Quel message l’ancien président Laurent Gbagbo qui s’est (re)converti au catholicisme, veut-il au juste passer aux chrétiens de son pays ? En dehors de son village Mama, l’homme effectue beaucoup de sorties dans des églises ou auprès d’hommes de Dieu. Après son retour de La Haye, c’est dans une église, la cathédrale Saint Paul du Plateau, que Laurent Gbagbo a effectué sa première sortie publique. C’était le 20 juin 2021. Quelques semaines après, il s’est retrouvé dans une autre église, le Centre chrétien de transformation de Marcory, tenu par la révérende Jeanne Monney. Le week-end dernier, il était encore dans une autre église, à Yopougon. Contrairement aux autres étapes, ici, l’ancien chef de l’État a tenu des propos qui ont remué le monde politico-religieux. Sur la base d’une compassion qu’il voulait exprimer à l’endroit des fidèles de l’Eglise Protestante Baptiste Œuvres et Mission Internationale (EPBOMI) de Yopougon et aux chrétiens évangéliques en général, l’homme a tenu un discours qui continue de faire jaser. « Ma première parole, c’est de dire Yako à l’Eglise évangélique. Yako ! Yako, parce que quand j’ai été arrêté en avril 2011, certaines personnes, pas trop cultivées, ont estimé qu’il fallait attaquer et décimer les évangéliques, car pour elles, j’étais leur fruit et eux, étaient ma base. Donc, il fallait les attaquer. Il y a des pasteurs qui ont été tués, des églises vandalisées, même celle-ci. Il y a des églises sur lesquelles, on a tiré des balles réelles (...) Au nom de ceux qui ont fait ça, je voudrais dire pardon à toute l’Eglise évangélique et lui demander de faire comme Jésus, de pardonner, non pas seulement en parole, mais dans les faits », a plaidé Laurent Gbagbo. À l’analyse, l’on peut se poser une petite question : Quelles sont les motivations de ce discours pas trop catholique du néo-catholique Laurent Gbagbo dans une église évangélique ? Il ne faut pas se voiler la face. L’ancien président est purement et simplement dans une logique de marketing politique. Après la création de son parti qui ne suscite manifestement pas une adhésion populaire comme il l’aurait espéré, l’ancien socialiste a décidé de revenir arpenter le chemin évangélique qu’il avait abandonné à cause de son épouse, pour espérer rallier cette communauté à sa cause panafricaniste. L’astuce toute trouvée, c’est d’adopter une rhétorique de compassion et de victimisation. Et comme Césaire, se faire passer pour la bouche des malheureux qui n’ont point de bouche et la voix de ceux qui sont persécutés comme le fut le peuple de Dieu pendant la déportation en Babylone.
Quelles sont les motivations de ce discours pas trop catholique du néo-catholique Laurent Gbagbo dans une église évangélique ?
Gbagbo sait en son âme et conscience que son divorce consommé ou presque d’avec son épouse, sera lourd de conséquences pour lui, singulièrement sur la question du soutien des réseaux évangéliques. Dire que certaines personnes ont estimé qu’il fallait attaquer et décimer les évangéliques, car pour elles, j’étais leur fruit et eux, étaient ma base » n’est donc pas fortuit. Sinon, le discours qu’il a tenu dans le temple du révérend Yayé Dion Robert, est un bagout qui n’a aucun fondement logique et objectif. À la vérité, c’est une compassion à géométrie variable dans la maison de Dieu qui est pourtant, le créateur de tous, père de tous et le même pour tous. En affirmant que « des personnes pas trop cultivées ont estimé qu’il fallait attaquer et décimer l’Eglise évangélique », Laurent Gbagbo veut insidieusement accuser le pouvoir actuel. Pourquoi utiliser dans la maison de Dieu et sans en apporter la moindre preuve les termes « attaquer » et « décimer l’église évangélique » ? Pourquoi n’avoir pas donné le nom d’une seule église qui a été fermée et dont les fidèles ont été décimés ? À y voir de près, Laurent Gbagbo, en panne de stratégies pour recruter de nouveaux militants pour son parti, a décidé purement et simplement de transposer le populisme et la victimisation à l’église. La Côte d’Ivoire étant un pays laïc, que diront par exemple, les musulmans face à l’usage des termes « attaquer » et « décimer l’église évangélique » ? Or, ce n’est un secret pour personne : entre 2000 et 2011, des imams ont été tués, des roquettes ont été tirées sur des mosquées, des mosquées ont été brûlées et saccagées. Ce sont des faits graves pour lesquels Laurent Gbagbo n’a eu aucune compassion, même avec le temps et du recul. Pour avoir occupé la fonction la plus prestigieuse dans ce pays, pour avoir eu à diriger les Ivoiriens pendant dix ans, Laurent Gbagbo, devenu un adepte du syncrétisme religieux, doit peser et analyser tout ce qu’il dit. Son propos à l’Eglise Protestante Baptiste Œuvres et Mission Internationale (EPBOMI) de Yopougon n’était pas du tout catholique. Autant dire qu’un ancien président ne devrait pas dire ça !
Kra Bernard