Économie

Kaba Mohamed Lamine, Sga de la Pupme-CI : «Plusieurs PME pourraient ne pas survivre jusqu'en 2022»

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Les PME contribuent massivement à la création des richesses et de l’emploi. Dans cette interview, Kaba Mohamed Lamine, Secrétaire général adjoint de Pupme-CI se prononcent sur les défis à surmonter dans le contexte sociopolitique et sanitaire actuel.

Quelle est la situation actuelle des PME en Côte d’Ivoire ?

Les PME de Côte d’Ivoire sont très actives. Malgré les crises successives, surtout celle de la pandémie de la Covid-19, les PME ivoiriennes contribuent au minimum à hauteur de 20 % en moyenne à la formation du PIB, représentent environ 23 % de la population active, réalisent 17-18 % de la valeur ajoutée totale, constituent pour 20-23 % de la masse salariale et, réalisent 12 % des investissements cumulés selon les statistiques du gouvernement. De plus, les PME sont les plus grandes pourvoyeuses d’emplois en Côte d’Ivoire. Nous sommes les acteurs économiques les plus importants qui payent la plus lourde tribu des conséquences économiques et sociales qui découlent de la crise de l’épidémie de la Covid-19. Malgré ces turbulences, les PME de Côte d’Ivoire sont au travail pour maintenir en vie l’État et les populations. De nombreuses filières sont sinistrées, l’industrie du tourisme, la restauration, des services, le transport… Le gouvernement ivoirien par le secrétariat d’État, il y a encore à peine quelques mois, devenu ministère plein de la promotion des PME, puis récemment de l’artisanat et de la transformation du secteur informel a beaucoup fait et continue de faire énormément pour les PME de Côte d'Ivoire : un ministère dédié, un statut de l’entreprenant, un statut pour les PME, des structures pour accompagner et encadrer les PME, notamment le fonds de garantie des crédits aux PME, l’initiative de la création de la Plateforme Unique des PME de Côte d’Ivoire « Pupme-CI »…, sont autant d’acquis hautement stratégiques pour soutenir l’écosystème des PME. Cependant, il reste bien des défis à surmonter, notamment en ce qui concerne le positionnement en rapport avec l’importance des PME dans la gouvernance et le développement socioéconomique de l’État mais aussi et surtout dans le traitement fiscal et parafiscal qui ne reflète pas la réalité du terrain. La pression permanente de la loi fiscale 2021 comporte beaucoup d’insuffisances et d’irrégularités

Vous avez lancez une pétition récemment contre l'annexe fiscale 2021 ? De quoi s'agit-il concrètement ?

La Pupme -CI déplore que les PME n’aient pas été écoutées par le gouvernement. En réalité, les PME ont besoin en urgence de financements et d'accès aux commandes publiques. Sans cela, elles risquent de disparaître. Plusieurs PME pourraient ne pas survivre jusqu'en 2022 parce que malgré le profond sinistre dans lequel elles se trouvent, elles sont soumises à la pression permanente de la loi fiscale 2021 qui comporte beaucoup d’insuffisances et d’irrégularités parce qu’elle ne répond pas aux besoins des PME, menacées toutes de faillites. Cette pétition que nous avons voulue qualitative se justifie parce que les PME de Côte d’Ivoire n’ont participé à aucune des discussions pour l’élaboration de la loi fiscale 2021 et de bien d’autres politiques pourtant destinées et dédiées à la promotion des PME. Conscient de la nécessité que seul le dialogue entre le secteur public et le secteur privé porteront l’économie ivoirienne à un très haut niveau, pour permettre aux PME de contribuer positivement et efficacement au développement de la Côte d’Ivoire, la Pupme-CI a interpellé à travers des adresses formulées à l’attention de l’administration fiscale sous la forme de communiqués (Communiqué n°003 du 17 janvier 2021) et des courriers, pour indiquer que nous étions à sa disposition pour étudier avec elle les modalités de révision et d’application de cette annexe fiscale que nous avons jugée inique. Le Porte-parole du présidium de la Pupme-CI, Monsieur Diomandé Moussa Elias Farakhan est monté au créneau pour rencontrer le ministre de la Promotion des PME, de même que le Premier ministre Feu Hamed Bakayoko pour qu’à tout le moins l’impôt minimum forfaitaire « IMF » soit supprimé. Nos interpellations sont malheureusement restées sans avancées notables. Après plusieurs interpellations restées sans réponses de l’autorité compétente, la Pupme-CI a jugé bon de lancer cette pétition pour prendre à témoin la communauté économique nationale. Nous continuerons de recueillir des signatures pour démontrer que les PME ne sont pas satisfaites de l’annexe fiscale 2021, dans les dispositions fiscales directes liées au traitement des PME. Il s’agit de l’IMF, de la déclaration BIC… Nous savons que la Covid-19 ne permettra pas aux PME d’obtenir des résultats d’exploitation positifs. Nous payons déjà beaucoup de taxes et d’impôts, sur les salaires, sur le BIC. On ne peut donc pas demander aux PME de payer pour ce qu’elles ne peuvent avoir. Si l’impôt doit être payé sur le chiffre d'affaires, comment voulez-vous qu’une PME qui n’a pas fait de chiffre d’affaires pour quelques raisons que ce soit puisse payer un impôt sur ce qu’elle n’a pas gagné ou sur la perte qu’elle a subie.

Avez-vous eu une suite favorable ?

L’impôt minimum forfaitaire est un impôt dû par les entreprises qui en principe sont dispensées du paiement de l’impôt sur les sociétés : soit lorsque l’exercice de référence est déficitaire ; soit lorsque le montant de l’IMF est supérieur à celui de l’impôt sur les sociétés. Ces entreprises doivent verser annuellement un impôt minimum forfaitaire pour un montant de 5 millions CFA selon la loi fiscale 2021. En fait il s’agit d’une avance d’impôt même si l’entreprise est sûre de faire une perte. Nous rejetons en bloc l’IMF. Nous estimons que les discussions sont ouvertes même si elles ne sont encore que dans une phase d’échanges à distances avec le gouvernement. De plus, nous avons constaté que le ministre du Budget, au cours du séminaire gouvernemental n’est pas fermé à une révision de l’annexe fiscale 2021 pour une éventuelle suspension de l’IMF. Comme il l’a indiqué luimême, cet impôt ne représente que 0.1% du budget. Le Premier ministre Patrick Achi a demandé la mise en place d’un groupe de travail sur les questions fiscales à l’effet de statuer sur l’impact de ces taxes sur l’exploitation des PME. Sachant que nous rejetons avec la plus grande fermeté l’IMF et nonobstant le démarrage du dépôt des avis de paiement des agents des impôts, nous demanderons pour l’heure aux PME, de rester attentives et en attente des instructions de la Pupme-CI pour le paiement de l’IMF, le temps que des discussions directes s’ouvrent avec la Direction générale des impôts et le ministre du Budget. Notre plan stratégique 2021- 2023 apportera une transformation structurelle du fonctionnement des PME.

Où en êtes-vous avec le processus d'identification de vos structures tel que recommandé par votre ministre de tutelle ?

Le processus d’identification des PME est une vaste opération qui nécessite la mise en place de processus et de mécanismes bien structurés pour obtenir du profilage des PME une base de données statistiques qui intègre la géolocalisation, la numérisation objective, réelle, et optimisée de l’ensemble des PME sur l’étendue du territoire. Cette recommandation du ministère de la Promotion des petites et moyennes entreprises, de l’artisanat et de la transformation de l’informel fait partie du plan d’orientation stratégique et du plan d’actions 2021-2023 de la PupmeCI. A ce titre donc la Pupme-CI rencontrera les partenaires techniques et au développement pour ensemble permettre à la Côte d’Ivoire de ressortir la cartographie réelle des PME et PMI de la Côte d’Ivoire à travers un système intégré, intelligent et géo localisé des PME de Côte d’Ivoire. Notre plan stratégique 2021- 2023 apportera une transformation structurelle du fonctionnement des PME. En effet, le Présidium de la Pupme-CI a décidé avec les autres composantes, de la réorganisation de l’écosystème des PME en filière pour promouvoir et élever le niveau qualitatif des produits et services locaux et impacter plus le quotidien des PME ivoiriennes.

Récemment, vous dénonciez les conditions difficiles dans lesquelles les PME exercent. A qui la faute ?

En matière économique, tout est question de compétitivité. Au plan national comme international. L’efficience et l’efficacité de l’utilisation des ressources techniques, humaines et financières, la détermination à investir, la capacité d’innover pour améliorer la technologie et l’organisation de la gestion, et ainsi gagner en efficience et en efficacité sont les caractéristiques des PME qui déterminent sa compétitivité. Les PME de Côte d’Ivoire se doivent d’être compétitives en face des économies des pays tels que le Nigéria, le Maroc, la Tunisie, la Malaisie, le Vietman… Pour arriver à cette compétitivité, nous devons pouvoir compter et bénéficier d’une complicité avec les pouvoirs publics dans un jeu complexe d’interactions gagnantgagnant avec d’autres acteurs, notamment les partenaires au développement. La question se pose donc en termes de quête vers plus de compétitivité. La Pupme-CI a compris la nécessité d’organiser les PME en filière si nous souhaitons que notre économie soit compétitive. Les PME doivent être donc la locomotive pour entrainer ses partenaires vers plus de performances, de qualités de services et de valeurs ajoutées. Voyez-vous la filière tourisme est en train de se reformer pour se mettre à niveau des normes internationales et offrir des services de qualité. Par exemple toutes les activités développées par le Président de la Fenitourci, Monsieur Diomandé Mamadou, tête de proue de cette filière pour relancer le secteur. C’est le cas pour la Présidente de la fédération ivoirienne de textile traditionnel, Madame Chantal Guiraud qui fait mains et pieds pour relancer également la filière textile, pagne, peau et cuir… Quant à Madame Gbakayoro, la filière transformation agricole se démarque progressivement, Idem pour les filières modes, bétail viande…, tout ceci sous l’encadrement de la Pupme-CI. 

Qu'en est-il de la Taxe spéciale d'équipement (TSE) ?

La TSE a été instituée en 2001 pour répondre aux besoins d’équipement et d’investissement de la Direction générale des impôts (Dgi) sur une période de trois ans en pour rendre l’administration fiscale plus performante selon ses initiateurs. En 2004 elle a été finalement maintenue après trois ans d’imposition sans exclusive puis en 2008, à la suite de discussion avec le secteur privé, elle a été aménagée comme une des mesures fiscales importantes pour soutenir les entreprises de Côte d’Ivoire, notamment les PME. L’article 1084 du Code général des impôts institue donc la TSE sur le chiffre d’affaires hors taxe des entreprises. Le taux de la taxe est de 0,1%. Le taux est réduit de moitié pour les opérations réalisées par SIR soit de 0,05%. Elle concerne seulement les entreprises soumises à un régime réel d’imposition c’est- à-dire le réel normal d’imposition et le réel simplifié d’imposition, soit 80% des PME et PMI de Côte d’Ivoire. Donc depuis 2008 et confirmé en 2017 par le ministre du Budget, une clé de répartition a été introduite pour en reverser une part au secteur privé, notamment aux grandes entreprises et aux PME. Cette part destinée au privé représente le 1/3 des sommes perçus au titre de la TSE. À ce jour, la Pupme-CI réclame donc sa part de la TSE.

Vous aviez pourtant souhaité la suppression de cette taxe ?

Tout comme nous demandons le retrait de l’assujettissement de 5 000 000 CFA à payer pour l’exercice de l’activité de livraison introduite par l’Artci, nous avons en effet demandé la suppression de la TSE sous conditions. La TSE doit en effet, être supprimée parce que les trois années pour lesquelles la TSE a été instituée depuis 2001 sont passées. Réorganisée en 2008 par l’arrêté n° 1717/MEF/DGI du 31 juillet 2008 pour soutenir les entreprises, la quote-part revenant aux PME, qui jusque-là est encaissée par la faitière des grandes entreprises, doit être reversée effectivement aux PME. Les PME ivoiriennes souhaitent se doter d’un siège à la hauteur des attentes et des besoins pour renforcer leurs compétitivités. D’ailleurs la Pupme-CI exige un audit de la TSE pour situer les responsabilités quant aux affectations qui en ont été faites jusque-là. Donc si elle ne sert pas les intérêts des PME, il faut purement et simplement la supprimer puisqu’au final elle devient une taxe de trop. Beaucoup reste encore à faire Vous avez pris part au séminaire gouvernemental initié la semaine dernière.

Vous ressortez satisfaits ?

La Pupme-CI voudrait une fois de plus féliciter le Premier ministre Patrick Achi pour sa nomination et surtout le remercier d’avoir associé les PME au séminaire gouvernemental 2021. Nous tenons à rassurer le Premier ministre quant à la disponibilité des PME d’intégrer pleinement le plan de travail du gouvernement à l’effet de renforcer et mieux structurer l’impact des PME à l’économie ivoirienne. Nous en ressortons satisfaits parce que nous avons été associés à cette initiative qui, il faut le rappeler est une première en matière de gouvernance dans notre pays : associer le secteur privé au plan stratégique 2021-2023 du gouvernement et surtout, réserver toute une journée pour partager les attentes de chacune des parties est à saluer. Cependant, beaucoup reste encore à faire. Toutes les préoccupations des PME n’ont pas été inscrites à l’ordre du jour. Les PME attendent avec impatience la mise en place des groupes de travail sur les questions fiscales, le soutien aux PME et bien d’autres sujets importants tels que la création de richesses et d’emplois de même que le rayonnement à l’international…, pour apporter notre contribution significative. Comme avec ses prédécesseurs, feus les Premiers ministres Amadou Gon Coulibaly et Hamed Bakayoko, nous sommes résolument prêts à rencontrer le Premier ministre Patrick Achi pour lui présenter le Grand livre blanc des PME de Côte d’Ivoire, et partager avec lui nos plans d’orientation stratégiques et d’actions 2021-2023 en faveur des PME de Côte d’Ivoire.

Réalisée par Fatou Sylla

 

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