Éditos

AVOIR LE TRIOMPHE MODESTE

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11 avril 2011, 11 avril 2021. Il y a exactement une décennie une page importante de l’histoire de la Côte d’Ivoire se tournait. Et celle du 11 avril 2010 fait partie des pages les plus sombres de l’histoire de la Côte d’Ivoire. Ce jour-là, Laurent Gbagbo, alors président de la République et battu aux élections présidentielles venait d’être capturé dans son bunker après une sanglante crise post-électorale qui aura fait plus de 3000 morts. La suite de ce feuilleton est connue. Laurent Gbagbo a été par la suite transféré à la Cour pénale internationale pour y être jugé. Il y a été rejoint quelques années plus tard par le bras séculier de sa jeunesse, Charles Blé Goudé. Après la confirmation des charges et après huit longues et harassantes années de procès, la Chambre d’appel de cette juridiction internationale a prononcé l’acquittement total en faveur des deux prévenus. L’argument avancé par les juges était « l’insuffisance de preuves ». Ainsi donc depuis le 30 mars 2021, ils sont désormais libres et peuvent regagner leur pays. Sur place, le chef de l’Etat, le président Alassane Ouattara s’est montré favorable à leur retour. Mieux, il s’est même engagé à faciliter ce retour à travers des actes forts. Dans les milieux des partisans de l’ancien président, cet acquittement sonne comme une victoire. Dans le camp des victimes, c’est le désarroi total. Messieurs Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé n’ont pas été déclarés non coupables. Ils ont simplement été libérés pour insuffisance de preuves. Ainsi donc, ce dimanche 11 avril 2021 où l’on commémore le dixième anniversaire de cette tragi-comédie à l’ivoirienne, il faut avoir le triomphe modeste. L’on entend par ci et par là que Gbagbo et Blé Goudé ont été innocentés. Et qu’ils auront été déportés à La Haye et maintenus en prison pour rien. Et que malgré le passage de 82 témoins à charge, leur culpabilité dans la commission des crimes n’a pas été prouvée.  En cette dixième année après la crise post-électorale, il faut éviter de tordre le cou à l’histoire dont nous sommes tous contemporains. Gbagbo et Blé Goudé ont été certes acquittés dans les conditions que l’on sait, mais il y a eu 3000 morts en Côte d’Ivoire. Ceux-ci n’ont pas été emportés par une pandémie. Ils ont été tués à balles, à l’arme blanche ou brûlés vifs. Il y a eu acquittement, mais l’on ne doit pas passer par pertes et profits ces 3000 morts. Les partisans de l’ancien président peuvent avoir des raisons évidentes de manifester leur joie suite à cette décision de justice. Mais attention aux ressentiments des parents des victimes dont les cœurs continuent de saigner. La CPI a certes prononcé l’acquittement, mais l’on ne doit pas perdre de vue que l’impunité d’aujourd’hui est le crime de demain. Il y a eu 3000 morts dans ce pays et ces morts se comptent dans tous les camps. 10 années après, ceux qui avaient la charge du pays, donc la sécurité et la vie des Ivoiriens à cette époque tentent de faire croire qu’ils sont blancs comme neige. Or, il y a eu effectivement 3000 morts. Ceux-là, leurs parents, époux, enfants et amis sont encore là. A défaut de faire amende honorable pour recoudre le tissu social balafré et éviter la répétition de cette bêtise humaine, il faut avoir le triomphe modeste, surtout quand on a été libérés pour insuffisance de preuves et non innocenté.

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