L’industrie de jeux vidéo ou l’e-Sport se professionnalise. Ce qui justifie l’engouement de plus en plus des populations, notamment des jeunes et des enfants pour les jeux vidéo et de réalité virtuelle, en constante croissance. Au-delà du plaisir que procurent ces divertissements, c’est un marché avec de gros potentiels économiques qui s’offrent aux investisseurs et à des joueurs.
Il y a quelques années en arrière, les jeux vidéo étaient vus d’un mauvais œil par un grand nombre de la population. Leurs installations dans des baraques à des coins de rue, laissaient croire que ces endroits de jeux étaient des nids de bandits où ceux-ci venaient se réfugier pour se droguer. Seulement, en l’espace de moins d’une décennie, les choses ont évolué avec une croissance fulgurante du secteur qui devient, désormais, un domaine économique de plus en plus important, pour les principaux acteurs que le succès pousse à se professionnaliser.
Industrie et divertissement
Dans presque tous les quartiers du District d’Abidjan, il existe une salle de jeux vidéo ou sport électronique. Les tarifs sont presque les mêmes et les clients sont de tous les niveaux d’âge et rangs sociaux. Ils vont de l’ordre de 1000 F CFA à 15000 F CFA. À Sika e-game, un vaste espace de jeux à Angré, 7e Tranche dans la commune de Cocody, au 2e étage d’un centre commercial, la grille tarifaire propose aux clients, plusieurs jeux. Il s’agit des jeux d’arcades d’une durée de 5 à 6 minutes à 1000 FCFA, des jeux VR (réalité virtuelle) à 2000 F CFA, du Cinéma 5D à 1500 F CFA, des Jeux Playstation 1000 F CFA pour 30 min ; ainsi que des packages kids, 2h à 5000 F CFA pour les enfants 3 ans à 8 ans, des packages kids pour la journée à 10.000 F CFA, toujours pour les 3 ans à 8 ans et des jeux kids plus 2 jeux VR. Des packages teenagers à 7000 F pour les 9 à 12 ans, le tour VR (9 jeux) et des packages PlayStation de 30 mn à 1000 FCFA, 1H à 2000 F CFA, 4 H à 6000 F CFA, au lieu de 8000 F CFA et 8H à 10 000FCFA, au lieu de 16 000 F. Des packages adultes sont proposés à 15 000 F CFA.
L'espace, équipé de technologies de pointe (casques totalement immersifs, simulateur de conduite monté sur vérins...) compte des stands de « jeux debout », allant des jeux de shoot (notamment le tir sur zombie) aux jeux de danse et sport, en passant par les jeux d'exploration. Là, on nous apprend que la location de la salle est à 2 millions F CFA. « Les clients sont de toutes les catégories, de tous les âges. Les gens viennent ici pour se faire plaisir. Les enfants sont accompagnés par leurs parents qui veulent leur faire plaisir », a confié l’un des travailleurs.
À Marcory, précisément dans les encablures du Grand Carrefour de Marcory, sur le boulevard Valérie Giscard d’Estain (VGE), il existe un espace de jeux dénommé « Play Zone », avec une ambiance de sport et de compétition. À cet endroit, les jeux sont également à la portée de tous les âges. Le Baby-foot est à 1000 F CFA, le jeu de billard de 30 min à 3000 F CFA, l’heure à 1 H à 6000 F CFA, le Cinéma 12 D à 3000 F CFA, le bowling à 5000 F CFA et le PS5 à 2000 F CFA. « Le jeu attire tout le monde », a relevé le gérant.
Des indiscrétions nous ont informé que dans l’industrie de jeux vidéo ou l’e-Sport, plus les moyens sont investis, plus elle attire de nombreux joueurs. C’est le cas de « Paradise Game », installé au 1er étage du centre commercial Cosmos à Yopougon, qui est le plus grand centre de jeux en Côte d’Ivoire et de l’Afrique de l’Ouest.
Outre les jeux de dernière génération qu’il offre à ses clients, « Paradise Game » tient chaque année, le festival de l’électronique et du Jeu vidéo d’Abidjan(FEJA). Un festival qui se présente comme le salon africain dédié aux jeux vidéo avec pour objectif de promouvoir le jeu vidéo et l’e-Sport en Afrique. L’évènement est ouvert aux professionnels et au grand public, composé d’amateurs, passionnés, sympathisants ou curieux. Il a glané l’année dernière, plus de 15 000 visiteurs.
Un marché fructueux
À tous ces points de jeux, les clients jouissent d’un confort. Ceux-ci ne se rendent donc pas compte du temps qui passe. Les salles sont climatisées et disposent de groupes électrogènes. « Par jour, nous encaissons entre 400 000 F CFA et 500 000 F CFA. Nous ouvrons nos portes à partir de 11 h du matin jusqu’à minuit », a relevé l’un des gérants. « Nous disposons d’une première salle de 1000 places et d’une seconde plus grande, d’une capacité de 2000 à 3000 places avec une salle d’attente. C’est un secteur en plein essor qui génère beaucoup d’argent. Pendant la période de fête comme celle du Ramadan que nous venons de célébrer, nous avons affiché complet. Pareil pendant les vacances », a renchéri Wilfried Alban, gérant de « Paradise Game ».
Selon des promoteurs, les jeux vidéo multi-joueurs, avec les compétitions sportives, ont pris une nouvelle tournure grâce à ces jeux populaires comme League of Legends, Fortnite, FIFA, Call of Duty ou Counter-Strike…qui mobilisent de nombreux joueurs. Les compétitions entre des millions de joueurs de toutes les contrées de la planète drainent du monde et de l’argent. Les compétitions sont devenues plus professionnelles et des joueurs perçoivent de l’argent en remportant des compétitions dont les gains ne cessent d'augmenter chaque année. Le profil typique recherché par les recruteurs est celui d’un jeune joueur qui fait des compétitions en ligne, avant même d’atteindre la majorité. Il attire l’attention de certaines équipes qui viennent lui proposer un contrat.
« Les jeux sont de plus en plus réels. Il y a des jeux comme « Front line ». Un jeu d’équipes de 3 joueurs qui ne se connaissent pas, mais à cause du jeu, partagent des stratégies et se parlent régulièrement au cours de l’aventure.
Il y a la PS5 qui est la dernière des sorties. De grands clubs comme l’Olympique de Marseille, le Paris Saint Germain (PSG)… en e-Sport qui recrutent des joueurs, un scénario rappelant celui des joueurs professionnels de football ou de basket qui signent des contrats avec les clubs comme cela se fait dans la réalité », a partagé M. Alban.
Dans un secteur en pleine expansion en Côte d’Ivoire, les jeux vidéo et l’e-Sport font rêver en matière de notoriété et de gains vertigineux.
Par ailleurs, être bon aux jeux vidéo est une qualité de plus en plus recherchée par les entreprises. Par exemple, les métiers de la cybersécurité recrutent de plus en plus de joueurs. Contrairement aux deux autres centres cités ci-dessus, Paradise Game propose le package à 1500 F CFA l’heure et la journée (10h à 20 h) à 3000 F CFA. « Ici, on ne fait pas de pari d’argent. Le champion d’Afrique de PES est souvent ici pour s’entraîner pour le championnat du monde. Nous sommes à l’étape du rêve. Nous avons des partenariats avec la fédération ivoirienne de sport automobile pour nos meilleurs joueurs de jeu de rallye », a-t-il déclaré. Avant de nous proposer un jeu d’avion et d’automobile, où le client s’installe dans un siège adapté aux réalités de ces engins devant des écrans de haute définition (HD).
Au-delà du jeu, se développe du potentiel
Le jeu vidéo ou électronique est devenu en quelques décennies, un des loisirs les plus populaires au monde. Les témoignages recueillis auprès de spécialistes (joueurs professionnels ou de hauts niveaux, managers…) laissent croire que ces divertissements développent du potentiel chez les utilisateurs. Surtout chez les plus jeunes qui, au-delà de la passion et du rêve, les poussent à afficher très tôt, une certaine détermination à atteindre leur objectif. « Il permet l’éveil du génie chez l’utilisateur, surtout chez l’enfant. Contrairement à ce que pensent beaucoup, le jeu vidéo ou électronique contribue à améliorer les résultats scolaires chez l’enfant. Ces jeux les amènent à lire pour suivre les instructions, à faire des calculs de sciences et développent leur créativité d’une étape à une autre. Aussi, il leur permet de garder la confiance, la maîtrise de soi et des émotions quand il perd ou il gagne, de reconnaître ses forces et faiblesses. Et garder l’esprit d’équipe. Enfin, ces jeux aident à faire face aux problèmes qu’ils rencontrent dans la vie active », a expliqué le gérant de Paradis Game.
Fan Kessé Henock Cyrille, Lord Nok, gamer ivoirien, vainqueur d’Orange e-Sport expérience 2021, lauréat au FEJA 5 et champion du tournoi Gamer X organisé par le Nigeria, pense que les joueurs doivent avoir une bonne base à l’école et surtout une bonne organisation. Ces propos sont partagés par Cissé Bamda Médoune Marc, gamer ivoirien, multiple champion ivoirien, plus connu sous le surnom de Marc mac masterz. « Pour arriver à des compétitions et être meilleur, il faut être constant et le plus intelligent », a-t-il insisté.
Un secteur à mieux structurer
Au plan mondial, l’industrie du jeu vidéo ou électronique pèse plus lourd que celles de la musique et du cinéma combinées. Selon une étude publiée par le cabinet international de conseil « Accenture », le marché mondial actuel représente plus de 188,4 milliards de F CFA de recettes et a vu sa croissance doublée par l’impact de la Covid-19 et l’essor des jeux mobiles. En Côte d’Ivoire, les choses se mettent progressivement en place, grâce à des actions concertées comme le FEJA qui, chaque année, permettent à 15000 participants composés de gamers, développeurs de jeux, venant des 4 coins du monde de se retrouver durant 4 jours à Abidjan, autour des conférences, des tournois, des tables rondes, en vue de faire l’état des lieux du développement de l’industrie du jeu vidéo en Afrique.
Ces initiatives pilotées par Sidick Bakayoko, ingénieur en informatique et patron de la société « Paradise Game », ont pour but de permettre à l’Afrique d’être représentée dans des disciplines e-Sport que le Comité international olympique envisage d'intégrer lors des compétitions internationales, notamment les prochains Jeux olympiques de Los Angeles, qui auront lieu en 2028.
À ce jour, la Côte d’Ivoire compte plusieurs joueurs professionnels dont Xherdan comme on le surnomme. Âgé de moins de 25 ans, il est trois fois vainqueur du tournoi de PES du FEJA et vice-champion d’Afrique. Deux ans en arrière, il a empoché 4 millions de F CFA pour le prix.
En Côte d’Ivoire, l’industrie des jeux vidéo a besoin d’être structurée. Elle est régie par les municipalités qui leur font payer des taxes mensuelles. Pour des espaces de jeux, le paiement de la taxe est compris dans celui du loyer.
« En Côte d’Ivoire, ce n’est pas quelque chose qui est ancré dans nos cultures. Ça tâtonne un peu au niveau des structures. Pour l’instant, c’est Paradise Game qui est proche des gamers. Mais il faut un peu plus d’entités, des sponsors qui encouragent. (…) On a déjà un problème avec les parents, il faut réussir à les convaincre de ce qu’on fait. Et faire accepter cela à nos jeunes frères pour assurer la relève. (…) Je crois qu’on a un avenir fructueux », a confié Marc mac masterz.
Venance Kokora