Les dirigeants des États de la Communauté économiques des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont levé dimanche 03 juillet 2022, les sanctions commerciales et financières décidées en janvier dernier contre le Mali. L’Avenir revient sur le sens d’une telle décision qui vient à nouveau, raffermir les liens économiques entre la Côte d’Ivoire et le Mali.
Sur la question, le professeur Prao Yao Séraphin, spécialiste des questions économiques et monétaires, professeur à l’Université Alassane Ouattara de Bouaké, a indiqué mercredi 6 juillet 2022, que la décision des chefs d’État était salutaire. D’autant plus que la Côte d’Ivoire qui partage une fraternité historique avec le Mali, tisse également des liens économiques avec ce pays. « C’est un pays avec lequel nous partageons la monnaie commune. Logiquement, lorsque vous appartenez à une union monétaire, vous avez une destinée commune. Cela participe à ce que nous appelons en économie, la viabilité de la zone monétaire optimale. Donc, la sanction contre le Mali a un peu désorienté cette union monétaire économique que nous sommes en train de construire », a-t-il précisé.
Et l’expert des questions économiques et monétaires d’ajouter qu’il était important que les chefs d’État n’occultent pas le fait que le Mali traverse une crise politique depuis les coups d’État militaires successifs.
Les répercussions de cette décision sur l’économie ivoirienne
Pour Prao Yao Séraphin, la Côte d’Ivoire renoue au plan commercial avec un pays qui lui permet, au niveau de la CEDEAO, d’être le deuxième principal exportateur (taux de 10,97%) après le Sénégal avec un taux de 16%. « C’est quand même énorme. Au plan commercial, lorsqu’il y avait l’embargo, la Côte d’Ivoire ne pouvait pas exporter les 10,97% des exportations du Mali au niveau de la zone. C’était un manque à gagner pour notre pays. Toujours dans les échanges commerciaux, les grands grossistes maliens se ravitaillent à Adjamé des produits en provenance de Dubaï qui transitent en Côte d’Ivoire », a-t-il déclaré. À le croire, les sanctions ont freiné les transactions commerciales entre les deux pays, mais avec la nouvelle donne, il pourrait avoir une intensification et une redynamisation dans les relations afin que tout rentre dans l’ordre.
Au plan économique, M. Prao soutient que la Côte d’Ivoire va tirer le maximum de bénéfices pour réaliser son objectif d’atteindre une croissance de plus de 6,5%. « La Côte d’Ivoire a une économie qui a connu une certaine résilience, mais quand vous avez des milliers de Maliens résidents dans notre pays qui contribuent à la montée de l’économie ivoirienne, dans le secteur du commerce, il y a de quoi à admettre que cette économie va croître. Surtout qu’il y a des grossistes maliens en Côte d’Ivoire qui livrent à leurs compatriotes restés dans leur pays. Cela participe à raffermir la croissance économique. Or, avec la levée des sanctions, ce regain d’activités va encore raffermir la croissance économique de notre pays », s’est-il réjoui. En outre, il a relevé que les ports d’Abidjan et de San Pedro allaient être impactés par la relance des rapports.
« Les ports d’Abidjan et San Pedro sont des ports de transit pour tous les grands commerçants qui font des achats en Europe ou en Asie. Après Dakar qui fait 80% de frets, vient la Côte d’Ivoire. Ça va redonner beaucoup plus d’activités aux ports », a laissé entendre Prao Yao Séraphin. Qui a mentionné qu’au plan financier, les transactions bancaires vont reprendre entre les deux pays pour le bonheur des banques.
« Avec l’embargo, tous les hommes d’affaires ivoiriens et maliens ne pouvaient pas officiellement utiliser les canaux financiers. Il y a eu un détournement de ressources financières. Désormais, avec la levée des sanctions, les établissements financiers vont profiter des retombées des transactions qu’ils avaient avec le Mali », a confié l’économiste. Avant de souligner les impacts sociaux de la décision des chefs d’État de la CEDEAO sur les populations, à savoir la fluidité des transactions des produits de première nécessité comme les denrées alimentaires, notamment l’oignon, le bétail qui proviennent à 90% de ce pays avec lequel la Côte d’Ivoire partage des liens de fraternité historique. « Si le Kg de la viande a augmenté, c’est parce que bien entendu, lorsqu’on a fermé les frontières, les bœufs qui doivent arriver logiquement par camion à nos frontières, étaient obligés de passer par d’autres voies détournées. Ils sont obligés d’augmenter en vue de supporter le surcoût. Avec la levée des sanctions, il y aura une certaine détente dans la vie chère », a-t-il espéré.
Venance Kokora