Ambiance des plus calmes ce jeudi 11 août 2022, à l’entrée du cimetière. Il est 09 heures 30 minutes passées. Quelques véhicules se faufilent entre des nids de poule de la voie menant à l’enceinte de la nécropole. A gauche, une demi-dizaine de jeunes sont occupés à faire leurs combinaisons du jeu de loto auprès d’un agent agréé. Cette scène cocasse renforce certainement la superstition des parieurs qui croient mordicus que les ‘’bons’’ chiffres gagnants tournent autour des zones funèbres.
La tombe sans cesse entretenue
Une fois à l’intérieur, après avoir jeté un regard furtif à droite, du côté des bâtiments servant d’administration, nous nous engageons dans la première ruelle à gauche. De nombreux visiteurs et membres de familles des défunts font des aller-retour dans les allées des sépultures. Des jeunes, seau et serpillères en main, s’appliquent à nettoyer les stèles en marbre. C’est d’ailleurs, la tâche à laquelle s’adonne un jeune trentenaire, sur le caveau de feu DJ Arafat. Arrêté sous le gros arbre, à quatre mausolées avant celui du ‘’Zeus’’ du coupé-décalé, nous l’observons prendre soin des parois extérieures du site, ornées de fleurs. A l’intérieur, de nombreuses couronnes et des gerbes de fleurs donnent un peu plus d’éclat au marbre noir où est inscrite en lettre blanche, l’épitaphe de Houan Ange Didier.
Nettoyer les tombes, il en a fait son métier en 2007. L’activité est encore rudimentaire, mais K. Gnazo pense aux défunts.
Vêtu d’un débardeur blanc et d’un pantalon noir, il disparaît dans la multitude des pierres tombales. Un moment de recueillement sur la tombe du fils de Logbo Valentine alias Tina Glamour, puis nous joignons Gnazo sur son numéro téléphone portable qu’un de ses collègues nous transmet.
La trentaine révolue, il dit s’occuper du nettoyage de la tombe d’Ange Didier depuis la fin de la construction du sépulcre.
Carmen Sama devenue rare sur la tombe
Même si l’entretien de la tombe de celui qu’il considère comme son idole n’est pas une obligation, encore moins une directive de la famille d’Arafat, il affirme s’y adonner à cœur joie. « C’est nous qui avons construit la tombe avec mon aîné qui est l’entrepreneur. Quand tu vas sur ma page Facebook, tu verras les photos », indique K. Gnazo, originaire de Tengréla, au Nord de la Côte d’Ivoire. Il nous montre d’ailleurs, son aîné Lassina, qui a eu le marché de la construction de la dernière demeure de l’auteur du titre à succès « Djessimidjeka ».
Les fermes instructions de Tina
Dans la foulée de nos échanges, Lassina K. nous rejoint. Vêtu d’une chemise manche longue de couleur rose, il refuse de se prêter à nos questions. « Je ne réponds pas aux questions des journalistes », nous retorque le chef d’entreprise. Sur les raisons de ce silence, il nous explique qu’il compte respecter l’intimité des familles des défunts. Nous apprendrons plus tard qu’il côtoie l’environnement du cimetière de Williamsville depuis l’âge de 07 ans.
Son jeune frère Gnazo de nous apprendre que la génitrice du patron de la ‘’Chine’’ (le nom des fans d’Arafat Dj) a donné de fermes instructions. « Avant, il n’y avait pas de grille de protection. Tout le monde avait accès à la tombe. Après avoir pris des mesures sécuritaires, sa maman nous a demandé de ne plus ouvrir le portail, que nous avons d’ailleurs condamné avec un gros cadenas », confie-t-il, non sans se désoler de l’absence de Yao Carmen dit Carmen Sama, la mère de Rafna, la dernière fille d’Arafat.
À l’en croire, Carmen était régulière au cimetière au lendemain de l’enterrement de son fiancé, le samedi 31 août 2019. Mais, elle aurait disparu des radars depuis belle lurette. « On ne la voit plus ici. Ce sont les amis d’Arafat qui viennent de temps en temps. Certains visiteurs ne manquent pas de laisser des billets de banques compris entre 1000 f et 5000 frs CFA », ajoute-t-il.
Retour sur le film de la profanation du corps
Avant de se retirer, K. Gnazo nous montre des photos, de son profil Facebook, prises lors des travaux de construction de la tombe. On y voit plusieurs ouvriers travaillant de jour comme de nuit autour du tombeau. Interrogé sur les circonstances de la profanation du corps de leur idole par des ‘’chinois’’, il consent à revenir sur cette scène qui avait fait tant de bruits. « Quelques heures avant l’inhumation, les forces de sécurité ont intimé l’ordre aux travailleurs du cimetière tout comme à certains badauds de quitter les lieux. C’est donc après l’enterrement et le départ des officiels que les ‘’chinois’’ ont demandé à rendre un dernier hommage à leur artiste. Le maçon n’avait pas encore fini de poser les dalles et les gens l’ont envahi. Puis, ce qui devait arriver, arriva, comme vous l’avez tous vu sur les réseaux sociaux. Mais très rapidement, les policiers ont fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser la foule », se souvient-il.