
Alors qu’il savait en son for intérieur qu’il ne remplissait pas les conditions, parce que citoyen français suite à sa naturalisation du 24 février 1987, Thiam a caché cette vérité apodictique aux militants de son parti. Aujourd’hui où le pot aux roses est découvert, la loi du boomerang est en train de faire son effet. De fait, après la publication sur les réseaux sociaux de son décret de naturalisation, Tidjane Thiam se comporte désormais comme un fauve affamé et déchaîné dans l’arène politique. Le jeudi 13 mars 2025, au cours d’une rencontre qu’il a eue avec des cadres de son parti venus du District du Zanzan à Yamoussoukro, l’ancien patron du Crédit suisse a littéralement rué dans les brancards. Sur les hypothèses qui circulent, faisant croire que Thiam pourrait ne pas figurer sur la liste électorale, du fait de sa nationalité française, le président du PDCI-RDA, comme piqué au vif et voulant en découdre avec tout le monde, n’a pas su maîtriser ses nerfs et a fini par reconnaître en de termes sibyllins qu’il n’a pas respecté la loi de son pays.
« Ne laissez pas des gens qui ne respectent pas la Constitution et qui sont sur le point de faire un 4e mandat illégal vous complexer sur un article de loi. C'est plus grave de ne pas respecter la Constitution. Donc, sur ce point, on n'a pas de complexe à se faire. Ne vous laissez pas avoir par ce genre de choses. La Constitution est au-dessus, c'est fondamental. Quand on ne respecte pas la Constitution, on ne peut pas pousser les gens à respecter la loi ». En français facile et sur la base de ce que ressasse la vulgate populiste sur un hypothétique 4e mandat de Ouattara, Tidjane Thiam est en train de dire que, « comme on parle de 4e mandat, moi, on ne peut pas me pousser à respecter la loi » ou encore « Je sais que je suis sous le coup de l’article 48 du code de la nationalité, mais comme Ouattara veut briguer un 4e mandat, donc moi aussi, je m’en fous, je ne vais pas respecter la loi et je ne suis pas complexé ». Par-dessus tout, appeler ses militants à ne pas se laisser complexer par une loi, c’est appeler directement ces derniers à ne pas respecter la loi, à commencer par soi-même. Voici la posture et le mindset de l’homme qui aspire à diriger la Côte d’Ivoire.
Mais le président du PDCI-RDA se dédouane à moindre frais. Après son aveu du 7 février 2025 et la publication de son décret de naturalisation comme citoyen français, Tidjane Thiam sait qu’à l’état actuel des choses, il ne doit pas figurer sur la liste électorale, parce qu’il n’est plus ivoirien depuis le 24 février 1987 et ès qualité, il ne peut pas non plus diriger un parti politique en Côte d’Ivoire. Dire ainsi les choses, n’est pas un procès d’intention, une manigance politique, encore moins une volonté de réveiller les vieux démons sur la sensible question de la nationalité. Dans ce pays, personne n’a dénié la citoyenneté ivoirienne à Tidjane Thiam, jusqu’à ce que lui-même, ne décide, à l’âge de 25 ans, d’adopter la nationalité française, même s’il a caché cette situation à tout le monde, y compris ses plus proches collaborateurs. Majeur qu’il était au moment de cette naturalisation, Thiam savait que la conséquence directe de son acte est la perte automatique de sa nationalité ivoirienne, du moins jusqu’au jour où il décide de renoncer à cette nouvelle nationalité. D’où vient-il que, quand on évoque les conséquences juridiques de cette situation, une transe collective s’empare de certains cadres du PDCI-RDA ? Pour employer un terme d’un activiste web, en voulant cacher la question de sa naturalisation et passer par les mailles du filet pour accéder à la présidence de la République, Thiam a fait la grosse commission dans la direction du vent et il doit en assumer les conséquences. Dura lex, sed lex.
Bernard KRA