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FPI : Un infanticide presqu'imparfait...

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Depuis ce 9 août 2021, l’ancien président Laurent Gbagbo ne fait plus partie du Front populaire ivoirien, parti qu’il a lui-même créé, dans la clandestinité en 1982 avant son officialisation en 1988. L’ancien opposant historique à Félix Houphouët-Boigny n’a pas été éjecté, chassé ou radié de ce parti politique pour une quelconque raison. En pleine connaissance de cause et au cours d’une rencontre avec les siens, il a lui-même pris la décision de sauter par-dessus bord et d’aller créer un nouveau parti politique. Et pourtant, la vie de Laurent Gbagbo et celle du Front populaire ivoirien constituent les deux faces d’une même médaille. Depuis ses années collège en passant par la clandestinité, l’opposition ouverte, l’accession et la perte du pouvoir, que n’a-t-il pas enduré pour faire germer le FPI, l’entretenir, l’officialiser et le faire accéder au pouvoir d’État ? Avec le FPI, Laurent Gbagbo a connu les pires et les meilleurs moments de sa vie. La prison, l’exil, la dislocation familiale, etc. Sans prendre parti pour l’ex-chef d’État, l’on pourrait dire que le FPI, c’est Laurent Gbagbo et Laurent Gbagbo, c’est le FPI. Comme on le dit de façon triviale en Côte d’Ivoire, qu’est ce qui n’a pas marché pour que Gbagbo décide d’abandonner aussi facilement le FPI ? serait-on tenté de s’interroger. Il est vrai que depuis la perte du pouvoir, une crise s’est instaurée au sein du parti au point où, à tort ou à raison, Affi N’Guessan, celui-là même qu’il a propulsé à la tête du parti en 2001, était accusé de travailler contre lui. Mais tout ceci pouvait se régler dans un cadre de discussions, surtout qu’en Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo est connu pour être le chantre du célèbre concept « Asseyons-nous et discutons ». Mieux, à sa sortie de prison, ses partisans ont annoncé urbi et orbi que sa venue en Côte d’Ivoire allait sceller la réconciliation nationale. Mais au lieu de rassembler, Laurent Gbagbo, dans les jours qui ont suivi son retour au pays natal, a dérouté plus d’un. La potion magique supposée de la réconciliation dont il était détenteur s’est transformée en un poison contre l’unité et la cohésion. Avant même de franchir les portes de l’aéroport, Laurent Gbagbo a montré les signes d’un divorce d’avec son épouse et compagne de lutte avant d’officialiser la procédure quelque jours plus tard.

Sur l’échiquier politique ivoirien, Laurent Gbagbo n’est pas le premier fondateur de parti dont le contrôle lui échappe, mais ce qu’a fait l’ancien président, le lundi 9 août 2021, est un infanticide au sens propre comme au figuré.  Kacou Mathias a chassé Bamba Moriféré de la tête du PPS, Jean Jacques Béchio a pris le contrôle de l’ANSI au détriment du fondateur Zémogo Fofana, Azoumanan Moutayé a chassé Anaky Kobenan de la tête du MFA, avant d’être chassé à son tour par Ouattara Siaka. À la différence de ces partis, au FPI, c’est le fondateur qui a décidé d’abandonner le bébé entre les mains de celui qui en avait la garde. Ceci constitue un infanticide pour lequel Laurent Gbagbo doit des explications plus convaincantes à ces milliers d’Ivoiriens qui ont cru en son combat depuis la clandestinité jusqu’à ce jour.

 

Après cette rupture, alors qu’on s’attendait cette fois-ci, à la mise en œuvre de la politique du ‘’Asseyons-nous et discutons’’, Gbagbo Laurent va annoncer avec fracas, l’abandon du parti qu’il a fondé pour la création d’une nouvelle formation. Il est vrai que sur l’échiquier politique ivoirien, Laurent Gbagbo n’est pas le premier fondateur de parti dont le contrôle lui échappe, mais ce qu’a fait l’ancien président, le lundi 9 août 2021, est un parricide au sens propre comme au figuré. Dans ce pays, Kacou Mathias a chassé Bamba Moriféré de la tête du PPS, Jean Jacques Béchio a pris le contrôle de l’ANSI au détriment du fondateur Zémogo Fofana, Azoumanan Moutayé a chassé Anaky Kobenan de la tête du MFA avant d’être chassé à son tour par Ouattara Siaka. Les cas de départ des fondateurs de partis sont donc légion. À la différence de ces partis, au FPI, c’est le fondateur qui a décidé d’abandonner le bébé entre les mains de celui qui en avait la garde. Ceci constitue un parricide pour lequel Laurent Gbagbo doit des explications plus convaincantes à ces milliers d’Ivoiriens qui ont cru en son combat depuis la clandestinité jusqu’à ce jour. Et pourtant, il aurait été politiquement plus élégant pour Laurent Gbagbo de s’asseoir et discuter avec son poulain Affi N’Guessan avant de prendre cette décision radicale et déroutante. Dans tous les cas de figure et dans tous les scénarii possibles, il aurait été difficile, voire impossible pour Affi N’Guessan de dire non à son mentor Laurent Gbagbo ou de lui tenir tête face à sa volonté de reprendre la présidence du parti. En cas de refus de la part de ce dernier, comme il dit avoir le contenu de l’enveloppe FPI avec lui, Gbagbo aurait instruit les structures du parti à l’effet d’introduire une motion de censure ou enclencher une procédure d’impeachment pour chasser Affi et récupérer son parti, puisqu’il en a la légitimité et les moyens. Rien n’y fit. Gbagbo, depuis son retour, n’a même pas donné une seule chance à la réconciliation au sein de son parti, préférant ainsi jeter le bébé avec l’eau du bain. Sous d’autres cieux, il y a eu des cas similaires. Ici, à la différence de ce que Affi N’Guessan a qualifié de « monologue du timonier », les fondateurs des partis ont été éjectés dans le strict respect des procédures et textes régissant ces formations. En France par exemple, dans ce même mois d’août 2015, Jean Marie Le Pen, fondateur et patron historique du Front national, beaucoup adulé par les frontistes, a été éjecté de son propre parti. C’est une réunion du Bureau exécutif du FN qui a annoncé son exclusion après l'avoir auditionné. Le patriarche de 87 ans qui était engagé dans une guerre ouverte avec sa fille Marine Le Pen a finalement perdu la face contre cette dernière. En décembre 2007, en Afrique du Sud, Thabo Mbeki, très grand ami à Laurent Gbagbo, a été chassé de la direction du Congrès national africain (ANC) au profit de Jacob Zuma, lors d'un congrès très tendu comme cela devrait être le cas au niveau du FPI. En novembre 2017, Robert Mugabe, le plus vieux chef d'État en exercice de la planète à l’époque (93 ans) et président de son parti, la Zanu-PF, a été démis de ses fonctions de dirigeant par le comité central. Il a été remplacé par son vice-président Emmerson Mnangagwa, surnommé le "crocodile". Ici, Gbagbo n’a pas été éjecté par une quelconque instance du parti. Il a décidé lui-même d’abandonner son bébé qu’il a qualifié « d’enveloppe vide ». Après cet infanticide politique presqu’imparfait, quelle déclinaison politique, idéologique et sociétale Laurent Gbagbo va-t-il donner à son nouveau combat politique à 76 ans révolus ? Le temps nous le dira.

Kra Bernard

 

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