Ce n’est plus un débat. L’ancien président Laurent Gbagbo et son poulain Charles Blé Goudé ont été totalement acquittés par la Cour pénale internationale et regagneront sous peu leur pays. Mieux, le premier des Ivoiriens, le président de la République leur en a donné l’assurance et cerise sur le gâteau, a annoncé que Laurent Gbagbo pourra jouir de tous les avantages et privilèges liés à son statut d’ancien président de la République. Chez les partisans de ce dernier, c’est l’extase. C’est de bonne guerre certes, mais il y a un autre camp où ce retour annoncé de l’ancien chef de l’Etat risque de se terminer en eau de boudin. Ce camp, c’est celui des victimes. Et depuis déjà quelques jours, ces derniers ont commencé à donner de la voix. Un sit-in est même prévu ce lundi 10 mai 2021 devant le tribunal du Plateau pour demander au Procureur de la République d’activer les mandats d’arrêt émis contre ces deux figures de proue de l’ancien régime. Là aussi se pose la question de la cohérence et de la logique dans la démarche des victimes dans la mesure où tous les mandats d’arrêts émis par l’Etat de Côte d’Ivoire contre les cadres de l’ex refondation ont été annulés. En droit, il y a également le principe de l’autorité de la chose jugée qui stipule qu’un individu ne peut pas être jugé deux fois pour une même faute commise. Cela revient à dire que la possibilité d’un nouveau procès est quasi nulle. Mais au-delà de ces considérations politico-juridiques, une question mérite d’être posée : Les victimes n’ont-elles pas le droit d’exiger réparation ou l’ouverture d’un nouveau procès contre ceux qu’elles considèrent comme leurs bourreaux ? C’est là tout le sens de la question. Oui, la Cour pénale internationale a acquitté l’ex-président et Alassane Ouattara a donné son quitus pour son retour au pays. Mais que faisonsnous ou qu’allons-nous faire des victimes ? L’Etat de Côte d’Ivoire doit donc se saisir de la gestion de ce dossier. Depuis l’acquittement, l’on annonce à cor et à cris que le retour de Laurent Gbagbo va réconcilier les Ivoiriens. Mais cette réconciliation ne doit pas se faire au détriment des victimes. Rien ne pourra ressusciter les 3000 morts de la crise post-électorale et rien ne pourra ramener les membres de ceux qui ont été estropiés. Mais vouloir bâtir une réconciliation sur la douleur des victimes, c’est semer les germes d’une autre crise, parce que tous les spécialistes en gestion des conflits s’accordent pour dire que l’impunité d’aujourd’hui est le crime de demain. Les victimes ne doivent certes pas poser des conditions pour la réconciliation, mais leurs bourreaux d’hier doivent s’inscrire dans une posture qui pourra faciliter cette nouvelle conciliation. Dix années après les affres de la crise, les plaies sont encore béantes et les souvenirs douloureux. Aucun acteur de cette crise, amnistié, acquitté, ancien exilé ou même au pouvoir ne doit s’inscrire dans l’arrogance, la défiance et l’hypothèse d’un match retour. Oui, il y a eu acquittement et au nom de la réconciliation, il y a eu des amnisties, des grâces présidentielles, des abandons de poursuites, des retours d’exil etc. Mais l’équation des victimes est toujours d’actualité. Quelle que soit sa complexité et le nombre d’inconnus, l’Etat de de Côte d’Ivoire a le devoir d’y trouver une solution