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Opinion

PPA-CI : Jean Bonin relève des irrégularités et met Gbagbo en garde

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Le PPA-CI fonctione t-il dans l'illégalité?
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La Côte d’Ivoire peut-elle raisonnablement être considérée comme un État de droit ? La question peut sembler à priori curieuse. Cependant, à l’analyse de certains faits et actes juridiques entérinés ou favorisés par l’Etat lui-même, elle trouve tout son sens. C’est le cas notamment de l’imbroglio juridique relatif à l’existence juridique qui apparaît comme un véritable casse-tête… ivoirien. Analysons ensemble.

L’ÉTAT DE CÔTE D’IVOIRE ET LE MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR DOIVENT DES EXPLICATIONS 

De l’existence juridique du PPA-CI

Alors qu’il n’était pas légalement constitué et n’avait pas reçu son récépissé de déclaration d’existence, le PPA-CI a été autorisé, au titre du contingent des partis politiques, à prendre part au dialogue politique qui s’est tenu du 16 décembre 2021 au 4 mars 2022 entre les gouvernement et 21 partis politiques et 26 organisations de la Société civile. 

Cette situation nous avait déjà, à cette époque, interpellée. Et nous lui avions alors consacré une publication en vue d’attirer l’attention sur la nécessité de la clarifier. En vain. Manœuvres politiques oblige, aucune clarification ne sera faite par le gouvernement. 

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À présent, nous apprenons que le PPA-CI s’apprête à faire son entrée à la Commission Électorale Indépendante (CEI). Nous partons donc du postulat que le ministère de l’Interieur lui a délivré un récépissé d’existence. Cela, d’un strict point de vue juridique, pose problème. 

En effet, la loi sur les partis politiques de 1993 dispose en son article 14 que « tout Parti ou Groupement politique régulièrement déclaré, doit être rendu public par l'autorité compétente par l'insertion au Journal officiel (JO) du récépissé de déclaration dans le mois qui suit sa signature ». 

Le PPA-CI qui a participé au dialogue politique et même signé le rapport final, n’avait pas de récépissé de déclaration d’existence. Qu’est-ce qui explique cette faveur alors qu’il aurait pu y participer sous le couvert de EDS qui lui a une existence légale. 

Quand bien même nos recherches ne nous ont pas permis de retrouver une quelconque insertion au JO en ce qui concerne la déclaration d’existence du PPA-CI nous supputons que ce récépissé lui a été délivré et c’est cela qui lui permet d’envisager d’intégrer la CEI. Les mauvaises pratiques ont la vie dure. 

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Qu’à cela ne tienne, cela nous offre l’opportunité de procéder à une analyse purement juridique, dénuée de toute émotion, relativement à un élément fondamental du dossier de déclaration d’existence légale de tous partis politiques (et donc du PPA-CI) ; la qualité des membres fondateurs. 

L’ordonnance N° 2020-356 du 08 avril 2020 portant révision du code électoral en son article 4 dispose que : « ne sont pas électeurs, les individus frappés d’incapacité ou d’indignité notamment :
- les individus condamnés pour crime ;
- les individus en état de contumace ;
- les interdits ; …
- les individus auxquels les tribunaux ont interdit le droit de vote et, plus généralement, ceux pour lesquels les lois ont édicté cette interdiction ». 

Quant à l’art 5 de cette même loi, il dispose que : « la qualité d’électeur est constatée par l’inscription sur une liste électorale. Cette inscription est de droit ».

le PPA-CI a jugé opportun de porter à sa tête un individu condamné pour crime et dont la condamnation est devenue irrévocable

Nonobstant les dispositions précitées, le PPA-CI a jugé opportun de porter à sa tête un individu condamné pour crime et dont la condamnation est devenue irrévocable. Il figure donc, à ce titre, en tant que président, sur la liste des membres fondateurs et dirigeants de ce parti déposée au ministère de l’intérieur. 

En application des dispositions précitées du code électoral et de la loi sur les associations politiques, il appert que, suite à sa condamnation dans l’affaire dite du casse de la BCEAO, et en l’absence d’une loi d’amnistie dont il aurait bénéficié de ses effets rédempteurs, M. Gbagbo Laurent, putatif président du PPA-CI, a été retiré de la liste électorale et n’y figure toujours pas à ce jour (j’ai pu le vérifier). 

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Son retrait de la liste électorale, qui est juridiquement lourd de conséquence, avait d’ailleurs été confirmé par la décision N° CI-2020 EP-009/14-09/CC/SG du 14 septembre 2020 portant publication de la liste définitive des candidats à l’élection du Président de la république du 31 octobre 2020.  

M. Gbagbo Laurent ne figure pas sur la liste électorale

Dans celle-ci, le Conseil déclare que « … il ressort de l’examen de ce dossier que M. Gbagbo Laurent ne figure pas sur la liste électorale, à la suite de son exclusion de ladite liste, ordonnée par la Commission Electorale Indépendante le 18 août 2020 et confirmée en dernier ressort, sur son recours, par Ordonnance N°01/CE/2020 du 25 août 2020 du Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, statuant en matière de contentieux de la liste électorale ; Considérant ainsi, que le dossier de candidature de M. GBAGBO LAURENT n’est pas conforme aux dispositions de l’article 48 du Code électoral, qui subordonne la validité de la candidature à la Présidence de la République à la possession préalable de la qualité d’électeur, laquelle résulte de l’inscription sur la liste électorale ».

Par ailleurs, l’article 8 de la loi n° 93-668 du 9 août 1993 relative aux Partis et Groupements politiques dispose que : « Les membres fondateurs et dirigeants des Partis ou Groupements politiques doivent être de nationalité ivoirienne et jouir de leurs droits politiques et civiques ». 

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Le problème juridique qui se pose, dès lors, est celui de savoir si un parti politique, en cours de création, qui désigne à sa tête un individu déchu de ses droits civiques et politiques, peut obtenir de l’Etat un récépissé de déclaration d’existence légale alors qu’il ne se conforme pas aux dispositions légales nécessaires à sa reconnaissance légale ? Telle est l’essence de la problématique juridique posée au Ministère de l’intérieur. 

La réponse à cette question sera scrutée par toute la communauté juridique et politique. Elle confirmera que notre pays est un État de droit, respectueux de l’application de ses lois ou plutôt qu’il est abonné aux petits arrangements politiques, comme le permet trop souvent les différents Dialogues Politiques initiés par les différents pouvoirs qui se sont succédés en Côte d’Ivoire. 

 De l’arrangement politique 

Nous l’avons bien compris, la présence du PPA-CI à la CEI ne résulte pas d’un droit acquis dont il aurait bénéficié. Elle résulte indubitablement d’un arrangement politique, probablement consenti dans le cadre de l’hydre dénommée réconciliation nationale. 

À quel moment est donc intervenu cet arrangement politique dès lors que nulle part dans le dernier dialogue politique il n’apparaît une résolution relative à une reconnaissance formelle de l’existence légale du PPA-CI, en tant que parti politique ? 

Ce capharnaüm juridique, qui ne peut pas être considéré comme jurisprudence, finira tôt ou tard par rattraper le PPA-CI, tant son existence juridique est légalement fragile et pourrait à tout moment être remis en cause par toute personne y ayant intérêt. 

Il va de soi que les arrangements politiques, non régularisés à posteriori en droit, ne peuvent pas s’imposer juridiquement au Conseil constitutionnel. Contrairement donc aux apparences, qui sont trompeuses, le problème de l’existence juridique du PPA-CI reste entier. 

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Et pour cause, nous sommes face à une situation comico-dramatique des plus ubuesques. Une situation où un individu gracié (pas amnistié) dirige, de fait, un parti politique, alors que son casier judiciaire, non immaculé, reste taché des condamnations irrévocables prononcées à son encontre pour crime par la justice ivoirienne. C’est un fait inédit dans les anales judiciaires et juridiques.

Nous sommes face à une situation comico-dramatique des plus ubuesques

Cet individu ne figure pas sur la liste électorale, il ne peut donc pas être présidentiable et pourtant, dans les faits, il est autorisé à présider un parti politique qui lui-même est admis à siéger dans une commission électorale. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

L’africain en général, et l’ivoirien en particulier ne semble pas avoir compris la corrélation évidente qu’il y a entre la primauté du droit sur tous et sur tout, d’une part, et la démocratie et développement, d’autre part. C’est bien dommage 

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Le paradoxe c’est que ce sont ceux qui s’insurgent contre l’absence de l’Etat de droit qui, lorsqu’ils y trouvent un intérêt partisan, sont les plus prolixes à soutenir les arrangements politiques qui sapent cet État de droit qu’ils disent appeler pourtant de tous leurs vœux. C’est le serpent qui se mort la queue.

M. Gbagbo devrait être très reconnaissant au président Ouattara

En tout état de cause, M. Gbagbo devrait être très reconnaissant au président Ouattara qui ne cesse de le cadeauter depuis son retour de la CPI - passeport diplomatique, grâce présidentielle, paiement de rentes viagères, dialogue politique, admission à la CEI… Blé Goudé et le Cojep n’ont malheureusement pas, eux, eu cette chance. Alea jacta est. 

Jean Bonin Kouadio
Ex vice-président du FPI
Juriste 
Membre du cabinet international d’avocats Serres et Associés.