Mamadou Koné était sur le point de finaliser la signature de son contrat avec le prestigieux club du Dynamo de Kiev, lorsque la guerre a éclaté, anéantissant ses rêves et renvoyant sa famille dans une précarité encore plus profonde.
Plus rien n'est comme avant, ce lundi 22 mai 2023, à 14 h 15 minutes dans son quartier de la commune d’Attécoubé. Depuis le lancement de l'offensive russe, il y a plus d’un an, le quotidien de Mamadou, de retour au pays, n’a plus rien à voir avec les journées d’entraînement sur les belles pelouses du mythique club de Kiev.
La détresse des géniteurs
Perchée au pied de la colline qui surplombe le sous-quartier, la famille des Koné vit une ambiance des plus moroses. Pour la rejoindre, il faut faire des détours interminables dans les ruelles nauséabondes de cette zone considérée comme un lieu à risque en période de saison de pluie.
La mère de Koné Mamadou, Mariam Koné, que nous retrouvons vêtue de noir en tenue hijab et son époux, le vieux Yacouba Koné, nous accueillent, sous une chaleur torride, dans la pièce principale de la maisonnée. Après avoir vendu des produits artisanaux sur les marchés locaux pour subvenir aux besoins de la famille, sa mère dit être épuisée financièrement.
La grand-mère, ainsi que sa grande sœur, Koné Aïcha, que nous retrouvons dans une autre cour à quelques mètres de celle des parents de Mamadou, une femme sage et respectée dans le quartier, priait chaque jour pour la réussite de son petit-fils.
Dans une adresse émouvante aux responsables du club de Kharkiv qui soutiennent leur fils financièrement et à la représentation diplomatique, elle implore leur clémence.
Pour elle, cela représente l'opportunité ultime de briser le cycle de la pauvreté qui les emprisonne depuis si longtemps.
« Nous supplions les autorités de comprendre notre situation », implore l’octogénaire avec une voix tremblante. Le cri de détresse de la famille de Mamadou Koné résonne à travers le quartier d'Attécoubé et bien au-delà.
Un oncle bienveillant
Dans le quartier défavorisé, son père Yacouba Koné, sa mère Mariam Koné, sa grand-mère et ses oncles, Moussa, Bangali et Issiaka, se rassemblent tous les jours pour statuer sur la suite à donner à la carrière de leur enfant, écoutant avec anxiété, les dernières nouvelles de l'Ukraine. Ils vivent dans l'espoir que la paix reviendra rapidement, et que leur fils pourra reprendre sa carrière de footballeur en Europe, offrant ainsi une opportunité de sortir leur famille de la misère.
Assis à l’ombre du bâtiment de son usine de fabrique traditionnelle de poudre de tabac, son oncle Moussa Koné, principal soutien financier du footballeur, qui a fait des sacrifices considérables pour soutenir le rêve de son neveu de devenir footballeur professionnel, est profondément affecté par cette situation. Sous le grincement strident des vieilles machines de son atelier, il nous confie avoir travaillé jour et nuit pour financer les voyages de son fils, lorsqu'il évoluait dans des centres de formation de football locaux en Côte d'Ivoire. Las d’attendre l’obtention du visa de son neveu, Moussa Koné d’implorer la clémence des autorités diplomatiques de l’Ambassade de l’Angleterre. « Je prie les autorités de lui délivrer le dernier papier qui reste pour qu’il reparte faire ce qu’il aime plus que tout, c’est-à-dire le football. Mamadou est un talent exceptionnel, et son rêve de jouer au football professionnel, est le seul moyen pour notre famille de sortir de cette misère. Nous voulons simplement offrir à nos enfants, une vie meilleure et leur donner la chance de réaliser leurs aspirations », plaide-t-il au nom des autres oncles du jeune footballeur.
Une peur indescriptible
Ces oncles dévoués, Koné Moussa, Koné Bengali et Koné Issiaka, sont non seulement les tuteurs légaux de Mamadou Koné, mais aussi ses principaux soutiens financiers. Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, leur inquiétude pour la vie et le bien-être de leur neveu bien-aimé, a été immense.
Koné Moussa, l'aîné et chef de famille, nous invite à son domicile logé en bordure de l’ancienne voie nationale en réfection conduisant au carrefour sable de la commune de Yopougon.
Les va-et-vient des pelleteuses et des ouvriers s’affairant à la construction de nouveaux canaux d’évacuation des eaux usées du quartier, n’empêchent pas les conducteurs de minicars appelés ‘’gbaka’’ de se faufiler entre les panneaux de signalisation.
« Nous avons eu une peur indescriptible lorsque nous avons appris que la guerre avait éclaté en Ukraine, juste avant la signature du contrat de Mamadou avec le Dynamo de Kiev. Notre plus grande crainte était pour sa sécurité, car la situation était extrêmement volatile et dangereuse. Nous sommes reconnaissants qu'il soit revenu en Côte d'Ivoire sain et sauf », se réjouit son oncle.
Face à la détresse de la famille, les dirigeants du FC Kharkiv, le club dans lequel Mamadou évoluait avant la guerre, ont fait preuve d'une remarquable solidarité. Non seulement, ils ont offert un soutien financier pour aider à subvenir aux besoins de la famille pendant cette période difficile, mais ils apportent un soutien moral et matériel pour faciliter le retour du joueur en Europe.
« Nous tenons à exprimer notre profonde gratitude envers les dirigeants du FC Kharkiv », a déclaré Koné Bengali.
« Ils ont été d'un soutien immense pour notre famille depuis le début de cette crise. Leur solidarité et leur générosité nous ont touchés en plein cœur. Ils ont vraiment été à nos côtés dans cette épreuve et nous espérons que Mamadou pourra reprendre sa carrière avec eux dans un avenir proche ».
Olivier Yeo