Économie

Affaire BNI contre Oumar Diawara - L’État déjoue la plus grosse arnaque financière

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C’est l’une des plus grosses arnaques dans le monde financier ivoirien. Réussir à acquérir à 1.059.000.000 F Cfa, des biens d’une valeur de plus de près de 15 milliards de Fcfa, grâce à la complicité d’une directrice. Le pot-aux-roses découvert à temps, vouloir se faire rembourser 13 milliards de F Cfa en faisant jouer ses relations. Voilà résumée l’affaire qui secoue la Banque nationale d’investissement (BNI) et qui a failli coûter à la Côte d’Ivoire, un avion de la compagnie aérienne nationale Air Côte d’Ivoire. Retour sur cette affaire qui a véritablement débuté en 2018. Grâce à un document confidentiel dont l’Avenir a pu se procurer et qui retrace en détail cette affaire, nous sommes en mesure de dire ce qui s’est réellement passé.

Pour comprendre cette rocambolesque affaire, il faut faire un saut en arrière. En 2018, précisément le 10 août, un agent judiciaire du Trésor découvre une transaction fumeuse. Aussitôt, il saisit le doyen des juges d’instruction d’une plainte avec constitution de partie civile contre Oumar Diawara, gérant de la Société ivoirienne des dépôts douanes (SIDD) pour abus de biens sociaux et blanchiment de capitaux. Il est reproché à M. Diawara d’avoir malencontreusement acquis des biens immobiliers d’une valeur de plus de 15 milliards de F Cfa à 1 milliard 59 millions de Fcfa.

Vu sous cet angle, l’on pourrait dire qu’il n’y a aucun mal à cela, au regard du fait que c’est une transaction commerciale. Mais ici, l’affaire n’est pas aussi simple. En effet, les biens en question, sont la propriété de BNI Gestion qui est une société à participation financière publique majoritaire (65 % de son capital social) ayant pour objet, la gestion d’Organisme de Placement Commun en valeur Mobilière (OPCVM) et dirigée à l’époque des faits, par Mme Fatoumata Konaré épouse Sakandé Cissé. Conformément à son objet, la BNI Gestion a mis sur le marché, deux produits dénommés FCP Capital Croissance et FCP Dynamic Savings auxquels avait souscrit largement le public.

 

Des terrains acquis par BNI Gestion

Dans le cadre de son fonctionnement, cette entité financière, avec les fonds en provenance de ces Fonds Communs de Placement (FCP), a acquis dans le courant de l’année 2016, par différents actes notariés, de multiples terrains non bâtis dans les communes d’Assinie, Cocody et Bingerville pour un montant de 13.458.095.589 de Fcfa. Sauf que dans la foulée, le Conseil Régional de l’Epargne Publique (CREPMF) qui est l’autorité de régulation du marché financier de la zone UEMOA, fait injonction à la BNI Gestion de cesser toute opération immobilière, car n’étant pas autorisée à gérer des actifs immobiliers, conformément à la règlementation bancaire en vigueur.

Pour se conformer à cette injonction du régulateur, la BNI Gestion a choisi de céder tous ses terrains non bâtis de 15 milliards de Fcfa à la société PERL INVEST SASU. Or, PERL INVEST SASU est une structure de BNI Gestion. C’est une sorte de transvasement. Et, comme la BNI Gestion avait acquis ses terrains grâce à des souscriptions et qu’elle doit les rentabiliser, elle va solliciter et obtenir un prêt de 15 milliards de F Cfa auprès de la BGFI Bank CI, avec comme garantie, le compte principal de la BNI Gestion et les deux sous comptes des Fonds Communs de Placement (FCP). Fait curieux, cette demande de prêt est faite par Mme Sankandé, à l’insu du Conseil d’administration de sa banque. 

 

L’UEMOA monte au créneau, Mme Sankadé Cissé commet l’impensable…

Seulement voilà, le CREPMF va dénoncer cette cession au motif que la BNI Gestion étant l’associé unique de la société PERL INVEST SASU, elle exerçait indirectement la gestion non autorisée d’actif et l’a sommée d’y mette fin. C’est là que Mme Sankandé va poser l’acte le plus rocambolesque : céder, à hauteur de 1 milliard 59 millions de F Cfa, des terrains d’une valeur de 15 milliards de Fcfa à la SIDD, société à responsabilité unipersonnelle, d’Oumar Diawara.

Elle ne s’arrête pas là. Elle profite de la signature de l’acte de cession de la société PERL INVEST à M. Diawara, pour signer, au profit de la BGFI Bank CI, une autorisation de remboursement permettant à celle-ci de se faire rembourser la dette de 15 milliards de F Cfa de la société PERL INVEST par le débit des comptes de Fonds Communs de Placement de la BNI Gestion. En de termes simples, c’est un peu comme je travaille pour une société et je vends une marchandise garantie à hauteur de 1 million de F Cfa à 10.000 Fcfa et je fais débiter à ma société, 1 million pour rembourser la même marchandise.

Une transaction des plus folles. Quant à M. Diawara, il peut tranquillement disposer de terrains de plus de 50 ha dans des zones stratégiques à Abidjan et Assinie dont la valeur a été entièrement remboursée par la BNI. Au regard d’une telle irrégularité, l’État de Côte d’Ivoire décide d’y voir plus clair. Après investigation, il est découvert qu’Oumar Diawara a acquis frauduleusement ces terrains, au regard de la nature de la transaction et du fait qu’il en connaissait la valeur. Convoqué plusieurs fois par les tribunaux, l’homme d’affaires n’a jamais répondu, préférant jouer à cache-cache avec la justice ivoirienne. Disposant de quelques réseaux dans la diplomatie continentale, il a essayé, à plusieurs reprises, de faire jouer ses relations.

 

Le rôle de la Représentante de l’UA en Côte d’Ivoire

Le 11 janvier 2019, la Représentante spéciale du président de la Commission de l’Union Africaine en Côte d’Ivoire, Joséphine-Charlotte Mayuma Kala, a écrit au magistrat-instructeur pour signifier la qualité de diplomate du mis en cause et exigé au profit de ce dernier, le bénéfice de l’immunité pénale prévue par les articles 29 et suivants de la Convention de Vienne du 18 avril 1961. Le 14 février 2019, la Représentante Spéciale du président de la Commission de l’Union Africaine a adressé à nouveau, un courrier de protestation au juge d’Instruction, suite à l’ordonnance portant interdiction de toutes opérations immobilières rendue le 05 décembre 2018. Le 17 avril 2020, le Juge d’Instruction a pris à l’encontre du mis en cause, une ordonnance de saisie et de placement de biens immeubles sous main de justice.

Suite à des investigations ayant révélé qu’Oumar Diawara ne possède pas en réalité, la qualité de diplomate en Côte d’Ivoire et qu’il s’est régulièrement présenté comme commerçant dans les documents qu’il a signés, la présidente de la Cour de Cassation a autorisé, suivant ordonnance N°001/21 du 19 février 2021, la juge d’Instruction du 11ème Cabinet du Pôle pénal économique et financier, à poursuivre l’instruction du dossier.

 

Oumar Diawara a abusé de l’État ivoirien

À l’issue des investigations, il a été démontré que Mme Sakandé Cissé a cédé frauduleusement, le 18 juillet 2017, la société PERL INVEST à l’entreprise SIDD appartenant à l’inculpé Diawara, au prix de 1.059.000.000 de Fcfa « alors que tous deux savaient pertinemment ou ne pouvaient ignorer que l’entreprise PERL INVEST SASU avait un patrimoine immobilier acquis à 15.000.000.000 de Fcfa ». Selon le rapport d’investigation, cette cession n’avait pour objectif que de détourner, en se couvrant d’une apparence de légalité, les biens immobiliers de la société PERL INVEST.

L’information judiciaire a, en outre, démontré que les seules bénéficiaires de ces opérations opaques, étaient l’ancienne patronne de BNI Gestion, son réseau d’intermédiaires, ainsi qu’Oumar Diawara, par l’intermédiaire de son entreprise, la Société Ivoirienne des Dépôts Douanes (SIDD). Tous ces éléments réunis démontrent suffisamment, selon les enquêteurs, l’existence de charges suffisantes relativement aux faits de complicité d’abus de biens sociaux à l’encontre de DIAWARA OUMAR.

 

Y. DOUMBIA

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