L’actualité sous-régionale est dominée depuis pratiquement deux semaines par les événements qui se déroulent chez le voisin malien. Ce pays frère, après deux décennies d’embellie démocratique, est à nouveau dans l’œil du cyclone et traverse une zone de très forte turbulence. Pour rester conforme à ses textes, la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a serré la vis en imposant de lourdes sanctions contre les tenants de la junte au pouvoir. Depuis lors, c’est la bronca aussi bien au sein de la population malienne que chez certains ressortissants de la sous-région et même au-delà pour qui, ces sanctions sont dictées par l’ancienne puissance coloniale. Sur les bords de la lagune Ebrié, le néo-ancien parti au pouvoir, le Parti des peuples africains de l’ancien président laurent Gbagbo, est en première ligne dans la fronde contre l’organisation sous-régionale. À tort ou à raison, le parti de l’ancien président estime que les sanctions de la CEDEAO sont excessives et visent un autre objectif autre que celui de régler la situation au Mali. Soit. On peut concéder au PPA-CI cette position relativement à la crise malienne si et seulement si dans un passé récent, ce même parti, sous une autre dénomination et son leader, n’avaient pris des positions qui s’opposent totalement avec celle qui est défendue aujourd’hui. Le régime de la transition au Mali, on le sait, est le fruit d’un coup d’État. Le M5 et les militaires actuellement au pouvoir, ont déposé un régime démocratiquement élu. Dans le principe, aucun démocrate ne devait apporter sa caution à un tel régime dans la mesure où c’est le fruit d’une grave entorse à la démocratie. Et comme si cela ne suffisait pas, après avoir vécu seulement quelques mois sous les lambris dorés du Palais et goûté aux délices du pouvoir, les militaires ont tout de suite oublié ce pourquoi ils ont chassé le président démocratiquement élu. Pis, ils se sont donné cinq bonnes années, l’équivalent d’un quinquennat, pour organiser des élections et passer la main aux civils. C’est cette aberration de trop qui viole le protocole additionnel de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance qui a été à la base des sanctions prises contre le Mali. Il n’en fallait pas plus pour le PPA-CI et son leader de sortir de leurs gonds et de défendre ce qu’ils ont combattu hier, à savoir la prise du pouvoir par les armes.
Laurent Gbagbo et ses partisans ont battu le pavé hier, pour combattre et dénoncer un coup d’État manqué qui s’est mué en rébellion. Aujourd’hui, voici le même parti de Laurent Gbagbo qui est au front au Mali pour soutenir un coup d’État. Quel type de démocratie les panafricanistes des lagunes veulent au juste construire ?
Dans tout son parcours politique, de l’opposition jusqu’à l’exercice du pouvoir, Laurent Gbagbo s’est autoproclamé le chantre de la démocratie et des libertés. Mieux, après avoir essuyé un coup d’État en 2002 qui s’est mué en rébellion, Laurent Gbagbo a construit tout son argumentaire politique sur la défense de la patrie et la lutte contre l’intrusion des armes dans l’arène politique. Dix années après, voici le même Laurent Gbagbo et son parti qui soutiennent politiquement et dans les faits, des individus qui ont les pris les armes pour porter l’estocade à un régime démocratique. Un parti politique ou une organisation quelconque peut avoir de la compassion pour les conséquences des sanctions sur les populations. Mais quand des adeptes supposés de la démocratie décident d’apporter leur soutien à une junte militaire qui veut s’éterniser au pouvoir, cela relève d’une absurdité, d’une incongruité et d’une incohérence politiques que nul ne peut expliquer. On ne peut pas soutenir une cause et son contraire. On ne peut pas prétendre lutter pour l’avènement de la démocratie en Afrique et puis soutenir un régime militaire qui, de plus, veut s’éterniser au pouvoir. Laurent Gbagbo et ses partisans ont battu le pavé hier, pour combattre et dénoncer un coup d’État manqué qui s’est mué en rébellion. Aujourd’hui, voici le même parti de Laurent Gbagbo qui est au front au Mali pour soutenir un coup d’État. Quel type de démocratie les panafricanistes des lagunes veulent au juste construire ? À la vérité, quand on regarde tous ces errements et toutes ces incohérences et incongruités, tout porte à croire que le nouveau projet panafricaniste de Laurent Gbagbo et de son PPA-CI, est une vraie escroquerie politique en préparation, si ce ne l’est déjà.
Kra Bernard