Dans cette interview, Mme Christine Baguela, épouse Soro, parle de l’importance du numérique dans la vie d’une entreprise tout en insistant sur les pièges à éviter pour que l’entreprise ne sombre pas.
Quelles sont, selon vous, les clés pour réussir son entreprise ?
Pour réussir son entreprise, Il faut réunir beaucoup de facteurs, mais j'en citerai les plus essentiels. Tout d’abord, il importe de savoir qu'un entrepreneur doit se munir d'un kit que j'appelle "la boîte à outil de l'entrepreneur". Cette boîte constitue l'une des clefs les plus importantes, car elle comprend un compte bancaire, une carte visa prépayée pour les transactions sur Internet, un business model Canvas, la présence de son activité sur les réseaux sociaux, un smartphone de qualité et un trépied pour les vidéos. À titre d’information, sachez que 75% des internautes préfèrent les courtes vidéos aux textes et images.
Quelle est l'importance du numérique dans la performance d'une entreprise ?
Tout d'abord, il faut dire que le digital est de plus en plus incontournable dans l’entrepreneuriat et il le sera encore plus dans les 5 à 10 années à venir. L’organisation du travail évoluant en permanence et les entreprises étant de plus en plus contraintes de se doter de nouveaux outils toujours plus performants (Plateformes intranet, outils de communication ou de gestion), la transformation digitale des entreprises est aujourd’hui une démarche incontournable. Malheureusement, bien des entreprises n'ont pas encore sauté le pas. Parce qu’elles n’ont pas les ressources en interne, certaines entreprises considèrent les outils numériques comme des dépenses inutiles. Et pourtant, cette digitalisation est cruciale pour leur survie.
Que doit faire une entreprise pour réussir sa transition digitale ?
Pour réussir sa transition digitale, il faut, premièrement, utiliser les outils performants et novateurs qui donnent de nombreux avantages, notamment gain de temps, rendement supérieur, meilleure communication en interne et en externe, centralisation de l’information et amélioration de l’expérience de l’utilisateur.
Quelle est l’importance du digital dans la stratégie marketing d'une entreprise ?
Le marketing digital permet de mettre rapidement en œuvre, des opérations promotionnelles ou commerciales, mais aussi de connaître leur efficacité grâce à des analyses statistiques, des retours clients ou des enquêtes en ligne. Après avoir effectué un audit en ligne, nous proposons généralement, à nos clients, quatre types de marketing digital. Le marketing continu, le marketing social, le search marketing et le marketing mobile.
Par exemple, dans le marketing mobile, nous enregistrons plusieurs témoignages des clients qui sont satisfaits, même quand ils ne maîtrisent pas nécessairement le digital. Nous proposons une solution qui permet, par exemple, d’envoyer des publicités à plus de 10.000 personnes sur WhatsApp en vue d’atteindre les prospects pour les convertir en client. Il y a aussi des solutions adaptées comme les publicités Facebook Ads, Google ads, YouTube qui peuvent permettre aux entreprises de mieux se faire connaître à leurs cibles, mais aussi de booster leurs ventes et chiffres d’affaires.
La plupart des entreprises nouvellement créées meurent au bout de 5 ans d'existence, selon les statistiques. Que doit faire une jeune entreprise pour éviter un tel destin ?
Selon mon expérience, après plus de 10 ans de vie, en tant qu’entrepreneur, l’une des raisons de cet échec, est la formation. En effet, nous devons comprendre que nous sommes dans une ère de plus en plus exigeante. Nos diplômes ou nos compétences d’il y a cinq ou dix ans, peuvent très facilement être dépassés, si nous ne nous formons pas ! Encore plus vite, si nous ne nous formons pas au digital.
C’est pourquoi, depuis 2018, nous avons décidé d’approcher les acteurs des secteurs public et privé, ainsi que les organisations internationales pour offrir des formations pratiques et certifiantes aux entrepreneurs et à ceux qui aspirent à des reconversions professionnelles. Plusieurs entrepreneurs ont témoigné de ce que nos formations comme l’infographie ou le community management que nous avons dispensées au Gabon, où nous avons formé plus de 750 apprenants, les ont libérés non seulement des prestataires qui coûtent parfois très cher, mais aussi, leur ont permis d’être désormais, indépendants en ayant la capacité de eux-mêmes, le branding de leurs pages réseaux sociaux ou faire eux-mêmes, leurs cartes de visite, flyers, etc. J’insiste sur la nécessité de se faire former en tant qu’entrepreneur, et même j’irai plus loin, de dédier un petit budget aux formations certifiantes ou d’aller sur Google et YouTube pour se perfectionner dans leur activité, afin de développer des compétences supplémentaires et de mieux répondre aux attentes du marché de l'emploi. Maintenant, l'enjeu sera de choisir celle qui sera la mieux adaptée à leur profil et à leurs objectifs professionnels.
En quoi la communication et le marketing sont-ils importants pour une entreprise ?
Tout d’abord, il faut rappeler la différence entre le marketing et la communication. C’est que le marketing permet d'analyser la clientèle cible et le marché d'une entreprise, alors que la communication a pour but de faire connaître l'entreprise ou son produit par la diffusion de messages. Une étude d’une agence marketing a révélé aux USA que 65% des consommateurs, de 18 à 55 ans, achetaient les produits, non pas seulement à cause de la qualité du produit, mais à cause des dirigeants qui étaient derrière les marques. Pour comprendre la différence entre la communication et le marketing, partant de cet exemple, on dira que c’est le marketing qui a permis de définir la cible (ses codes, ses valeurs, sa vie familiale, son environnement, sa situation économique etc.), et c’est la communication qui a permis d’utiliser les moyens pour communiquer en tenant compte des attentes des cibles. C’est pourquoi, vous verrez des fois, un footballeur faire la promo d’une marque de télé ou de fruit. La vérité, c’est que la cible s’identifie à l’image cachée derrière la communication pour acheter.
« Il faut éviter de manger ses semences »
Quelle est, selon vous, la situation relative de la conversion au digital, en Côte d’Ivoire ?
Depuis mon arrivée sur cette terre hospitalière qu’est la Côte d’Ivoire, j’ai été très éblouie par la conversion rapide au digital. Par exemple, aujourd’hui, on peut faire son inscription en ligne pour un concours de la fonction publique, on peut aussi suivre des cours en ligne ou payer une facture par mobile money. Des opérations devenues banales même pour ceux qui ne savent ni lire, ni écrire.
Par ailleurs, selon un article paru en mai 2022, sur le site officiel du gouvernement, le nombre d’abonnements aux réseaux mobiles a plus que doublé en moins de 10 ans, passant de 17 millions d’abonnés en 2011 à 37 millions en 2020. Autre donnée : les prix moyens de la voix, du SMS et de la data ont baissé d’au moins 80% entre 2011 et 2020 ; le taux d’inclusion financière a, quant à lui, atteint 70% en 2018, grâce à une forte contribution des services financiers mobiles. Les transactions financières via le mobile money ont généré 6 300 milliards de francs CFA en 2018.
Y a-t-il d’autres indicateurs de cet engouement pour le recours au digital ?
La Côte d’Ivoire a démarré en 2014, la digitalisation des paiements de frais de scolarité dans le secondaire. Et déjà, pour cette première année, 99% des 1,5 million d’élèves du pays, ont payé leurs frais de scolarité de manière numérique. La direction générale du trésor et de la comptabilité publique utilise les plateformes électroniques TrésorPay, TrésorMoney et Net-Collect Services qui visent à digitaliser le recouvrement des ressources. De notre côté, nous avons démarré les formations pratiques en ligne telles l’infographie, le community management, le E-commerce, la E-réputation, et plusieurs autres métiers. Autant d’avancées qui permettent à différents secteurs d’activité de s’approprier les instruments de gouvernance qu’offrent les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC). Grâce aux efforts du gouvernement, l’accès aux services publics et le travail bien fait ne riment plus forcément avec déplacements et bureaux. L’impact du digital sur le développement économique et social de ce pays se confirme. C’est l’occasion de féliciter les politiques publiques et particulièrement, le Président de la République, SEM Alassane Ouattara, qui impulsent une dynamique de réalisation des investissements importants permettant d’accélérer la transformation digitale.
Quels sont les pièges à éviter par un entrepreneur ?
Les pièges à éviter, c’est premièrement de se renfermer sans s’ouvrir aux autres. C’est pourquoi, d’ailleurs, en partenariat avec le Noom Hôtel et AB Communication, nous avons mis sur pied, une plateforme de rencontre, de réseautage et d’échange de compétences entre business-entrepreneur, Afterwork Digital Entrepreneur Networking (ADEN).
Un entrepreneur averti doit savoir que c’est dans ce type d’endroit que se gagnent au moins 30 à 50% de son chiffre d’affaires. Un autre piège à éviter, c’est de ne pas avoir une vision et une stratégie. La vision nous permettra de définir où nous voulons arriver un jour (quel est notre rêve ?), tandis que la stratégie nous permettra de définir les moyens que nous nous donnons pour y arriver avec des objectifs bien précis. C’est cela qui nous orientera aussi sur la quantité d’heures de travail que nous devons avoir, par exemple, dormir 4h00 au lieu de 8h00, parce qu’on a de grands projets à réaliser. Enfin, un autre piège à éviter, selon moi, c’est de manger la semence. J’enseigne souvent dans mes conférences que manger la semence, nous coûtera toujours cher. De même qu’on ne mange pas le noyau de la mangue ou de l’avocat, car il est destiné à être réinvesti sur terre pour produire plusieurs manguiers et avocatiers, il y a une partie de nos revenus qu’on ne doit jamais manger, mais bien épargner.
Réalisée par Venance Kokora
