Abidjan, le dimanche 12 septembre 2021 - (laveni.ci) Dans une lettre ouverte adressée au Premier Ministre Patrick Achi le 19 août dernier, un groupe de réflexion a tenu à interpeller les autorités ivoiriennes sur l’urgence de se pencher sur la question du changement climatique dans le pays et la nécessité de prendre des décisions responsables. Cette lettre a surtout pointé du doigt la perte exponentielle du couvert forestier tout en prévenant :
« Il est aujourd’hui crucial pour l'Etat ivoirien de reprendre un total contrôle de ses forêts (parcs nationaux et forêts classées) et en faire l’état des lieux pour obtenir les aides inhérentes au rétablissement de l’équilibre de cet écosystème. »
Nous sommes venus à la rencontre de ce groupe composé de Golou Christelle Sové (GCS), Philippe Komenan Ekra (PKE), Moussa Bamba (MB), François Kouadio (FK) et Apalo Coulibaly (AC), pour comprendre les raisons de leur initiative aussi bien que l’expectative qui accompagne cette lettre ouverte.
Qui êtes-vous ?
GCS : « Nous sommes un groupe de réflexion. En fait, nous avons trouvé un cadre de discussion en ligne et de fil en aiguille, on s’est approprié plusieurs sujets qui touchent notre société. Il est important de préciser que nous sommes apolitiques et provenons de divers domaines d’activités. Cet aspect éclectique de notre groupe de réflexion nous permet de voir les sujets sous différents angles de vue, ce qui est plus que bénéfique dans notre souci d’œuvrer pour la cause commune. »
Qu’est-ce qui vous a amené à avoir un intéressement pour le changement climatique ?
GCS : « il y a de l’oxymore dans votre question. C’est le fait de ne pas s’intéresser au réchauffement climatique qui est questionnable aujourd’hui. Le dernier rapport IPCC qui regroupe des experts intergouvernementaux et scientifiques sur les conséquences du réchauffement planétaire, est très alarmant. L’être humain est indiscutablement responsable du dérèglement climatique par une émission dangereusement débordante de certains gaz à effet de serre tels que le méthane, l’ozone et le dioxyde de carbone qui compressent l’atmosphère. Alors si rien n’est fait, les prochaines décennies seront le théâtre de catastrophes inimaginables. Par ailleurs, s’est tenue à Marseille la quatrième édition de la one Planet summit dans le but de relever le niveau d’ambition de la communauté internationale sur la protection de la nature et sur le climat et préparer les Etats à la prochaine COP 26 qui se tiendra du 31 octobre au 12 novembre 2021 à Glasgow (UKCOP26). Dans cette ambiance mondiale, la Côte d’Ivoire a le devoir de se mobiliser et de profiter au maximum de cette opportunité afin d’utiliser cette dynamique pour demander de l’aide et obtenir des moyens internationaux qui permettront de remplir cette mission aux efforts titanesques que constitue la reconstitution de la couverture forestière.
PKE : « Je me permets de renchérir son propos : un autre rapport, celui de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), a révélé que le mois de juillet 2021 est le mois le plus chaud jamais enregistré. Quand ces scientifiques présentent les résultats de leur travail, plusieurs y voient de la surenchère et de l’hyperbole. Pourtant allez même dans les villages ! tout le monde en parle : Le temps a changé. Il ne pleut plus aux moments indiqués et on ne sait plus où mettre la tête. A chaque fois que je vais à l’intérieur du pays, je rencontre des gens estomaqués par ce changement climatique. Ce constat invite inéluctablement à se pencher sur ce sujet.
Vous l’avez signifié dans votre lettre, la perte exponentielle du couvert forestier du pays y est pour beaucoup dans le changement climatique. Vous avez également pointé du doigt la SODEFOR. Pensez-vous qu’elle a failli à sa mission ?
MB : Notre objectif n’est aucunement d’indexer une structure et encore moins de se muer en pourfendeurs. Seulement, les faits sont têtus et le bilan de la société de développement des forêts parle de lui-même. De plus, votre question est d’une évidente lapalissade (permettez-moi la tautologie). En théorie, la SODEFOR devrait être le principal instrument de l’instauration de la politique forestière du gouvernement ivoirien. Malencontreusement, elle a montré son incapacité à relever ce défi en l'occurrence pour ce qui est de la protection et de la restauration de la forêt. Mieux, devrai-je plutôt dire pie, elle semble ne pas être en mesure de relever les nouveaux challenges que lui impose cette épineuse problématique. Un audit s'impose. Sa restructuration est urgente.
Quelles solutions proposez-vous pour sauver la forêt ivoirienne ?
FK : Il n’est pas de notre ressort de dicter à l’Etat ce qu’il doit faire car nous lui faisons confiance par l’intermédiaire de ses techniciens et scientifiques accrédités. Néanmoins étant soucieux du bien-être du patrimoine forestier ivoirien, nous proposons quelques pistes de solution :
Sensibiliser les populations des zones urbaines et rurales sur l’importance de protéger les forêts ;
Renforcer et améliorer les instruments étatiques existants ;
Encourager les initiatives de la société civile qui cadrent avec les questions de promotion et de protection de l’environnement ;
Favoriser une économie plus verte ;
Associer les mouvements de jeunesse aux prises de décisions relatives à la forêt ivoirienne ;
Il faut comprendre que nous devons prendre soin de notre écosystème afin que celui-ci puisse prendre soin de nous.
Pour finir, envisagez-vous de vous constituer en ONG ? ou bien le futur de ce groupe de réflexion est d’un tout autre ordre ?
AC : Concernant le futur de ce groupe de réflexion, il convient de dire que l’avenir nous éclaircira. Regarder au-delà de l’horizon, savoir où nous voulons aller c’est très bien. Mais laissez-moi vous dire que plus que l’avenir, il faut parfois songer à la prospective. Le plus important c’est de continuer à se battre pour la préservation de notre patrimoine forestier et quelle que soit la structure qui s’y évertue, elle doit être encouragée et accompagnée. L’idée c’est qu’au final, nous devenions les bons élèves de cette lutte planétaire contre le réchauffement climatique. C’est une histoire de citoyens engagés qui se donnent les moyens pour y arriver.
VK