L’affaire remonte au mois de mars 2022 où tout est parti d’un simple litige entre le Pr Antoine Akpo Amankou, premier magistrat de la localité et Yapo Fabien, un jeune opérateur économique pour le contrôle de la morgue de la cité. Dally Obou Marcel, président de la section du Tribunal d’Adzopé, s’est retrouvé dans l’affaire tout simplement parce que ses services ont été sollicités pour départager les deux parties. Contre toute attente, les positions se raidissent de part et d’autre et l’affaire prend des dimensions mystico-fétichistes. Ironie du sort, l’homme de droit dont l’expertise a été sollicitée pour régler le problème, se retrouvera au centre de cette affaire et risque même d’y laisser la vie. Mais comment en est-on arrivé-là ? Nous sommes dans le courant du mois de mars 2022.
Le Pr Antoine Akpo, maire d’Adzopé, engage une procédure pour que lui soit rétrocédée, la morgue de la ville gérée par un opérateur économique. Un bras de fer s’engage entre l’élu et le jeune opérateur économique. Comme cela se fait en cas de litige, le maire porte l’affaire devant le Tribunal. En s’appuyant sur les textes de loi, le procureur indique au maire, la démarche à suivre afin que lui soit cédée la gestion de la structure mortuaire. Selon certaines sources, le maire aurait refusé de suivre cette procédure et aurait demandé au procureur d’user de son pouvoir pour que la gestion de la morgue tombe dans l’escarcelle de la mairie. L’homme de droit reste droit dans ses bottes et renvoie le maire à sa copie. C’est à partir de là que tout se va gâter entre les deux hauts cadres. Le maire soupçonne le procureur de faire le jeu de son adversaire, dans la mesure où les mêmes protagonistes sont en conflit pour l’occupation d’un espace sur lequel le jeune opérateur économique a bâti un bar climatisé. Pour cette autre affaire, le procureur refuse encore de faire le jeu du maire et conseille à ce dernier de saisir un commissaire de justice pour initier une action en revendication de propriété, de démolition du bar climatisé et de déguerpissement. Pour le maire, en refusant encore d’accéder à cette autre requête, il est clair que le magistrat fait le jeu de son adversaire.
C’est à partir de là que tout se gâter réellement. Un beau matin, Monsieur le maire débarque dans les locaux du Tribunal avec des policiers municipaux. Sous les regards médusés de plusieurs spectateurs, une scène surréaliste se déroule : le maire, noir de colère, fait une libation, invoque les mânes des ancêtres, les rivières et la terre d’Adzopé pour châtier le procureur. La suite de l’affaire est digne d’un film nigérian. Et patatras, ce qui devait arriver, arriva. Le dimanche 25 septembre 2022, soit six mois après ces menaces et cette malédiction, le procureur est frappé par un accident vasculaire cérébral (AVC) et tombe dans le coma. Il est évacué dans une grande clinique à Abidjan et sa famille multiplie jeûnes et prières pour qu’il s’en sorte. Mais aussi bien à Adzopé comme à Abidjan, pour les proches du procureur, il n’y a aucun doute. C’est le maire qui est à la base de cette situation, puisqu’il a invoqué les mânes des ancêtres, les rivières et la terre d’Adzopé de châtier le magistrat. Vrai ou faux ? Le procureur a-t-il été réellement foudroyé par les génies invoqués par le maire ? Est-ce que le maire qui est un grand scientifique et éminent professeur en médecine, peut-il recourir aux génies et aux esprits des eaux pour régler un simple litige ? En tout état de cause, la coïncidence entre la libation, les menaces et le mal qui a foudroyé le procureur continue d’alimenter les causeries dans la ville d’Adzopé. Ce que l’on peut retenir de cette affaire surréaliste, c’est que l’Afrique a ses mystères.