En 20210-2011, la Côte d’Ivoire connait l’une de ses plus graves crises sociopolitiques. Le bilan des affrontements est lourd : plus de 3000 morts sont enregistrés. Les parents de certaines victimes doivent attendre 13 longues années, avant de retrouver les corps de leurs défunts. Le ministère de la Cohésion nationale, de la solidarité et de la lutte contre la pauvreté a procédé à la restitution de 14 corps identifiés, ce mercredi 5 juin 2024 à Treichville, lors d’une cérémonie symbolique, accompagnée d’une remise des fonds aux parents des victimes décédées. C’était en présence de plusieurs autorités, notamment le ministre de la Défense, Téné Birahima Ouattara ; de la Fonction publique Anne Désirée Ouloto, de la Promotion de la jeunesse, de l’insertion professionnelle et du service civique, Mamadou Touré. Cette cérémonie, faut-il le souligner, s’inscrit dans le processus de restitution des corps sur toute l’étendue du territoire, débuté en mars 2023 par la région du Cavally et qui s’étend à Abidjan. Ce mercredi, dans la grande salle Félix Houphouët-Boigny d’IVOSEP, l’émotion est vive. Même après 13 ans, la douleur de la séparation se lit encore entièrement sur les visages marqués des parents, des frères et amis, qui sont venus nombreux pour récupérer les corps de leurs proches décédés, afin de leur offrir des funérailles en bonne et due forme. C’est l’objectif à travers cette action de l’Etat, en permettant aux familles des victimes d’accomplir les rites liés à leur deuil. « Merci d’être là ce jour pour nous soutenir dans cette épreuve douloureuse. Aujourd’hui est un grand jour pour nous parents de victimes. Nous étions vraiment dans l’incertitude et un peu angoissés à l’annonce de cette nouvelle car nous n’avons jamais espérer revoir les corps de nos parents disparus dans cette crise postélectorale », a indiqué Diabaté Youssouf, au bord des larmes, au nom des familles des victimes. Selon lui, grâce à l’effort du gouvernement avec à sa tête le président de la République Alassane Ouattara et de la ministre de la Cohésion nationale, de la solidarité et de la lutte contre la pauvreté, c’est chose faite.
Des âmes qui ne se reposaient pas en paix
« Madame la ministre, vous ne pouvez pas savoir le fardeau que vous nous déchargez ce jour. Un corps non inhumé équivaut à une âme qui ne se repose pas en paix. Allez dire au président de la République que nous ne sommes pas fâchés. Bien au contraire, nous le soutenons dans son programme de gouvernement ». 13 ans de deuil, pour les parents des victimes, « c’est long et beaucoup de difficultés ont été rencontrées. Souvent, l’être disparu est le seul cadre ou le seul soutien de la famille ». Au nom de toutes les familles, Diabaté Youssouf a saisi l’occasion pour faire quelques doléances. Elles se résument entre autres, à l’insertion d’un ou deux membres de chaque famille à la fonction publique ; l’octroi des fonds d’aide à un membre de la famille pour la réalisation d’une activité génératrice de revenus ; des prises en charge scolaires pour les enfants de la victime ou pour les enfants à charge d’un des membres de la famille de la victime. Si certaines de ces doléances sont déjà prises en compte par le ministère de la Solidarité, d’autres restent à être solutionnées. « Nous sommes réunis, ce jour, pour honorer la mémoire de 14 êtres chers. En pareille circonstance, les mots semblent insuffisants pour traduire avec exactitude notre ressenti. Au nom du Chef de l’Etat, Alassane Ouattara, du Premier ministre Robert Beugré Mambé, et de l’ensemble du gouvernement, je voudrais exprimer mes sincères condoléances aux familles éplorées et leur témoigner de la solidarité de la nation toute entière », s’est inclinée la ministre Myss Belmonde Dogo. Sans revenir sur les douloureuses circonstances qui nous réunissent ce jour, a-t-elle poursuivi, « je voudrais juste rappeler que ces 14 corps que nous remettons, ont été conservés après la crise post-électorale de 2010-2011 pour nécessités d’enquête et d’identification. Cette phase administrative et judiciaire ayant connu son dénouement, l’Etat de Côte d’Ivoire a décidé, de procéder à la remise de ces corps aux familles endeuillées. Cette opération a débuté en 2013 à Abidjan. Elle a repris en 2023 avec l’étape de la région du Cavally et se poursuit aujourd’hui, avec la remise de quatorze (14) corps identifiés à leurs familles pour leur permettre de faire enfin leur deuil ».
L’Etat aux côtés des familles de victimes
La ministre de la Cohésion nationale a salué la dignité et la résilience remarquable dont les familles ont su faire preuve durant toutes ces années. « Sachez que vous n’êtes pas seuls, la Côte d’Ivoire, solidaire dans l’épreuve, se tient à vos côtés ». A cet effet, le gouvernement a décidé de la prise en charge intégrale des frais de conservation à IVOSEP ; la prise en charge des frais de transfert jusqu’au lieu d’inhumation ; un accompagnement financier d’un montant d’un million cinq cent mille (1 500 000) francs à chaque famille, pour le « Yako » et l’organisation des obsèques. « Au nom de la Côte d’Ivoire, au nom de Dieu en qui vous croyez, je vous demande pardon, et je vous demande à votre tour de pardonner », a exhorté Myss Belmonde Dogo. Notons que ce sont 47 corps qui ont été restitués dans le Cavally, 14 autres, ce jour pour Abidjan, et 6 restant pour le compte de Duekoué, dans les semaines à venir. Tous les corps liés à la crise postélectorale, qui n’ont pu être identifiés, a annoncé la ministre, « seront ensevelis dans des endroits bien indiqués, et c’est le ministère de la Justice qui devrait conduire le processus ».
Manuel Zako