La hausse du coût de la vie constatée depuis ce mois de Ramadan fait grogner les populations ivoiriennes. Une situation qui amène à s’interroger sur le rôle des associations des consommateurs.
Abidjan, vendredi 07 mai 2021, L'@venir - L’inflation, c’est-à-dire la hausse du prix des biens et services, suscite autant de questions que de débats ces jours-ci. Ce qui est certain, c’est que la liste des augmentations de prix s’allonge de jour en jour : les produits de grande consommation, le ciment, le loyer etc. Certaines de ces hausses sont flagrantes. « Au rayon des viandes chez les bouchers, depuis quelques semaines, j’ai été estomaqué de voir que le prix du kilogramme est fixé à 2800F. Soit une hausse de 300F. C’est énorme ! », se plaint Aïcha Diarrassouba. Cette assistante comptable, ne cesse de grogner quant à la hausse vertigineuse des prix de plusieurs produits. Ajoutant que des foyers se trouvent dans des difficultés voire l'impossibilité de se nourrir car les prix flambent de jour en jour. « Aujourd'hui, se nourrir est devenu pour le citoyen moyen un cassetête chinois en Côte d'Ivoire. En effet, depuis quatre mois, la Côte d'Ivoire traverse une crise postélectorale qui a engendré une crise alimentaire. On le sait, la Côte d'Ivoire est tributaire de l'extérieur en matière alimentaire. Mais on ne doit pas subir jusqu’à ce point. Même le prix de l’huile a augmenté sur le marché. La bouteille de 900 ml est passée de 900 à 1100F cfa selon les points de vente. Le sac de 25 kilogrammes de riz, de la marque rizière, a enregistré une hausse dans certains endroits. Au lieu de 15 000F, il est proposé maintenant à 16500F. Il est donc quasiment impossible de nourrir convenablement une famille de taille moyenne avec de 3500 Fcfa. C'est compliqué », grogne cette mère de famille, qui invite les associations de consommateurs à se pencher sur la question.
Si les associations de consommateurs ne font rien, nous serons obligés de nous faire entendre.
Pour sa part, Albertine Kouadio s’interroge sur le motif de ces flambées de prix des denrées alimentaires sur le marché. « Ils veulent susciter une vive réaction de la part des consommateurs, notamment des femmes, qui connaissent plus que quiconque, les réalités du marché et celles de leur famille. Même le loyer augmente. C’est inadmissible. Si les associations de consommateurs ne font rien, nous serons obligés de nous faire entendre », met-elle en garde. «Tout est cher sur le marché. Les coupures intempestives n’empêchent pas la CIE de nous distribuer des factures salées. Le prix du ciment vient de connaître une hausse. C’est abusé. Il faut faire quelque chose », plaide-t-elle. Pour rappel, lors de la célébration de la fête du travail, initiée par la direction régionale du Travail le 1er mai, à Dimbokro, les travailleurs de cette localité ont dénoncé la cherté du coût de la vie en Côte d’Ivoire. Une situation qui, selon eux, contraint les populations à vivre dans la précarité. Le secrétaire général local de l’Union générale des travailleurs de Côte d’Ivoire (Ugtci), a dit ne pas comprendre cette augmentation des prix en cette période difficile, marquée par la pandémie du COVID19.
Amoindrir les chocs de l’inflation
C’est pourquoi, il a plaidé pour des actions d’envergure du gouvernement pour ramener les prix notamment de l’eau, de l’électricité, du carburant et du vivrier à leur juste proportion pour le bonheur des travailleurs et de la population. Invitant l’Etat à ne pas abandonner le contrôle des prix pour une question de libre concurrence et laisser s’installer une sorte de libertinage. Non sans préconiser la mise en place d’un système performant de péréquation ayant vocation à donner à l’Etat les moyens visant à amoindrir les chocs des fluctuations des prix et l’inflation, le redéploiement des services de contrôle sur toute l’étendue du territoire pour sanctionner les infractions. Outre les travailleurs de Dimbokro, le collectif des syndicats des travailleurs de Bongouanou a également mis le pied dans le plat quant au coût élevé de la vie. Le porte-parole Traoré Mekié a même souhaité une facilitation de l’accès au logement en vue de réduire le coût du loyer. Au vu de ce qui précède, que font concrètement les associations des consommateurs ? Ont-elles échoué dans leurs missions de défense des droits du consommateur ?
Une marche nationale et pacifique, le 29 mai 2021
Joint par téléphone, le président de la Fédération ivoirienne des consommateurs le réveil (Ficr), Soumahoro Ben N’Faly, a annoncé la création d’un Conseil national des consommateurs ce 6 mai 2021. Un nouvel instrument pour la défense et la protection des intérêts des consommateurs, composé de 32 membres issus de l’administration publique et des associations de consommateurs. Il a par ailleurs informé de la tenue d’une marche nationale et pacifique, le 29 mai 2021. Au nom de la Coalition nationale des organisations de consommateurs de Côte d’Ivoire, SOS vie chère, il a fait savoir qu’à la suite d’un conclave tenu le samedi 1er et dimanche 2 mai 2021, il a été question de manifester contre la flambée généralisée des prix. A savoir, les produits de grande consommation, les matériaux de construction, le délestage, la pénurie d’eau, la perturbation des réseaux. téléphoniques sans aucune explication du gouvernement.
Fatou Sylla
Ces mesures qui ont montré leurs limites
Déterminé à lutter contre la vie chère, le gouvernement ivoirien, à travers le ministère du Commerce, a depuis 2017, pris, plusieurs mesures matérialisant la volonté du gouvernement de protéger le pouvoir d’achat des ménages. Entre autres mesures, le plafonnement des prix et la surveillance plus accrue de l’application des vrais prix sur les marchés. Ce plafonnement des prix et des marges a concerné le riz, le sucre, l’huile de table raffinée, la tomate concentrée et le ciment. Mieux, afin de pérenniser ces actions, au plan institutionnel, le gouvernement a réorganisé le Conseil national de la lutte Contre la vie chère (Cnlvc) pour en faire l’instrument d’orientation, de pilotage et de suivi de la mise en œuvre des actions contre la vie chère. La Commission de la concurrence a également été installée pour lutter plus efficacement contre les pratiques anticoncurrentielles et les ententes commerciales. L’Office pour la commercialisation des produits vivriers (Ocpv) était aussi en cours de réforme. Pour compléter ce dispositif, un Conseil national de la consommation, plateforme d’échanges entre les consommateurs, le secteur privé et l’administration a été créé. Outre cela, ce jeudi, 6 mai 2021, l’Etat vient de mettre en place un instrument qui devrait davantage aider les consommateurs par la consultance et l’anticipation. Selon le ministre du Commerce, Souleymane Diarrassouba, le Conseil national des consommateurs (Cnco) était une demande constante et pressante des organisations des consommateurs. Il s’agit, selon lui, d’améliorer les conditions de vie des ivoiriens, promouvoir les échanges de vue, produire un rapport annuel sur l’état de la consommation. Espérons qu’avec ce nouvel instrument, les lignes vont bouger. Car on peut l’affirmer sans risque de se tromper, que malgré les mesures prises, les choses n’avaient véritablement pas évolué.
FS