Les titres, il en compte à la pelle : 18 fois champion de Côte d'Ivoire ; champion d'Afrique des clubs en 2005 et MVP ; vice-champion d'Afrique des clubs en 2004 ; médaillé de bronze au championnat d'Afrique des clubs en 2007 ; vice-champion d'Afrique Afrobasket 2009 et 2021. Il est célébré par la FIBA pour sa longévité au haut niveau. Stéphane Konaté est une légende vivante du basketball en Afrique. Ses joies, ses déceptions, ses ambitions…, le basketteur s’est ouvert à l’Avenir.
Vous êtes champions de Côte d'Ivoire au terme de la saison. Quels sont vos sentiments, surtout en pensant au fiasco de l'année dernière ?
Nous sommes vraiment dans la joie depuis notre sacre. Nous remportons ce trophée qui nous avait échappé l’année dernière. C’est une grosse satisfaction.
Si vous devriez résumer la saison, quelles ont été les grandes étapes pour arriver à cette victoire ?
Il y a eu la saison régulière qui s’est soldée par une deuxième place dans notre groupe. C’était une très bonne chose pour nous, surtout parce que rien ne nous prédisait à une telle place. Il faut dire que nous avons remanié l’équipe à plus de 70%. Nous avons fait appel à des jeunes pour la plupart, non expérimentés. Ce n’était donc pas si évident. Deuxièmement, il y a eu les Playoffs. Nous avons là aussi un parcours sans faute (6 victoires sur 6). L’équipe est montée en puissance, elle s’est bonifiée au fil des matches et cela a payé à la fin. Nous en sommes fiers.
« Ce que j’ai dit à mes coéquipiers de l’ABC… »
Quels sont les sacrifices que l'équipe a dû consentir pour atteindre cet objectif ?
Les sacrifices consentis sont nombreux. Il a fallu beaucoup de travail, de l’abnégation, la disponibilité au jour le jour. Ce n’était pas facile pour les uns et les autres, car nous nous entraînions 4 fois dans la semaine et le week-end, nous avons un match. Nous avons pratiquement consacré notre vie à ce sport. C’est une très bonne consécration. Nous y avons consacré beaucoup de temps et Dieu merci, ça n’a pas été vain.
L'équipe de l'ABC a été très rajeunie, vous l’avez dit. Comment en tant que capitaine, vous avez su créer l'alchimie avec ces jeunes-là ?
En tant que capitaine, j’ai dû faire comprendre aux jeunes que nous avons besoin les uns des autres. Les plus expérimentés ont besoin des jeunes pour leurs qualités et vice-versa. Parce que nous avons vécu des choses qu’ils n’ont pas connues. Les jeunes ont compris le message, ils ont épousé l’idée, car il fallait qu’on se comprenne, qu’on marche ensemble. Voilà aujourd’hui, le travail a payé.
Avec ce titre de champion, vous allez pouvoir jouer la BAL. Avant la saison, est-ce que c'est quelque chose que vous espériez ?
Avant la saison, nous avions un seul objectif : arriver au Play Off. Une fois à ce niveau, on verrait la suite. Une fois arrivés au Play Off, nous nous sommes fixé l’objectif d’arriver en final. Après, tout le reste n’a été que du bonus et du bonheur. Nous avons avancé un peu masqué, parce que nous n’étions pas le champion à abattre. Nous n’étions pas aussi le champion de la saison régulière. Nous étions sans grande pression. Nous sommes champions, nous sommes d’office qualifiés pour les éliminatoires de la Basketball Africa League (BAL). J’avoue qu’en début de saison, nous étions loin d’y songer. Aujourd’hui, nous allons y participer, c’est un bonheur immense.
En y allant, quelles sont vos ambitions, sachant que la Côte d'Ivoire n'a jamais pu participer aux phases finales ?
Déjà, nous allons essayer de nous qualifier pour les phases finales de la BAL, en passant les deux phases éliminatoires. Nous allons nous donner et advienne que pourra.
« Les basketteurs de la nouvelle génération ont un manque… »
Après toutes ces années dans le championnat de Côte d'Ivoire, comment jugez-vous son niveau actuel ?
Je pense que le niveau de notre championnat a un peu baissé par rapport à ce qu’on a connu avant. Mais bon, je pense que cela est dû au changement de générations. Les générations d’aujourd’hui, pour ma part, ont un manque dans tout ce qui est entraînement et développement personnel. Cela dit, ils font beaucoup d’efforts pour se surpasser et pour être performants. C’est à saluer. J’espère qu’au fur et à mesure, le niveau va monter encore.
Pensez-vous que le niveau de la sélection nationale reflète celui du championnat local ? Sinon, que faut-il faire pour le redynamiser ?
On ne peut pas comparer le niveau de la sélection nationale à celui du championnat local. Ce sont deux choses complètement différentes. Le championnat local doit être comparé à d’autres championnats locaux. La sélection doit aussi être comparée à d’autres sélections. S’agissant du championnat local, je pense que les dirigeants fédéraux, notamment le président, font des efforts pour redynamiser le basketball ivoirien. Son travail a le mérite d’attirer du public, les annonceurs aussi viennent. Il faut encourager et féliciter. Je prie qu’il ait la force nécessaire pour continuer ce travail et nous serons là pour lui prêter main forte.
Vous vous êtes blessé au terme du championnat. Pourtant, les Éléphants accueillent les prochains matches pour les éliminatoires du mondial. Comment vous vous sentez ?
Je me porte mieux. J’avais mal à l’adducteur, mais ça va mieux maintenant. Mon kinésithérapeute s’occupe de me remettre à point. C’est un petit bobo qui est en passe d’être guéri. J’espère que ça suffira pour que je puisse rejoindre le groupe.
Est-ce qu'un rétablissement est possible avant cette date ?
Je l’espère bien. Tout est dans la main de Dieu et de mon kiné.
En tant que vice-champion d'Afrique, quelles sont les ambitions de la Côte d'Ivoire pour ce mondial ?
Les ambitions de la Côte d’Ivoire, c’est de se qualifier pour ce mondial. Nous avons déjà fait un pas, en remportant tous nos matches lors de la première fenêtre des éliminatoires (3/3). Les matches démarrent ce vendredi 1er juillet au Palais des Sports. Nous allons essayer de gagner ces trois matches et de nous rapprocher plus vers les qualifications. Mais l’ambition la plus chère pour notre sélection, c’est de se qualifier et de jouer ce mondial l’année prochaine.
Croyez-vous que la Côte d'Ivoire a les moyens humains pour déjà se qualifier et faire bonne figure à ce mondial ?
La Côte d’Ivoire a tous les moyens humains pour se qualifier et même faire bonne figure à ce mondial. Mais, on ne va pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Essayons d’abord de gagner nos matches à la maison et après, nous verrons comment les choses se profilent à l’horizon. Le plus important en ce moment, c’est d’engranger le maximum de points pour être l’une des nations africaines à se qualifier pour ce mondial.
La longévité est une des nombreuses qualités, quel en est le secret ?
Ce n’est rien d’autre qu’une bonne hygiène de vie, la bonne manière de s’entraîner. Souvent, on demande aux jeunes de s’entraîner, mais ils ne savent souvent pas comment s’entraîner. Sur quoi il faut mettre l’accent. J’ai la chance de savoir ces choses-là, et c’est ce qui me donne cette longévité-là. Et je dis merci à Dieu.
Quels sont vos plus grands regrets et vos plus grosses peurs ?
L’un de mes plus grands regrets, c’est de n’avoir pas eu la chance que les jeunes ont aujourd’hui, avec tout ce qui est programmes de détection, camps de formation et autres, depuis le bas âge. J’avoue qu’à notre temps, toutes ces choses n’étaient pas aussi accessibles. Ces programmes permettent aujourd’hui, aux jeunes d’être détectés assez tôt. Ce qui leur ouvre les portes d’horizon plus fructueuses. Avec toute l’expérience que j’ai accumulée, la peur n’existe presque plus dans mon vocabulaire. Quand on travaille, on n’a pas peur d’affronter les choses.
Quelles sont vos plus grandes joies et vos grosses déceptions ?
L’une de mes plus grandes joies, c’était lorsque nous avons remporté la Coupe d’Afrique des clubs champions avec l’ABC. Ce fut également une grosse joie lorsque nous avons été médaillés d’argent avec l’équipe nationale à l’Afrobasket 2009 et récemment en 2021. L’une de mes plus grosses déceptions, c’est de n’avoir pas remporté l’Afrobasket ici à Abidjan en 2013. C’était un crève-cœur.
Quel a été le match difficile de votre carrière ?
Les deux matches les plus difficiles que j’ai joués, c’étaient les finales de l’Afrobasket perdues en 2009 en Libye et 2021 en Tunisie. Lors de ces deux matches, nous n’avons jamais eu l’occasion de mener au score. Nous avons toujours couru après le score et c’était éprouvant.
Avec tout ce talent, regrettez-vous de n'avoir pas pu réaliser le rêve d’aller au NBA ?
Dans la vie, chaque chose à son temps. N’avoir pas joué en NBA, ce n’est pas un regret pour moi. Certainement que ce n’était pas ma destinée. Je prends ce que Dieu m’a donné et je prends le temps de savourer.
Que faut-il aux basketteurs ivoiriens pour franchir ce palier ?
Il faut juste travailler et travailler, s’entraîner encore et encore. Le reste viendra avec les opportunités de détection.
Quels sont les sacrifices que vous avez consentis pour durer au plus haut niveau ?
C’est le temps que tu consacres à ce sport et la rigueur. C’est ce qu’il faut pour durer au haut niveau, je pense. Il faut donner du temps au basket et être rigoureux avec soi-même et aussi envers les autres.
Quand Stéphane Konaté ne pense pas au basketball, à quoi occupe-t-il son temps ?
Quand je ne pense pas au basket, je pense au basketball. Pour dire que je pense toujours à ce sport. C’est ce qui est ma vie. À part cela, j’essaie d’être présent pour mes enfants, ma famille, parce que je n’ai pas souvent été auprès d’eux.
Quels sont vos projets à court et long termes ?
Ce qui me tient à cœur en ce moment, ce sont les camps de formation ‘’Stéphane Konaté’’ que j’organise depuis peu à Korhogo. C’est ma ville d’origine et je veux consacrer ce temps aux jeunes de cette localité, leur donner une chance de jouer au basket et croire en leurs rêves. Nous serons bientôt à la deuxième édition, en juillet 2022. À long terme, j’ai pour ambition de créer une académie pour renforcer cette chance aux jeunes.
Réalisée par Manuel Zako