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Interview/Dr Kazon Aubin (nouveau SG de la CNEC) :« Nous allons revoir notre méthode de lutte »

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Le nouveau Secrétaire général de la CNEC veut rompre avec le syndicalisme radical à l’université. (Photo : EF)
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Depuis le 14 mai 2022, Dr Kazon Diescieu Aubin préside désormais aux destinées de la Coordination nationale des enseignants du supérieur et chercheurs (CNEC). Il remplace à ce poste, le Professeur Johnson Zamina. L’Avenir l’a rencontré. De la réforme de l’enseignement supérieur, aux revendications des enseignants et l’affaire des Docteurs non recrutés, Dr Kazon Aubin donne sa position et décide de rompre avec le radicalisme qui caractérisait son successeur Johnson Zamina. 

Vous êtes le nouveau secrétaire général de la CNEC. Quelles sont vos priorités ?

Nous sommes arrivé à la tête de la CNEC dans la continuité des pas du Prof Johnson Zamina. Cependant, en tant qu’intellectuel, nous avons une touche particulière que nous voulons imprimer à la marche de la CNEC. Nous avons fait tout notre parcours syndical dans l’enseignement supérieur au sein de la CNEC. Nous avons été un acteur très actif de cette organisation. Nous allons nous appuyer sur cette expérience pour revoir la marche de notre syndicat.

 En quoi faisant ? 

Nous voulons réorienter nos méthodes de revendications, parce que nous avons été des acteurs et nous savons ce que nous avons fait. Fort de cette expérience, nous ne voulons plus revivre ce que nous avons fait.

 

Avez-vous des regrets ?

Nous voulons avoir un syndicat plus responsable, nous voulons un syndicat entièrement au service des enseignants du supérieur et chercheurs.

C’est donc la rupture d’avec le Prof Johnson qui était considéré comme radical dans sa lutte ?

La CNEC, depuis ses premiers dirigeants, a toujours été un syndicat de combat à travers ses instruments que sont la grève, les motions, les déclarations, etc. Mais désormais, nous voulons revoir cette méthode. Raison pour laquelle je vous disais que nous voulons imprimer notre vision, mais toujours dans la continuité de la lutte.

 

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Soyez plus précis…

Je veux dire que nous n’allons pas abandonner la lutte. Seulement que le tout sera dans la démarche. Nous allons insister sur le dialogue en revoyant la manière de poser les problèmes. Il faut faire en sorte que les autorités trouvent de l’intérêt à nous accompagner, au lieu de toujours demander les augmentations de salaire, des primes, etc. C’est vrai que le salaire et les primes ne sont pas suffisants pour nous, étant entendu qu’ils ne sont pas à la hauteur des diplômes que nous avons. Mais, nous allons travailler à notre niveau pour revoir les fondements de l’action syndicale.

                                                                    

Donc, une remise en cause des anciennes méthodes ?

À un moment donné, vous aviez entendu parler de deux CNEC. Cela veut dire qu’il y a eu beaucoup de dissensions entre nous. Autant de raisons pour lesquelles nous voulons revoir la fondation de notre maison pour revenir à la solidarité et à la fraternité qui avaient régné en notre sein. Vous verrez que lorsque cette fondation sera solide, la maison que nous allons bâtir sera très solide. Après la consolidation de nos bases, nous allons chercher à nous former.  Parce qu’être enseignant du supérieur, ne veut pas dire qu’on maîtrise le syndicalisme. D’où l’importance des programmes de formation pour nos membres.

En dehors des formations, nous allons chercher à entreprendre des partenariats avec des organismes internationaux et revoir également nos partenariats avec les banques et les sociétés d’assurance. Nous voulons faire en sorte d’être autonomes. Nous voulons montrer aux autorités que nous apportons le développement. Et à partir de ce moment, lorsque nous allons faire des revendications, nos autorités seront plus attentives à nos doléances. 

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À vous entendre, vous démontrez que vous aviez trainé beaucoup de faiblesses ?

Cela est clair. Nous avions passé tout notre temps, ces 10 dernières années, à demander les augmentations de salaire et les primes. Au point que les autorités ont tendance à croire que l’enseignant du supérieur n’est pas productif et n’apporte rien au développement, alors que c’est nous qui formons ceux qui apportent le développement. Mais pourquoi ne pas engager la réflexion pour trouver en notre sein, des moyens pour apporter le développement.

 

Vous annoncez des activités, alors qu’il y a trois mois que vous êtes à la tête de l’organisation et depuis, rien. Qu’est-ce qui ne va pas ?

Oui, nous n’avons mené aucune activité pour le moment. Parce que nous sommes en train de préparer notre séminaire de plan d’orientation stratégique pour les trois ans de notre mandat. Ce séminaire qui aura lieu en septembre, va tracer les sillons de notre politique.  Ce séminaire va inclure autant les autorités universitaires, notre ministère de tutelle, les hommes d’affaires et le patronat.

 

Qu’est-ce que le patronat vient chercher dans une affaire de syndicat de l’enseignement supérieur ?

Nous voulons que le patronat vienne nous aider. Nous avons des compétences et nous allons leur dire ce que nous pouvons faire pour eux. Nous allons leur demander leurs besoins en termes de profils de formation au niveau de la formation universitaire, en tenant compte de nos compétences. Nous allons faire des mises à niveau au niveau des enseignants. Lorsque nous allons procéder ainsi, l’État saura que nous sommes un syndicat sérieux.

 

Le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique a fixé une rentrée universitaire unique pour le 03 octobre 2022. Pensez-vous que cela est tenable ?

Depuis son arrivée à la tête de ce département ministériel, le ministre Adama Diawara tente de normaliser les années universitaires. Et tant bien que mal, tous les responsables des universités essaient de suivre la cadence du ministre. Nous estimons que c’est ce qu’il faut pour éviter la cacophonie. Lorsque les universités ivoiriennes ne sont pas classées parmi les meilleures, il faut également chercher les causes dans la manière dont fonctionnent nos rentrées universitaires. Pour vous dire que nous saluons cette décision de rentrée unique, mais cela ne suffit pas.

 

Pourquoi ?

Le lancement de la rentrée universitaire unique doit s’accompagner de mesures afin de permettre aux universités de respecter tous les délais fixés. Il y a un manque d’infrastructures dans nos universités et un manque d’enseignants également. Il ne faut pas donner l’impression que c’est un discours politique. Je vous donne un exemple : en pleine année universitaire, pendant que des étudiants sont en train de faire cours, d’autres sont à la maison pour manque de salle. Et tant que le schéma sera ainsi, il sera très difficile d’uniformiser les rentrées. Il faut aussi recruter les enseignants.

 

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Parlant d’enseignant. Il y a cette affaire de docteurs non recrutés qui a défrayé la chronique. Certains parmi eux, pour exprimer leur mécontentement, ont brulé leur thèse. Quelle est la position de la CNEC ?

Moi, en tant qu’enseignant, leur geste m’a un peu choqué. Je suis choqué parce que la thèse est le fruit de tout ce que vous avez dans la tête. À supposer que vous soyez recruté après avoir brulé votre thèse, quelle image voulez-vous que les gens retiennent de vous ? Il est vrai qu’ils ont des difficultés à être recrutés, parce que l’État recrute en fonction de l’enveloppe budgétaire qui est prévue. Donc, l’État ne peut pas faire autrement que ce qui est prévu.

 

Voulez-vous signifier que ces docteurs font mauvaise route ?

En tant que syndicaliste, je ne suis pas contre le fait qu’ils manifestent. Mais, c’est le contenu des manifestations qu’il faut revoir. Ils peuvent manifester, mais ils doivent se mettre à la hauteur du diplôme qu’ils ont et qui leur permet de demander au Président de la République d’être regardant sur leur situation. Quand on porte la toge et qu’on se rend au marché, allez-y comprendre quelque chose. Je comprends leur désarroi, mais nous sommes tous passés par cette étape.

 

Que leur conseillez-vous ?

Ils peuvent faire un plaidoyer auprès des autorités pour qu’à titre exceptionnel, un décret présidentiel soit pris pour leur intégration. Mais tant que cela n’est pas fait, ils doivent se conformer à l’enveloppe budgétaire. Les docteurs qui sortent des universités, il y en aura tous les jours et il sera difficile pour l’État d’apurer d’un trait, le panier.  

 

Certains reprochent à ces docteurs de ne pas se réinventer en s’intéressant à l’entrepreneuriat. Êtes-vous de cet avis ?

Soyons clairs, la formation qu’on reçoit à l’université, ne nous permet pas d’être des entrepreneurs. On peut être imaginatif, chacun dans son domaine peut faire ses « gombos ».  Ils peuvent demander à l’État par exemple, de les recruter, mais en les mettant à la disposition de la fonction publique pour réduire le nombre. Il leur appartient de faire ce genre de propositions, mais avec la manière. L’image que les gens donnent en manifestant, va très loin avec les réseaux sociaux et cela peut irriter les gouvernants. Comme conseil, que ces docteurs sachent qu’il ne faut jamais effrayer celui doit trouver la solution à ton problème. Il faut toujours le rassurer. Il faut montrer à l’autorité qu’elle peut vous aider au lieu qu’elle soit sur la défensive.

            

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