En dépit de leur poids dans les économies locales, les Petites et moyennes entreprises (PME) en Côte d’Ivoire jouent un rôle prépondérant dans le développement économique. Elles représentent plus de 80% du tissu industriel et contribuent à 20% du PIB. Malheureusement, elles ont un accès très limité au marché des financements. Ce qui revient à dire que ces PME ont un très faible taux de pénétration bancaire, contrairement aux grandes entreprises qui bénéficient de la majorité des financements.
Des études réalisées par des institutions financières, ont révélé que les difficultés d’accès aux financements sont le premier obstacle au développement des PME, assez loin devant les problèmes de corruption, de déficience des infrastructures ou bien de fiscalités abusives. Le document produit à l’issue de ces enquêtes, montre que 80 à 90 % des PME connaissent des contraintes de financement importantes. Privées d’accès au marché des financements, elles couvrent le plus souvent, la totalité de leurs besoins par des ressources personnelles. De l’avis d’experts et de banquiers, la raison principale reste la fragilité financière de ces entreprises.
Des pistes pour faciliter l’accès au financement
Selon Idrissa Nassa, président du groupe CORIS, qui s’est confié au confrère de Sika Finances, les banques devraient adopter une approche liée aux réalités des marchés africains. Cette action doit être axée tant sur l’analyse du crédit que sur la qualité du porteur du projet.
Elles devraient entretenir une relation de proximité avec l’entrepreneur afin de lui fournir une assistance technique et financière. Aussi, engager un suivi qui permettrait de limiter les débordements, de prévenir les défauts et préserver la qualité du portefeuille. « En somme, il s’agit de leur inculquer une bonne culture du crédit en tant que partenaire financier », a-t-il conseillé. À l’endroit des entrepreneurs, ce financier de renom les a invités à se conformer à certaines exigences dans l’espoir de mériter la confiance des partenaires financiers. « Le bon entrepreneur est un visionnaire qui, avec discernement, se donne le courage et les moyens de rendre sa vision opérationnelle au profit des marchés, en utilisant les meilleures voies et stratégies pour y parvenir. Il se projette dans le futur des consommateurs pour anticiper sur leur besoin. Il doit considérer toute difficulté ou tout défi sur son chemin comme une opportunité d’apprentissage et de gain en maturité », a-t-il insisté.
Poursuivant, Idrissa Nassa a également proposé aux entrepreneurs qui souhaitent développer leur business et faire longue carrière, d’avoir pour principal objectif de se distinguer de l’existant par la qualité de leurs produits ou des services à offrir au marché cible. « Être un acteur majeur de l’économie nationale ou sous-régionale, implique une grande responsabilité, un véritable engagement et de fortes ambitions de développement pour son pays, au-delà des intérêts personnels », a-t-il prôné.
De son côté, Prao Yao Séraphin, spécialiste des questions économiques et monétaires, a fait savoir que l’entrepreneur doit posséder des connaissances de base dans la discipline où il espère faire fortune. « Ils sont nombreux qui ne savent pas ce que veut dire être entrepreneur. Parce que, quand vous vous présentez devant un banquier avec un business plan, le banquier connaît tous les secteurs qui sont porteurs à un moment donné. Quand nous sommes sortis de la guerre de 2011, le secteur qui avait le vent en poupe, était celui du BTP. Parce que le pays est en reconstruction et nous les économistes, savons que lorsqu’on sort d’une guerre, l’économie qui est florissante, est celle du bâtiment avec les grands travaux », a-t-il précisé. À l’en croire, l’entrepreneur doit veiller à déceler les opportunités en vue de les réaliser à travers de bons projets. « Quand un entrepreneur se rend devant un banquier pour lui suggérer un financement pour l’élevage d’un canard, il ne pourra vous financer qu’en fonction de la consommation de votre offre. Ils sont combien ces clients potentiels qui veulent manger des canards face aux poulets ?», a-t-il décrié.
M. Prao s’est montré plus intransigeant sur la notion d’entreprenariat qui suppose au préalable, une adoption des principes fondamentaux dont la formation pour mieux épouser l’esprit d’entreprise.
Ensuite, il soutient que l’entrepreneur doit disposer de capacité managériale tout en manifestant, à son avantage, des attitudes pouvant mieux ficeler son projet. « En Europe, on ne se lève pas de soi même pour aller emprunter à la banque. Il faut passer par un conseiller et c’est lui qui vous aide à monter le projet parce qu’il a l’œil du banquier. Quand le banquier voit un bon business plan, il sait que vous avez suivi une formation », a-t-il appuyé. Avant de déplorer les garanties exigées par des établissements financiers aux entrepreneurs.
De la responsabilité de l’État ivoirien
Le gouvernement de Côte d’Ivoire compte œuvrer à renforcer la contribution des PME au développement, en prenant des mesures d’accompagnement très productives et durables. Pourvoyeuses de 60% d’emplois, les PME ont besoin de l’appui de l’État pour garantir leur épanouissement. « Il faut que l’État accompagne la volonté manifeste de financement des PME. Il faut que l’État active le fonds de garantie de soutien aux PME », a appelé Prao Séraphin.
Cet avis est d’autant partagé par Jean-Luc Konan, président directeur général (PDG) du groupe COFINA qui note que « l’État et les régulateurs ont un rôle crucial et prépondérant » à jouer. Car, explique-t-il, « c’est eux en effet qui permettent d’avoir l’environnement des affaires le plus "business supportive", ce qui renforcera nos actions de financement. La simplification des procédures administratives de constitution de société, le renforcement de l’efficacité du dispositif de réalisation des garanties, mais au-delà même, dans plusieurs de nos pays, l’adoption d’un corpus juridique plus clair concernant la propriété foncière, sont autant de sujets qui viendraient améliorer l’environnement des affaires de nos PME et renforcer nos institutions dans leur rôle de support à l’économie », a-t-il conclu.
Venance Kokora