire toute la lumière sur cette affaire. J'attache du prix à l'exécution correcte de la présente instruction », ordonne Mamoudou Kassogue.
La Cour de justice de la CEDEAO embobinée ?
Comme nous l’écrivions dans notre parution du 24 novembre dernier, Oumar Diawara, homme d’affaires, après avoir perdu ses procès en Côte d’Ivoire dans l’affaire qui l’oppose à la Banque nationale d’investissement (BNI) Gestion, a saisi la Cour de justice de la CEDEAO. À l’issue d’un marathon judiciaire, il a gagné le procès. C’est muni de cette décision qu’il s’est attaché les services d’un cabinet d’huissier au Mali au fin de saisir les biens de l’État ivoirien dans ce pays. Son premier acte a consisté à saisir, brièvement, un avion d’Air Côte d’Ivoire. Pourtant, Oumar Diawara est poursuivi en Côte d’Ivoire, notamment pour complicité d’abus de biens sociaux. Il est accusé de complicité avec l’ancienne Directrice de BNI Gestion, Mme Sakandé Cissé, pour l’achat, à hauteur de 1 milliard 59 millions de F Cfa, de plusieurs terrains à Abidjan et banlieue, alors que les lots ont une valeur de 15 milliards de Fcfa. Même si l’homme d’affaires se défend d’avoir été lui-même arnaqué, il n’empêche qu’à l’issue des enquêtes menées par le juge d’instruction en charge du dossier, il est établi une complicité entre lui et Mme Sakandé Cissé dans cette rocambolesque affaire. D’ailleurs, l’homme d’affaires a plusieurs fois brillé par son absence aux audiences dans lesquelles il a été régulièrement convoqué.
- Le Mali ouvre une enquête
La Cour de justice de la CEDEAO qu’il a saisie, semble avoir court-circuité l’État ivoirien. Les avocats de la Côte d’Ivoire ont été surpris de la décision en faveur d’Oumar Diawara, alors qu’ils réunissaient des éléments d’informations demandés par les juges de cette Cour. Que s’est-il passé ? La Cour de justice de la CEDEAO a-t-elle eu suffisamment d’éléments afin de statuer ? En attendant que cette affaire soit tirée au clair, l’État malien a entrepris d’ouvrir une enquête sur la tentative de saisie d’un avion sur son territoire. Il est annoncé un sommet de la CEDEAO, mi-décembre à Abuja. Le sujet pourrait être à l’ordre du jour. En Côte d’Ivoire, l’on est déterminé à laver l’affront pour éviter qu’il ne fasse jurisprudence.
Y.Doumbia