Avec le GX, il faisait partie de ceux qui ont exigé farouchement une gestion saine des affaires de la FIF. Audit, CONOR, comex, présidence de la FIF, Éléphants…, Salif Bictogo se livre, sans détour, dans cette interview au lecteur de l’Avenir.
L’actualité à la FIF, c’est l’audit diligenté par le Comité de normalisation. Avez-vous pris connaissance du contenu de ce document ?
J’ai, en effet, un membre de mon équipe qui a été commis à cette tâche. Il est en ce moment en train de prendre connaissance de ce document (Ndlr : mardi 9 novembre). Mais les premières choses qui sautent aux yeux, c’est qu’au-delà de la gestion qui a été faite par l’ex-comex, c’est qu’ils ont été relevés de leurs fonctions le 24 décembre 2020, et ils ont continué à utiliser les ressources de la FIF à hauteur de 89 millions pour défendre leurs propres intérêts, puisqu’ils avaient saisi le Tribunal arbitral du sport (TAS). C’était une défense à titre personnel et non pour l’ensemble des membres actifs de la FIF. Ils n’avaient pas le droit de toucher à ces ressources. C’est un délit et c’est ce qui saute aux yeux. C’est en même temps la partie de l’iceberg qui est visible, sinon il y a la pluralité des comptes existants. Là-dessus, les raisonnements sont nombreux. C’est dire que sur un compte, nous sommes créditeurs et sur la dizaine de compte, nous sommes débiteurs. C’est donc l’arbre qui cache la forêt. Vous savez, comme je le dis souvent, lorsqu’on fait un audit, lorsqu’on cherche quelque chose, on trouve toujours. Elle peut être avérée ou non, mais cette fois-ci, les faits sont visibles et choquants.
« Des choses ont été faites à l’insu du président de la FIF, feu Sidy Diallo »
Il y a eu l’affaire du car-régie sur laquelle l’ancienne équipe s’est exprimée. Avez-vous été convaincu par leurs explications ?
Ils ne pouvaient que dire certaines choses pour faire avaler la couleuvre. Ce qui est réel, c’est qu’il y a eu mauvaise gestion et un détournement des ressources par rapport à ce car-régie, d’ailleurs qui a été confirmé par un communiqué du troisième vice-président de l’ancienne équipe. Au départ, l’initiative était bonne. Lorsqu’on signait le contrat avec la chaîne cryptée, on a dit que pour émettre les signaux, il fallait un car-régie. Cela allait permettre de réduire les coûts, pas de les faire disparaître. Un emprunt a été effectué à hauteur d’un million d’euro, soit 655 millions de Fcfa, octroyé en 2016. Et jusqu’en 2020, nous n’avons pas acquis le car, alors que nous aurions dû l’acquérir pour amortir les coûts des émissions. On a continué à payer le prix fort. Déjà, il y a un préjudice. En 2020, nous avons acquis le car et un virement de 80 millions de Fcfa a été fait le 30 mars et un deuxième le 1er avril à hauteur de 212 millions Fcfa. Au vu des écritures que nous avions et que nous pouvons vérifier, il y a 292 millions Fcfa qui ont été payés à un fournisseur du nom de LDH, qui est situé au VITIB (zone franche, située à Bassam, Ndlr). Un car d’occasion en plus. Dans ce même moment, on met ce car en garantie auprès d’une banque pour un montant de 412 millions Fcfa. Si on fait un recoupement, on a emprunté 655 millions, plus 412 millions, on est déjà au milliard. Sans compter le préjudice subi, parce qu’on n’a pas pu acheter le car en 2016, comme prévu. Aujourd’hui encore, le car ne nous appartient toujours pas, parce qu’ils l’ont hypothéqué pour prendre 412 millions Fcfa. Et tout cela a été fait à l’insu du président de la FIF, feu Sidy Diallo.
Qu’est-ce qui vous fait dire que Sidy Diallo n’en était pas informé ?
Les documents ont été signés par le premier vice-président, Sory Diabaté et le DEX, pour faire cet emprunt. A la limite, ils devraient informer les membres actifs. Un bien qui nous appartient tous, et que nous devons mettre en hypothèque pour emprunter de l’argent, nous devrions être tenus informés. Aujourd’hui, on se retrouve à devoir encore 492 millions de Fcfa à cette banque. Mais en même temps, dans les états financiers de la FIF, ils font ressortir qu’ils ont acheté ce car à hauteur de 525 millions je crois. C’est tout cela qu’on appelle un détournement et on a vu dans leurs explications : ils disent que lorsque l’argent de l’emprunt est arrivé, ils l’ont mis à la disposition des 14 clubs de la Ligue 1 en attendant le premier décaissement de la chaîne cryptée. Mais quand cet argent est décaissé, logiquement il sert à remplacer ce qui a été emprunté. Où est passé cet argent ? Deuxième remarque, on emprunte auprès d’une banque en 2020, parce qu’on a un problème de trésorerie, mais pourquoi, s’il n’y avait plus de compétition ? Nous étions en situation de Covid-19 et nos compétitions étaient arrêtées depuis 2019. Autant de questions que nous nous posons. Nous sommes fondés à porter plainte parce que nous n’avons pas de car-régie. Quand on a posé un acte si grave, on ne passe pas de média en média pour narguer les membres actifs que nous sommes. Voici en quoi le problème du car est révoltant.
« Les membres du Comex avaient des indemnités, qui étaient parfois supérieures à des salaires »
A vous entendre, on croirait que l’ancienne équipe s’est servie au lieu de servir le football ivoirien?
En effet, elle s’est plus servie qu’elle n’a servi le football. Dans les états financiers que nous avons, on voit que les membres ont été rétribués. Nous avons dit partout qu’ils étaient salariés, leur avocat nous a répondu que c’était des indemnités, qui étaient parfois supérieures à des salaires. Alors que nos statuts disent que nous sommes là à titre bénévole. Quand on peut rétribuer des membres du Comex, on qu’on est incapable d’organiser une compétition de jeunes alors que nous sommes là pour le développement du football, il y a beaucoup d’interrogations.
Etait-ce pour protester contre ces pratiques que le GX, dont vous étiez membre, avait été mis sur pied ?
Evidemment le GX a dénoncé beaucoup de choses. Pour le GX, il y avait mal gouvernance. Si vous vous en souvenez, nous avions fait une conférence pour parler du montant de 4 milliards de Fcfa qui avait servi pour le transport des membres du Comex, qui d’ailleurs n’est pas élucidé jusqu’aujourd’hui. On nous a fait comprendre que si Denguélé voyage en car, eux, ils voyageaient en classe affaire. Même dans les grandes entreprises, les directeurs ne voyagent pas en business. Au Comex tout le monde voyageait en business, alors qu’on est incapable d’organiser une compétition de jeune. Or, on sait combien ça coûte. C’est tout cela que le GX a critiqué. Nous n’étions pas contre un individu, il faut recentrer le débat, nous voulions que notre faitière soit dans de bonnes conditions financières. Aujourd’hui la FIF doit à peu près 6 milliards de nos francs. On se demande si ce n’est pas plus.
« La FIF doit près de 6 milliards à des fournisseurs »
A qui la FIF doit-elle cet argent ?
Nous devons à des fournisseurs, il y a des charges fiscales, les charges sociales, il y a beaucoup d’agences de voyage, des hôtels, des assurances. Il y a aussi des banques. Je vous disais que nous devons 492 millions de Fcfa à une banque pour le car. Nous avons un découvert de près de 800 millions. Ça fait beaucoup d’argent et une faitière n’est pas faite pour avoir autant de dettes, même si en face il y a un actif. S’ils ont pu mettre notre car-régie en hypothèque, qui nous dit qu’ils ne mettront pas le siège de la FIF en hypothèque, sans nous informer. C’est grave, c’est pour cela qu’on soulève le problème. Nous ne voulons pas que le prochain président de la FIF fasse la même chose. Cette fédération a été construite du temps du président Brizoua Bi pour 80 millions de Fcfa. On n’a pas ajouté un plus à ce qu’il a construit. Mais au contraire dans la comptabilité on a évalué le bâtiment à des milliards.
C’est tout cela que l’AG qui a été reporté devrait permettre de comprendre alors ?
Lorsque nous n’avons pas donné quitus, les gens ont crié au loup. Mais la base même de la comptabilité, c’est débit est égal à crédit. Notre bilan n’était pas équilibré. Il y a avait un écart entre l’actif et le passif de près de 23 millions. Comment pouvait-on adopté un tel bilan. Je pense que nous membres actifs, il est arrivé le temps où nous ne devons pas donner des quitus pour faire plaisir aux gens. Même si je suis avec Paul ou Pierre, il est de mon devoir de dire qu’ils ont failli et c’est ensemble que nous devons corriger les choses.
Que devient le GX aujourd’hui ?
Le GX est là. Vous savez, un mouvement ne meurt jamais. Le GX doit pouvoir corriger ce qui ne va pas. Les présidents de clubs doivent comprendre que le président de la fédération n’est pas un roi avec ses sujets. Quant au saura faire la différence, je crois que nous allons progresser. Quand il n’y a pas d’argent, nous devons tous accepter de souffrir. Mais lorsqu’il y en a, nous devons tous en bénéficier. Quand on estime que l’Etat fait beaucoup d’effort avec la parafiscalité, qui met à notre disposition près de 2,6 milliards, on a la chaine cryptée qui apporte une certaine somme. Quand on additionne tout cela et qu’on a un budget de 7 ou 8 milliards et que les clubs ont à peine 20% de cette somme, alors que c’est nous qui faisons le spectacle, c’est nous qui faisons la FIF, il faut se poser les bonnes questions. C’est tout cela que nous ne souhaitons plus pour le nouveau président.
« Avec les Éléphants le temps n’est pas au beau jeu »
Les Éléphants affrontent demain le Mozambique, comment jugez-vous le niveau de notre équipe actuellement ?
Je dis aujourd’hui, le temps n’est pas au beau jeu. Nous recherchons une qualification. Je souhaite qu’on joue comme le PSG et qu’à la fin, nous ayons les 3 points. Jouer bien et être éliminé, ça n’a pas de sens. Nous avons deux demi-finales à jouer et une finale. Contre le Mozambique et le Cameroun, nous allons jouer des demi-finales. Et notre finale sera le dernier tour qualificatif. Quand on a de tels matches à jouer, le fond de jeu peut laisser à désirer, mais c’est le résultat final qui importe. Nous choisissons le spectacle ou les résultats ?
Les résultats certes, mais est-ce qu’un bon fond de jeu n’est pas gage de bons résultats ?
Nous avons des joueurs compétents, dont la moitié de ces garçons sont titulaires dans leurs clubs. Il y a eu une époque où nous n’avions même plus de joueurs titulaires en club. Comme je dis, ces jeunes veulent bien faire. On a la chance que certains jouent beaucoup, c’est un avantage qu’il faut capitaliser. Il faut comprendre aussi que le coach n’a souvent que quelques jours pour regrouper son équipe. C’est difficile d’en faire un groupe. Certains viennent d’ici, il y a des binationaux, ce n’est pas évident. Avant nous avions une ossature qui venait de l’Académie. Il faut être indulgent. Ces garçons doivent avoir en point de mir, 2023. Ils auront un temps de jeu plus long, et vous verrez que ça va s’améliorer.
Ils peuvent passer tranquillement ce premier tour, selon vous ?
De qui pourrions-nous avoir peur ? Autant certains craignent le Cameroun, autant le Cameroun nous craint. De toutes les façons, je dis qu’il faut arriver au Cameroun avec notre titre de leader. La pression sera sur nous, mais elle sera doublement sur le Cameroun. Nous prions que les garçons fassent déjà un bon match ce samedi pour qu’on soit des Éléphants robustes devant les Lions.
Réalisée par Manuel Zako