Culture

Concerts en CI / Les raisons de la flambée des prix des tickets

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Assister à un spectacle grand public n’est plus donné pour l’Ivoirien lambda. Tous assistent impuissants à la montée des prix des tickets de concerts en Côte d’Ivoire. Public, promoteurs de spectacles et de salles s’accusent, mais les lieux de concerts ne désemplissent pas pour autant.

 

Les spectacles grand public coûtent chers en Côte d’Ivoire. Tous le savent et le décrient. Pourtant, les spectacles les plus chers continuent de drainer du monde. Ils sont d’ailleurs ceux qui mobilisent beaucoup plus de monde. De 5 000 F dans un passé récent, les concerts en Côte d’Ivoire reviennent désormais à plus de 20 fois ce prix au public. Qu’est-ce qui peut bien expliquer cette montée fulgurante des prix des tickets de concerts ? Pourquoi malgré ce fait, le public continue-t-il à se ruer vers les salles de spectacles ? Existe-t-il une autorité pour réguler le secteur ?   

 

Coût des salles de spectacles jugé trop élevé 

Au nombre des problèmes liés au coût exorbitant des tickets de concerts, les promoteurs de spectacles pointent du doigt la cherté des salles. Ces salles de spectacles, pour la plupart, sont le Palais de la Culture de Treichville, le Palais des Congrès du Sofitel Hôtel Ivoire, l’Ivoire Golf Club et souvent, des stades dont celui d’Angré. Pour leur location, le promoteur doit débourser au minimum 4 millions de F CFA pour une salle de 600 places et jusqu’à 16 millions de F CFA pour le Palais des Congrès de l’Hôtel Ivoire. Toute chose qui joue dans la fixation du prix du ticket, sans compter les autres dépenses du promoteur. « Le problème en Côte d’Ivoire, c’est que les différents responsables de salles ne sont pas conscients que la production artistique ou du moins, les spectacles aident vraiment à évacuer le stress et permettent aux populations d’être productives dans chaque secteur d’activité », déplore le jeune promoteur de spectacles, Christ Alex Sahiri, estimant que le coût des salles freine souvent des initiatives ou fait grimper les prix du ticket. Pour lui, le promoteur voulant rentabiliser sur son investissement, n’a pas d’autre choix que de faire monter les enchères. « Pour avoir une salle pour un spectacle, il te faut au minimum 35 millions de F CFA d’investissement, juste pour un concert basique », fustige-t-il. Et Valéry Vital, Président du Fan-Club Showbiz de dénoncer le manque de professionnalisme des gestionnaires de salles de spectacles. « Les tickets grimpent à cause de la mauvaise gestion des salles de spectacles publics. Le promoteur en retour, va élever le prix des tickets pour rentabiliser », justifie-t-il, non sans accuser le Ministère de la Culture et de l'Industrie des Arts et du Spectacle qui, à l’en croire, assiste impuissant face à cette grande spéculation autour des salles de spectacles. Pour Molare, cette situation ne réside pas seulement dans la cherté des salles de spectacles, mais s’explique plutôt par la cherté même de la vie. « Ce sont les coûts qui ont évolué à tous les niveaux, à savoir les salles et les artistes. Après un an sans travailler, les coûts d’organisation ont aussi changé, toutes les lignes budgétaires ont également évolué », a indiqué le PDG de M Group et promoteur du Prix des musiques urbaines et du couper-décaler (Primud).

 

Mécènes et sponsors au banc des accusés

Les mécènes culturels se font de plus en plus rares. Les sponsors également. La seule et principale source de rentabilité du promoteur reste la vente de tickets. Les salles étant chères, les promoteurs font une grande spéculation autour du coût du ticket. Une situation que Souleymane Kamagaté, dit L’Homme Saga, patron de 3 Cerveaux Productions, dépeint comme un frein à l’épanouissement et à l’éclosion du showbiz ivoirien. « Il n’y pas de sponsors pour nous accompagner et même quand ils acceptent de le faire, ils ne donnent pas grand-chose qui puisse nous permettre de pouvoir supporter nos charges. La seule façon pour le promoteur de rentabiliser, c’est la vente des tickets. D’où l’augmentation des prix des tickets pour supporter les nombreuses charges », dénonce-t-il.

 

Les artistes internationaux indexés

Maillon essentiel et incontournable dans l’organisation d’un concert, le cachet de l’artiste constitue le plus souvent un frein à une réduction du prix du ticket. Pour un live en deux heures maximum, les cachets des artistes se négocient à des dizaines voire, des centaines de millions de F CFA pour les artistes de renommée internationale. Leurs cachets étant énormes, le promoteur n’a d’autre choix que de fixer le prix du ticket du concert cher. On a constaté cela avec les concerts d’artistes internationaux comme Fally Ipupa, Sidiki Diabaté, Oumou Sangaré et bien d’autres célébrités internationales, en concert à Abidjan. Pour Jérôme Bitty, acteur et promoteur culturel, certes, les organisateurs de spectacles peuvent justifier le prix d’entrée à leurs concerts par le fait qu’ils visent un public sélect, mais, cela ne devrait pas expliquer le trop grand laisser-aller dans la filière. « Je pense que c’est le résultat du m’as-tu-vu, sinon, je ne peux pas comprendre comment dans un pays où la pauvreté a pignon sur rue, les tickets des spectacles coûtent aussi chers », a-t-il accusé. Pour Yannick Rossi, promoteur du Prix Éléphant Zouglou d’or, les artistes internationaux ont saturé le marché. Et « l’Ivoirien n’aimant pas consommer ivoirien », il a déroulé le tapis rouge à ces artistes plutôt que de valoriser les nationaux. « Aujourd’hui, malheureusement, l’Ivoirien n’aime pas consommer ivoirien. C’est ce qui nous plonge dans cette situation. Ce sont les artistes étrangers qui font des tickets de 50 000 F CFA et 100 000 F CFA. Lors de la célébration des trente ans du Zouglou au Sofitel Hôtel Ivoire, les tickets ne coûtaient que 30 000 F CFA, mais à peine sont-ils sortis. Cependant, lorsque des artistes viennent de l’extérieur avec l’exemple du récent concert de Sidiki Diabaté, la salle est pleine à craquer, pareil pour Fally Ipupa dont les tickets étaient vendus à 100 000 F CFA », déplore-t-il en mentionnant que « les artistes ivoiriens doivent se donner un minimum de respect », car « les artistes étrangers sont en train de nous montrer que nous pouvons avoir de l’argent chez nous ». 

 

Places VIP et VVIP, une arnaque organisée

Certains promoteurs, pour justifier le prix élevé des tickets de spectacles, mettent en vente plusieurs catégories d’accès à la salle. Ceux dits VIP et VVIP coûteront deux à cinq fois plus chers que les tickets grand public. Les avantages promis être liés au coût de ces tickets ne seront que de la poudre de perlimpinpin. Une vraie arnaque, dira-t-on. Lors des spectacles, les détenteurs de tickets dits VIP et VVIP vont se retrouver dans le public sans aucun autre avantage ou privilège. Les moins chanceux n’auront pas de places assisses et ne sauront vers qui se tourner pour dénoncer cette situation. Une situation récemment vécue par Traoré Moussa, ex-Président de l’Union Nationale des Journalistes de Côte d’Ivoire (UNJCI) qui, bien que détenteur d’un ticket VIP au concert de Oumou Sangaré, a dû se retrouver dans le public.

 

Aucune autorité de régulation

Certes, une association de promoteurs de spectacles existe en Côte d’Ivoire, mais, celle-ci n’a aucun pouvoir de régulation du secteur. Tout le monde s’improvise promoteur de spectacles et fait ce qu’il veut sans aucune interpellation. Un constat que fait Antonio Dahouindji, premier vice-président de l’association des promoteurs de spectacles de Côte d’Ivoire. « Je ne pense pas que l’association a le contrôle sur quoique ce soit », déplore-t-il face à leur impuissance devant tant d’impairs dans leur corporation. Et pour lui, devant toutes ces situations et difficultés décrites plus haut, le promoteur n’a d’autre choix que de faire de la spéculation sur les prix des tickets de spectacles. « Les charges des spectacles sont élevées et les sponsors traînent les pieds. Pour éviter de finir un spectacle avec les dettes, on essaie de se sécuriser avec le coût des tickets qui deviennent finalement la seule source de gain », justifie-t-il. 

 

Plusieurs contraintes, à en croire Ken Adamo, Président de l’Union Nationale des Artistes de Côte d’Ivoire (UNARTCI), expliquent la fluctuation des coûts de spectacles en Côte d’Ivoire. « Cela obéit simplement à plusieurs contraintes dont l’absence de salles adéquates et rentables dans le pays pour pouvoir amortir les dépenses et espérer gagner quelque chose. Les taxes liées à un spectacle sont nombreuses et onéreuses. La prise en charge des artistes qu’ils soient nationaux ou pas, est lourde par rapport à la cherté de la vie en Côte d'Ivoire. En clair, les locations de salles sont chères, les matos de qualité également, sans compter le cachet de l’artiste et la campagne de promotion. Enfin, il y a les gros risques liés à la situation socio-politique du pays. Ce qui suscite donc le manque de sponsors fiables et de mécènes », résume-t-il la situation qui semble devenir normale en Côte d’Ivoire.  

PK

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