Après plus de 10 ans d’exil au Togo, Chérif Mamadou est rentré en Côte d’Ivoire en 2012. Président du Comité de pilotage pour le retour et la réinsertion des réfugiés en Côte d’Ivoire, celui qui était le président des réfugiés ivoiriens au Togo, s’est prêté aux questions de L’Avenir, après la déclaration de fin de statut de réfugié pour les Ivoiriens.
Le 30 juin 2020, dans quelques jours, les Ivoiriens à l’extérieur ne pourront plus bénéficier du statut de réfugiés. Que pensez-vous de cette décision ?
C’est une bonne nouvelle. Elle colle à une réalité indiscutable. Et je crois que cela permettra de redorer davantage, l’image de notre pays. Aujourd’hui, en tant qu’ancien exilé revenu au pays et président du Comité de pilotage pour le retour et la réinsertion des réfugiés en Côte d’Ivoire, je puis vous assurer que notre pays a rempli toutes les conditions pour que personne ne s’exile ou ne reste en exil.
Mais il y a tout de même des réfugiés qui se plaignent de cette décision…
Je dirai plutôt qu’il s’agit de certains hommes politiques ou une partie de la classe politique qui perd désormais, une partie de son fonds de commerce. Certains ont besoin de maintenir les réfugiés à l’extérieur pour que cela leur donne des arguments sur les plateaux de télévision, en vue de tenter de confondre le régime en place.
Croyez-vous vraiment que personne n’a raison de s’inquiéter de revenir en Côte d’Ivoire ?
Tous les acteurs politiques de premier plan sont rentrés. Ils sont tous représentés à l’Assemblée nationale. Et je ne vous parle pas de la situation sécuritaire qui s’est améliorée. Beaucoup citent aujourd’hui la Côte d’Ivoire comme un bon exemple en termes de stabilité et de bonne gouvernance. Je crois que la Côte d’Ivoire ne mérite plus d’avoir son nom inscrit sur la liste des pays qui ont des réfugiés dans le monde. Cette décision du HCR, donc des Nations unies, est une bonne décision, parce qu’aucune raison ne justifie encore aujourd’hui, que des Ivoiriens refusent de revenir dans leur pays. Je crois qu’il était temps que cette décision soit prise. Personnellement, je pense qu’elle tombe un peu même en retard.
Pensez-vous qu’elle pourrait être prise plus tôt ?
La décision aurait pu être prise plus tôt, parce que le Président de la République, Alassane Ouattara, après sa prise de pouvoir en 2011, a fait du retour au pays des exilés ivoiriens, son affaire personnelle. On se souvient, alors que j’étais encore à Lomé où il s’était rendu au Togo, il a demandé à tous les Ivoiriens qui se trouvaient dans la sous-région de revenir au pays. Il nous a reçus. Il faut noter qu’il ne s’agissait pas seulement des réfugiés de la crise postélectorale de 2011. Il s’agissait de tous les réfugiés des crises ivoiriennes. Il avait rassuré que tout le monde avait sa place dans le pays.
À cette occasion, chacun a formulé ses préoccupations et c’est comme ça qu’il a donné la garantie de veiller à la réussite de ce processus de retour au pays. Un comité de pilotage pour le retour et la réinsertion des réfugiés a ainsi été mis en place. Et ce comité dont j’étais le président, avait en son sein, les représentants de toutes les structures impliquées dans le processus. Nous avons travaillé de concert avec les Ministères des Affaires étrangères, de la Solidarité et de la Cohésion sociale, l’ADDR (Agence pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration), les guides religieux, les représentants des partis politiques, les associations des victimes des crises... C’est ainsi que l’on a assisté à plusieurs convois de retour du Togo, du Ghana, du Libéria… Et aujourd’hui, comme moi, tous les réfugiés qui le souhaitaient, sont revenus.
Quand êtes-vous rentré ?
Comme je l’ai, il y a eu plusieurs vagues. Je suis rentré officiellement en 2012, mais en ma qualité de président des réfugiés du Togo et président du comité de pilotage, je suis resté en contact avec les frères qui ne sont pas venus tout de suite. Ils avaient besoin d’être rassurés. Certains évoquaient des questions de sécurité, d’autres mettant en avant, leur réinsertion. Et progressivement, toutes ces questions ont été prises en compte par les autorités ivoiriennes. C’est le lieu pour moi de rendre hommage au président de la République pour avoir porté ce travail. Je veux particulièrement rendre hommage à la ministre Mariatou Koné qui, d’abord, à la tête du Programme national de cohésion sociale (PNCS), puis du ministère en charge de la Solidarité et de la lutte contre la pauvreté, a joué un rôle important pour l’intégration des ex-réfugiés qui sont revenus au pays. Je n’oublie pas la ministre Kandia Camara, à l’époque, ministre de l’Education nationale. Nous avons vu son implication personnelle dans l’intégration dans le système éducatif ivoirien, des enfants ivoiriens nés dans des pays d’accueil. Il y a également Fidèle Sarassoro, coordinateur de l’ADDR. Son action a été déterminante pour convaincre beaucoup de nos frères qui avaient pris les armes à regagner leur pays.
Pourquoi, selon vous, certains n’ont pas accepté de revenir ?
Évidemment, certains ne veulent plus revenir s’établir en Côte d’Ivoire, parce qu’ils ont fondé des foyers ou se sont insérés économiquement dans des pays d’accueil. Au Ghana, Togo, certains de nos frères et sœurs se sont mariés sur place. Ils y ont des enfants avec des nationaux de ces pays et y gagnent bien leur vie. Certains d’entre ces personnes continuaient de bénéficier du statut de réfugiés. Ce qui n’est pas normal. Et je crois que ce sont les chiffres de ces derniers qui font penser que la Côte d’Ivoire compte encore des réfugiés.
Ténin Bè Ousmane