Tout, absolument tout, était inédit ce vendredi 3 juin, dans la capitale politique ivoirienne. Première sortie pour le nouveau président de la fédération et son équipe ; un nouveau sélectionneur accueilli dans un stade de Yamoussoukro flambant neuf, le tout, dans une ville qui reçoit pour la première fois de son histoire, l’équipe des Éléphants.
Les nombreux supporters de l’équipe nationale n’ont pas été déçus d’avoir fait massivement le déplacement à Yamoussoukro. Il y avait un contentieux, vieux de 10 ans, à vider avec l’équipe zambienne. Les Pachydermes ont marché (3-1) sur les Chipolopolos, au grand bonheur des supporters venus en nombre pour cette fête, qui a commencé depuis plusieurs jours. Depuis l’annonce de ce match dans l’enceinte du nouveau stade de Yamoussoukro, la ville est en ébullition. Pour une cité d’ordinaire calme, l’évènement a eu le mérite de booster certaines activités. Commerces, taxis, hôtels, restaurants, maquis…, ça grouille de monde de partout et chacun y trouve son compte. Ce vendredi 3 juin 2022, jour de match, l’ambiance est plus vive. La cité des Lacs vibre au rythme du football et des Éléphants. Voir en direct toutes ces stars du ballon rond se produire, Yamoussoukro n'avait jamais connu cette joie-là. L’occasion est belle et inédite. Il est 8h15, un peu partout dans les quartiers de la ville, des drapeaux aux couleurs nationales sont installés. Certains véhicules et taxis se parent également aux couleurs du pays.
Yamoussoukro en effervescence
L’effervescence est déjà palpable à plus de 10h du coup d’envoi du match. Konan Ruffin a toujours vécu à Yamoussoukro, au quartier Habitat. Pour cet inconditionnel des Éléphants, l’instant est sensationnel. « Ma joie est immense. Nous attendions ce moment depuis des années. Tous les stades étaient soit à Abidjan, soit à Bouaké. Aujourd’hui, Yamoussoukro a son stade. Nous allons savourer. Ce qui est dommage, c'est que notre stade ne fait que 20.000 places, et là, les tickets sont finis. On aurait aimé avoir un stade de 40.000 places », déplore ce fan des Éléphants. Comme Ruffin, Romaric N’dri a déjà réservé son ticket pour le match. Mais il lui manque quelque chose. Romaric veut s'offrir le maillot orange des Éléphants. La circonstance l'exige. Mais le prix fixé par le vendeur, installé au quartier 220 juste pour la circonstance, est au-delà de ses possibilités. Il ne peut que débourser 5000 F CFA, là où on lui demande 7500 F CFA. Déçu de ne pas pouvoir se vêtir dans le maillot de son équipe, cela n'altère en rien la joie de Romaric de voir pour la toute première fois, les Éléphants chez lui à la maison. « C’est une joie indescriptible pour nous qui avons grandi ici. Ce qui est regrettable, c'est que nous n'avons pas tous pu avoir les tickets pour être au stade. Le stock était épuisé et ça gâche un peu la fête. Je serai seul au stade, pour voir mon joueur favori, Nicolas Pépé », espère N’dri Romaric. Pépé, blessé, n’a pas fait le déplacement à Yamoussoukro. Yoro Herman, marchand de maillots, se frotte les mains depuis quelques jours.
On se frotte les mains partout…
Il compte plus de billets que d’ordinaire. « Si nous pouvions avoir chaque mois, ce genre de match ici, nous serions toujours heureux », s’enthousiasme-t-il. Ici, sur son étable de fortune, ce ne sont que des maillots des Éléphants qui sont exposés. Pour s’en offrir un, il faut sortir 8.500 F CFA. À 8h du match, les enchères ont été montées. « J'ai commencé à vendre les maillots depuis lundi dernier. Ça marche bien, les gens achètent pour être au stade », nous apprend Yoro Herman. Un peu plus loin, toujours dans le même quartier des 220, Pacôme Yao tient lui aussi, un hangar de fortune. Ses maillots s’arrachent comme de petits pains. « Hier, j'ai vendu 15 maillots la journée. Aujourd’hui, j’ai déjà vendu 9 », explique ce fan, dit-il, de Didier Drogba. Pour cet évènement inédit à Yamoussoukro, les supporters ont afflué de partout. Chacun veut être témoin de l’histoire. Direction Morofé pour prendre le pouls de l’ambiance. À bord de son taxi, Alangba Hugues, le conducteur, enchaîne les tubes à la gloire des Éléphants qui ont marqué le temps. « C'est une grande première pour Yamoussoukro. J'ai pris des clients qui sont venus des villages environnants pour voir le match. C'est historique pour la ville. Personne ne veut se faire compter l'événement», nous apprend-il. Sur place, c’est l’ère de la fête. Il est 13h, la ferveur monte d’un cran dans la ville. Les klaxons des taxis se font de plus en plus bruyant. Par petits groupes, ils commencent déjà à converger vers le stade. Comme la plupart des commerces, Diané Samori, sérigraphe au quartier Dioulabougou, accueille ses clients avec un large sourire. Quand les affaires marchent, la joie suit. « L’engouement est énorme, tout le monde veut avoir son maillot, tout le monde veut avoir son nom écrit sur les maillots. Depuis une semaine, les gens se bousculent chez moi ici. Je fais l'impression sur les vêtements d'ordinaire, mais depuis une semaine, ce ne sont que les maillots des Éléphants qui affluent ici », note Diané. Il a personnalisé depuis le début de la journée, plus de 70 pièces. Jeudi, la veille, le compte total était de plus d’une centaine de pièces, au terme de la journée. Une activité qui se voit fortement booster par la présence des Éléphants, dans la capitale politique ivoirienne. Il faut savoir que le prix d'un chiffre imprimé sur le vêtement est fixé à 1000 F. Pour le nom, chaque lettre coûte 500 F. Dans la même zone, Ibrahim Touré vend divers types d'appareils, surtout les téléphones dans son pousse-pousse (Charrette).
Yamoussoukro lave l’affront de 2012
Pour cette première à Yamoussoukro, il a décidé de monter le volume d’une de ses enceintes Bluetooth afin de mettre l'ambiance, partout où il passe. À moto, à vélo, vêtus dans les couleurs de l'équipe nationale, les supporters de Yamoussoukro paradent dans les grandes artères, attendant impatiemment l'heure fatidique. Il est maintenant 18h, trois cordons de sécurité ont été installés autour du stade pour filtrer les entrées. Les forces de l’ordre veillent, les supporters sont passés au peigne fin. Tous les objets jugés dangereux sont confisqués. Depuis la première minute du match, les cris et les chants des supporters accompagnent les Pachydermes sur la pelouse, qui n’attendent que ça. Et quand le coup de sifflet final retentit, Yamoussoukro peut exulter dans la liesse populaire. Premier match, première victoire (3-1) à Yamoussoukro : Mission accomplie !
Manuel Zako, envoyé spécial à Yamoussoukro