L’affaire fait grand bruit sur les réseaux sociaux. Lacina Silué, vigile à G4S, une entreprise de sécurité privée, est menacée de renvoi par son employeur. Cette menace fait suite à une interview qu’il a accordée à la chaîne de télévision Lifet TV dans le cadre d’un reportage sur la galère des vigiles. Dans cette interview, il fait des révélations sur cette affaire.
Vous êtes au centre d’une affaire qui défraie la chronique, suite à votre réaction sur la chaîne de télévision Life TV portant sur les conditions de vie des vigiles. Depuis, une menace de renvoi est engagée contre vous. Où en sommes-nous ?
J’ai été interviewé lors d’un reportage et j’ai fait des révélations. Mais ce que mon employeur me reproche, c’est que j’étais en tenue avec le logo de l’entreprise bien visible. J’ai reçu une demande d’explications à laquelle j’ai répondu. Malgré mes explications, une procédure de licenciement a été engagée contre moi. L’inspection du travail de Cocody vallon est saisie de cette affaire pour statuer. Mais quelle que soit la décision de l’inspection du travail, je serai renvoyé.
À quel titre avez-vous accepté d’accorder l’interview à la chaîne de télévision ?
J’ai accepté d’abord en tant que syndicaliste LRS G4S (Le renouveau Syndical G4S) et ensuite en tant que gardien.
Ton employeur a-t-il été informé avant d’accorder l’interview ?
Non ! Je n’avais pas besoin d’informer mon employeur, d’autant plus que c’est une activité syndicale que je mène en dehors de l’entreprise. Je n’avais pas besoin de l’informer. Par contre, ce n’est pas contre mon employeur que j’ai participé à ce reportage. Mon intervention était plutôt dirigée contre l’ensemble des sociétés de gardiennage en Côte d’Ivoire. Pour ce qui est de la tenue, je ne me suis pas arrêté expressément avec la tenue. Étant de passage, je ne peux savoir ce qui se passe derrière moi. Je ne pense pas que la chaîne de télévision l’a fait sciemment, puisque l’émission n’était pas contre une entreprise, mais contre les sociétés de gardiennage.
Qu’est-ce que vous savez de la réalisation de cette émission ?
C’est moi qui ai suscité ce reportage. Je suis allé vers ce média pour lui faire savoir qu’il y a une concurrence déloyale au sein des entreprises de sécurité. L’objectif recherché, c’était la lutte contre la concurrence déloyale, et non de jeter le discrédit sur une entreprise quelconque. Les agents de sécurité vivent dans la misère la plus totale, et nous avons voulu alerter l’opinion nationale et internationale sur cette réalité. J’ai été filmé de dos, mais pas de face.
Comment les organisations syndicales du secteur de la sécurité gèrent cette affaire ?
Il faut dire qu’il y a quelques syndicats qui m’ont prêté une main forte. Cependant, ce que je voudrais relever, c’est que dans notre corps de métier, toutes les organisations syndicales sont à la solde du patronat.
Comment ?
Le syndicalisme est devenu un business. Les responsables syndicaux se font des sous sur le dos de la misère des employés. Dites-moi ce que les syndicats ont fait pour nous ? À part le 01 mai lors de la fête du travail, nous ne savons pas à quoi servent les centrales syndicales. Les centrales syndicales sont là pour la subvention de l’État.
Mais pour votre cas, avez-vous approché les centrales syndicales pour des négociations avec ton employeur ?
Personnellement, je garde mon calme. J’ai été déjà victime en 2005 dans une entreprise où je travaillais. En tant que syndicaliste, la centrale syndicale à laquelle mon syndicat était affilié, n’a rien fait. Elle m’a plutôt fait balader. Cela, pour vous dire que je n’ai pas confiance aux centrales syndicales, parce que j’estime qu’elles sont corrompues par le patronnant ivoirien. Elles font plutôt le jeu du patronat ivoirien au lieu de défendre les intérêts des salariés.
Votre entreprise a engagé une procédure de renvoi. Si cela se confirmait par la suite, allez-vous regretter votre acte ?
Je ne regrette absolument rien. Je suis très fier de mon acte. Si c’était à refaire, je suis prêt à recommencer. Parce qu’il faut quelqu’un pour dire que ça suffit. Ce combat pour le lequel je me suis engagé, est une mission divine. Je suis heureux pour le scandale que cela fait sur les réseaux sociaux. Je suis heureux d’être le porte-voix des sans voix. Quand on est syndicaliste et qu’on a peur, autant quitter le syndicalisme. Ce que j’ai posé comme acte peut me conduire en prison, ça peut même provoquer ma mort, parce que je me suis levé contre près de 800 entreprises de sécurité privée. Le syndicalisme est un serment divin.
Vous affirmez ne rien regretté. Or, il nous revient que vous faites des démarches auprès de certaines autorités politiques pour leur demander de plaider pour votre cas, en vue de votre maintien chez votre employeur. Que répondez-vous ?
J’ai approché des parlementaires. Je suis allé rencontrer à son cabinet à Tiassalé, le député Assalé Tiémoko, non pas pour lui demander de négocier mon cas, mais pour lui exposer le cas général de la situation des gardiens. J’ai rencontré aussi des acteurs de la société civile tels que Samba David et Pulchérie Gballet. Ce n’est pas pour mon cas personnel que je l’ai fait, mais pour la cause générale de tous les employés de société de gardiennage. Je mène ce combat parce que nos syndicats ont démissionné.
Pourtant, vous avez une faitière qui est le Syndicat national des agents de sécurité de Côte d’Ivoire (SYNASCI) ?
S’il vous plaît, ne me mêlez pas à ces histoires de syndicat. J’ai milité dans ce syndicat, mais très tôt, je me suis retiré. Ce syndicat national a trop de limite. Le syndicat a été créé pour tout, sauf pour la défense des droits des agents de société de gardiennage. Je connais l’esprit qui anime le premier responsable de ce syndicat. Je mène mon combat en dehors du syndicat, un jour l’histoire me donnera raison.
Ernest Famin