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Y-AT-IL UN PROBLEME DE RECONCILIATION EN COTE D’IVOIRE ?

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Depuis le retour de l’ancien président Laurent Gbagbo, c’est pratiquement le vocable le plus usité dans certains milieux socio-politiques. Qu’il soit du PDCI RDA, de toutes les tendances confondues du FPI et des autres formations politiques de l’opposition, aucun leader ou responsable politique de base de ces formations ne peut construire une simple phrase sans employer le terme ‘‘réconciliation nationale’’. Dans cette même veine, les anciens présidents Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié, au cours d’une récente rencontre à caractère excursionniste entre couples à Daoukro, ont appelé de tous leurs vœux, la tenue urgente et impérative d’assises nationales sous forme de dialogue sur la thématique de la réconciliation entre les Ivoiriens. Au niveau des tenants du pouvoir, après la création de la Commission dialogue vérité et réconciliation (CDVR), du Programme national de cohésion sociale (PNCS) et de la Commission nationale pour la réconciliation et l’indemnisation des victimes (CONARIV), le Gouvernement a créé un département ministériel exclusivement consacré à cette thématique. Tous ces faits, qu’ils émanent d’opposants et des tenants du pouvoir, poussent à se poser une question : Y-a-t-il un problème de réconciliation en Côte d’Ivoire ? Pour pouvoir y répondre, explorons d’abord la portée sémantique de cette notion. Selon Le Larousse qui est le dictionnaire de référence de la langue française, la réconciliation, c’est « l’action de réconcilier des adversaires, des gens fâchés entre eux. C’est le rétablissement des liens conjugaux entre époux en instance de divorce ou séparés de corps ». Cette définition appelle aussi à des questionnements réflexifs sur la réconciliation en Côte d’Ivoire : Est-ce que dans les villages, dans les quartiers, dans les marchés et dans les bureaux, les ivoiriens sont fâchés entre eux et se regardent en chiens de faïence ? Est-ce que pour une opinion politique ou sur une autre question, les Ivoiriens ne se parlent pas et sont prêts à en découdre les uns aux autres à la moindre occasion ? Est-ce qu’à l’état actuel des choses, il y a une adversité avérée ou latente entre les populations dans les villages et quartiers au point où il urge de convoquer des assises nationales pour éviter le chaos et les remettre ensemble ? Même si ce n’est pas un non catégorique, la réponse à toutes ces questions est négative. Ce qui revient à dire que le terme de la réconciliation qui est claironné par tout le monde est soit, mal compris ou exploité malicieusement pour servir des intérêts politique. Dix années après la grave crise de 2011, les Ivoiriens ont réappris à vivre ensemble sans tenir compte de leurs divergences politiques, religieuses ou idéologiques. Dans les quartiers, dans les maquis, sur les terrains de sport et partout ailleurs, les Ivoiriens se côtoient, se fréquentent, se parlent, se marient et font des affaires ensemble en toute fraternité comme le prône l’hymne nationale. Sur un terrain de sport, dans les transports en commun, dans les marchés et même dans les boîtes de nuit, l’ivoirien ne se pose pas de question sur l’appartenance politique, ethnique, religieuse ou idéologique de celui qui assis à côté de lui au point de s’en méfier. Ceci revient à dire que les murs de méfiance d’une potentielle situation de crise qui nécessitait une action de réconciliation en amont n’existent pas. Si donc il n’y a pas de problème entre les Ivoiriens, pourquoi vouloir alors créer une tribune ou un cadre pour régler des problèmes qui n’existent pas ? Oui, les Ivoiriens peuvent avoir des divergences de vue sur la politique ou d’autres questions. Mais à l’état actuel des choses, on ne peut pas évoquer un problème de réconciliation entre les Ivoiriens dans la mesure où aucune situation objective urgente nécessite la tenue d’assises nationales pour réconcilier les Ivoiriens. 

 

Il est préférable de parler de consolidation de la cohésion nationale plutôt que de réconciliation nationale parce que fondamentalement, les Ivoiriens n’ont pas de problèmes entre eux. Ce sont les hommes politiques qui ont des problèmes entre eux. Ils doivent chercher à régler leurs problèmes entre eux et non les transposer à l’échelle de toutes les populations.

Comme dans toute société, il y a des situations pour lesquelles un minimum de dialogue s’impose pour régler certaines divergences. Mais ce sont là des situations consubstantielles à toute vie en communauté comme il en existe dans nos bureaux, quartiers, villages et même dans nos foyers. Au regard des expériences du passé, il est bon de cultiver de façon permanente le vivre ensemble pour éviter la survenue de situations préjudiciables à la quiétude sociale. C’est en cela qu’il est préférable de parler de consolidation de la cohésion nationale plutôt que de réconciliation nationale parce que fondamentalement, les Ivoiriens n’ont pas de problèmes entre eux. Ce sont les hommes politiques qui ont des problèmes entre eux. Ils doivent chercher à régler leurs problèmes entre eux et non les transposer à l’échelle de toutes les populations. Les expériences du passé sont là pour nous édifier. En 2001, il y a eu le Forum pour la réconciliation nationale. Mais cela n’a pas empêché certains ivoiriens de prendre les armes contre le régime d’alors et de monter une rébellion qui a entraîné la partition du pays en deux. Dans le cadre de la résolution des questions soulevées par cette même rébellion, combien d’accords n’ont-ils pas été signés et combien de gouvernements d’union et/ou de réconciliation nationale n’ont-ils pas été formés ? Mais cela n’a pas empêché une crise post-électorale particulièrement meurtrière dans le pays en 2011. Après cette date, il y a eu la création de la CDVR, du PNCS, de la CONARIV pour régler sur le long terme la question de la réconciliation nationale. Il y a même eu à partir de 2018 des mesures d’amnistie généralisée. Mais cela n’a pas empêché certains ivoiriens de décréter, lors de la présidentielle d’octobre 2020, une désobéissance civile meurtrière et même une tentative de renversement du régime avec l’instauration d’un Conseil national de transition. Dans les faits évoqués ci-haut, c’est toujours les mêmes acteurs qui, depuis 30 ans, se font la guerre et entraînent bien malheureusement les populations dans leurs règlements de comptes. En dehors des mots d’ordre politiques émanant de leaders dans lesquels elles se reconnaissent, les populations n’ont pas de problèmes majeurs entre eux dans les quartiers, villes, villages et campements. Le vrai problème de la Côte d’Ivoire, ce sont les hommes politiques. Ce sont les politiques qui ont des problèmes entre eux. Le jour où ceux-ci parviendront à gérer leurs différends dans les règles de l’art, l’on parlera moins de réconciliation en Côte d’Ivoire parce que les populations qui vivent déjà en symbiose dans les quartiers et villages n’ont pas de problèmes fondamentaux en dehors des petites querelles liées à la vie en société et qui ont leur mode de règlement. Pour une fois, si l’on veut une vraie réconciliation, les mêmes acteurs politiques qui se combattent depuis 30 ans doivent d’abord trouver le moyen de se réconcilier pour de vrai. Et le reste coulera de source.  

 Kra Bernard

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