993 031 producteurs dont 8% de femmes et 92% d’hommes avec une superficie de 3.220.800 ha de parcelles de café-cacao, ont été recensés dans le cadre de l’opération du recensement des producteurs de café-cacao et de leurs vergers (RPCCV). Cette révolution agricole dans le secteur des matières premières est d’autant historique que depuis 1960, c’est la première fois qu’un tel projet prend forme en Côte d’Ivoire. Néanmoins, des producteurs émettent des réserves quant à certaines préoccupations.
Le gouvernement ivoirien dispose désormais, d’un outil fiable qui fournit des informations crédibles, quantitatives et qualitatives sur les producteurs de café-cacao et garantit la traçabilité de la production auprès des consommateurs.
Lorsque le lundi 15 avril 2019, le Conseil du café-cacao lançait sur le sol de Yamoussoukro, ledit recensement, d’un coût de 6 milliards F CFA, nombreux étaient les Ivoiriens qui ne croyaient pas à l’aboutissement heureux d’un tel résultat. Depuis le 6 mars 2022, c’est chose faite, les producteurs de café-cacao de la Côte d’Ivoire ont leur carte professionnelle qui leur permet de recevoir leur paiement et financer leurs activités à travers d’éventuels crédits bancaires.
En retour, elle permet à l’État de dénombrer avec exactitude, les producteurs de café-cacao, d’établir la structure de la population productrice de café-cacao, d'évaluer les superficies des parcelles de chaque producteur pour une connaissance précise de l'étendue du verger national, de connaître l'âge des parcelles et leur géolocalisation.
Sécurité garantie pour les planteurs
L’innovation majeure pour le gouvernement, selon le ministre d’État, ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Kobenan Kouassi Adjoumani qui a remis des cartes aux producteurs de café-cacao, est de garantir la sécurité aux producteurs dans leurs activités et être beaucoup plus compétitifs sur le marché international.
« Désormais, pour vendre votre cacao et votre café, vous devez vous munir de cette carte qui permettra à l’acheteur ou à la société coopérative de vous identifier et de virer automatiquement la valeur globale de votre produit sur votre carte, sans possibilité de retrancher une partie. Vous n’avez plus besoin de transporter la totalité de votre argent sur vous. Votre carte vous permettra d’effectuer vos achats dans les magasins et de faire de petits retraits pour vos besoins quotidiens et pour ceux de vos familles. (…)
Je voudrais vous inviter à aller partout dans les zones de production du cacao et du café propager la bonne nouvelle à vos frères et sœurs producteurs. Car, le mécanisme de traçabilité déployé par le Conseil du Café-Cacao permettra de réduire considérablement, les fraudes sur les prix bord-champ et de sécuriser votre argent », a confié le membre du gouvernement.
D’ailleurs, les bénéficiaires n’ont pas caché leur reconnaissance au chef de l’État, Alassane Ouattara qui les a sortis de l’ombre des acheteurs véreux qui ne manquaient pas de les escroquer en achetant leurs productions à des prix dérisoires.
Défis pour la lutte contre le travail des enfants et la déforestation
Les autres atouts concernant l’identification unique ont pour but de rassurer les partenaires commerciaux, relativement à la certification du cacao ivoirien, le développement durable et la lutte contre la déforestation, voire le contrôle de la lutte contre le travail des enfants.
Le message des producteurs à l’État
L’opération du recensement des producteurs de café-cacao et de leurs vergers (RPCCV) est appréciée par l’ensemble des acteurs de la filière, mais suscite en contrepartie, de nombreuses interrogations. Des producteurs joints par téléphone mardi 12 avril 2022 par la rédaction de L’Avenir, ont exprimé leurs préoccupations pour lesquelles, ils plaident auprès du gouvernement afin que des solutions appropriées soient trouvées.
Melle Kouamé Hélène, directrice de la Coopérative des agriculteurs modernes de Méagui, a relevé que la mobilisation a été faible au niveau de la région du Nawa pour une zone censée contenir une forte densité de producteurs de café-cacao.
« Pour nous, au niveau de la Nawa, l’engouement n’a pas été à la hauteur vis-à-vis de ce projet, de nombreux producteurs n’ont pu adhérer, parce qu’ils ne savaient pas ce que c’était réellement. Certains sont restés réticents. Aujourd’hui, on apprend que c’est avec ces cartes que les producteurs pourront faire des transactions. Nous nous posons la question de savoir quel est le sort qui sera réservé aux producteurs qui n’ont pas adhéré au projet. À ce niveau, les responsabilités sont partagées, puisque la sensibilisation n’a été comme il se devait. Chez nous, la grande majorité des producteurs sont les frères de pays voisins et ceux du centre du pays qui se déplacent beaucoup. Quel sera leur sort ? On doit relancer le projet et communiquer beaucoup avec les médias », a-t-elle plaidé.
Un président du conseil d’administration (PCA) d’une coopérative de café-cacao à Diégonefla, qui s’est voulu discret, a dit avoir été informé que la carte était disponible. Mais craint qu’a défaut de ne pas en disposer, les producteurs de sa coopérative se voient confrontés à des difficultés à la prochaine campagne.
Yao Laupez, président de la plateforme nationale pour le progrès des acteurs agricoles, a prié le gouvernement de se pencher sur le sort de plus de 2000 producteurs qui ont vu leurs plantations détruites à cause de la maladie swollen shoot. Et ceux dont les champs ont été également détruits du fait de leur présence dans les forêts classées. « Qu’est-ce qu’on fait pour eux ? Comment les accompagner sur d’autres expériences agricoles ? C’est bien beau d’avoir des cartes, mais il faut aller plus loin, cela s’inscrit dans la vision du président de la République. Il faut que l’identification prenne en compte tous les planteurs de café-cacao », a-t-il insisté.
Venance Kokora
