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Interview / Kangouté Maïmouna (Secrétaire du Syndicat des sages-femmes et maïeuticiens de Côte d’Ivoire) : « Nous nous engageons à réduire le taux de mortalité des femmes en couche »

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Kangouté Maïmouna encourage les hommes à exercer le métier de maïeuticien. (Ph : DR)
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Les maïeuticiens de Côte d’Ivoire n’auront pas la tâche aisée dans l’exercice de leur profession. Des pesanteurs socio-culturelles en sont les raisons, soutient Kangouté Maïmouna, secrétaire nationale du syndicat des sages-femmes et maïeuticiens de Côte d’Ivoire, dans cette interview accordée à L’Avenir.

Vous avez tenu votre dernier congrès ordinaire en septembre. Quelles ont été les principales résolutions ?

Les congressistes étaient 300 et ont noté avec satisfaction, le travail abattu par le Bureau exécutif national (BEN) en termes d’activités de soutien à la défense des droits de ses membres ; de formations syndicales et professionnelles ; de promotion des membres avec constitution d’un patrimoine immobilier et d’engin roulant. Face aux efforts considérables fournis par le BEN et les énormes charges auxquelles est confronté le syndicat, les congressistes ont recommandé la mobilisation de moyens divers.

Au sortir de ce congrès, nous nous sommes donc engagées à nous approprier les outils de la digitalisation pour être plus efficaces dans l’exercice de notre profession. Il a été aussi question de mobiliser des ressources financières supplémentaires pour des actions plus efficaces, susciter l’engagement syndical des jeunes et poursuivre l’enrôlement des sages-femmes.  Enfin, il a été recommandé de continuer les négociations avec le Gouvernement en vue de la mise en application des effets financiers de la réforme hospitalière. 

En Côte d’Ivoire, le métier de sage-femme n’est plus réservé exclusivement à la femme. Il y a aussi des hommes qui l’exercent. Ont-ils pris part au congrès ?

Effectivement, depuis l’adoption de la loi portant création de l’ordre des sages-femmes et maïeuticiens de Côte d’Ivoire, le métier est désormais ouvert aux hommes. Cela va également dans la droite ligne de la politique de notre pays qui vise à rétablir l’égalité des chances entre les différents sexes.

Aviez-vous les mêmes préoccupations que les maïeuticiens ?

À partir du moment où nous avons le même champ d’action, il y a forcément convergence de ce point de vue. Nous attendons qu’ils prennent service après leur affectation pour constater d’éventuels problèmes spécifiques.

En tant que première responsable du syndicat national des sages-femmes et maïeuticiens de Côte d’Ivoire, quelles sont les informations qui vous parviennent par rapport aux réactions des femmes enceintes qui seront assistées par les maïeuticiens ?

C’est vrai qu’ils n’ont pas encore pris service, mais il y a quelques appréhensions quant à l’acceptation et à l’intégration de ces hommes dans certaines communautés. Il y a des conjoints qui sont sceptiques. Il se profile aussi des conflits générationnels. Il y a des femmes qui estiment que certains maïeuticiens sont trop jeunes. Un autre problème est lié au statut socio-culturel. Il y a une mauvaise perception de la présence des hommes en salle d’accouchement ou de consultations post-natales. Mais cela va vite se régler, car en réalité, la présence de gynécologues et d’obstétriciens dans nos maternités étant déjà dans nos habitudes, les populations finiront par s’adapter et nous pensons que les maïeuticiens feront tout pour se faire accepter.

Les hommes sont-ils intéressés par ce métier depuis que son exercice leur a été autorisé ?

Dans une certaine mesure oui, l’adhésion des hommes reste encore assez faible et nous les encourageons à nous rejoindre sans a priori.

Les sages-femmes sont accusées à chaque fois qu’une femme décède en couche pour des raisons diverses. Que faites-vous en tant qu’organisation syndicale pour redorer le blason des praticiens que vous êtes ?

Nous avons une série d’activités dans ce sens. Il y a d’abord, la sensibilisation des membres sur les bonnes pratiques et la formation continue des membres par des coachings. Nous initions également le renforcement de capacités des membres dans les sections syndicales de base du SYSAFCI. Ce renforcement de capacités est doublé d’une politique d’orientation et de développement personnel des membres pour une prise de conscience et de bonnes pratiques professionnelles. À tout cela, s’ajoute le développement de la crédibilité et du professionnalisme de la communication interne à travers des canaux de communication spécifiques. Et enfin, la célébration des meilleures sages-femmes pour créer une saine émulation au sein de la corporation.

Quelles sont les données de la mortalité des femmes en couche en Côte d’Ivoire ?

Selon les dernières enquêtes officielles, il y a une baisse de la mortalité à 315/100.000 naissances vivantes (EDS 2021). Mais nous estimons que nous pouvons encore faire mieux, car aucune femme ne devrait mourir en donnant la vie. Beaucoup de morts sont évitables et nous nous engageons à apporter l’appui nécessaire en vue d’améliorer cet indicateur.

Quel est le rang de la Côte d’Ivoire comparé aux autres pays de l’Afrique subsaharienne ?

Cette année 2023, la Côte d’Ivoire occupe la 28e place.

La coordination des syndicats de la santé (Coordisanté) a annoncé une grève dans les hôpitaux publics pour exiger l’application de la loi portant réforme hospitalière.  Etes-vous concernées par ce débrayage ?

Le SYSAFCI, à l’issue de son dernier congrès, a décidé de maintenir la lutte active comme stratégie syndicale. Le SYSAFCI, membre de la COORDISANTE, s’engage par conséquent à toute action de nature à améliorer les conditions de vie et de travail de ses membres.  Nous avons depuis l’adoption de cette loi en 2019, fait toutes sortes de négociations, de lobbyings, de plaidoyers, de menaces de grève pour la mise en œuvre. Nous avons montré patte blanche, nous sommes à bout.

Quels sont les défis qui vous attendent et les difficultés auxquelles vous êtes confrontées au quotidien ?

Il y a des défis à relever. Nous entendons contribuer à la prise en compte effective du système LMD par le changement de statut de l’INFAS en Institut Supérieur ; l’amélioration des relations entre syndicats du secteur santé pour une synergie d’actions ; une collaboration plus étroite entre le SYSAFCI et la société civile, les associations du secteur santé et la mise en œuvre des mesures de motivation pour fidéliser le personnel du secteur santé.

Mais à côté des défis à relever, nous avons de réelles difficultés qui portent entre autres sur la dégradation des conditions de travail et de vie et la baisse du pouvoir d’achat et les inégalités sociales.

 

Ernest Famin

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