Société

Reportage/Fête des mères: Au cœur de l'amertume des orphelins

reportage-fete-des-meres-au-coeur-de-lamertume-des-orphelins
PARTAGEZ

Célébrer les mamans est désormais, une institution. Cette célébration est fortement ancrée dans les modes de vie des populations qui y attachent du prix. Les orphelins de mère, dans cet élan général de joie, n’y ont pas affiché le même intérêt.

 

La mère, porteuse de vie, était à l’honneur au cours de la journée du dimanche 29 mai 2022. Et pour cause, cette journée était dédiée à la fête des mères. Dans les médias classiques, tout comme sur les réseaux sociaux, de nombreuses émissions, publications ou publicités, étaient consacrées à cette fête des mères. Dans des quartiers, les communautés chrétiennes, des festivités ont été organisées pour marquer cette journée en l’honneur des mères. Cela, à travers des dons divers, des repas, des parties de danse, etc., mais de nombreux orphelins se sont sentis très peu portés par cette ambiance festive. Cette situation s’explique par de de nombreuses raisons. Pour certains, la commémoration de cette journée réveille des souvenirs douloureux et plonge dans la tristesse, témoigne Doukessi Esaïe Roméo, un pasteur ayant perdu sa génitrice étant étudiant : « Ce n’est pas du tout facile, parce que la présence de la mère n’est pas la présence du père. Ce matin (Ndlr dimanche 29), j’ai communiqué avec trois sœurs en Christ qui n’ont plus leurs mamans avec elles. Elles étaient toutes en pleurs. Quand cette journée approche, à la veille de la célébration, ce sont des pleurs, parce qu’il y a cette hantise de savoir que dans quelques heures, les autres vont célébrer leurs mamans, pendant que ta mère n’est plus », s’est désolé ce pasteur. Pour ce dernier, célébrer la fête des mères sous la forme festive, est difficilement supportable, d’autant plus que pour lui, la disparition de la maman, pilier de la maison, selon les écritures saintes, enlève toute saveur à cette journée. « Au regard de la Bible, les écritures saintes enseignent que la femme sage bâtit la maison. Cela veut dire que c’est la femme qui construit la structure de la maison, de la famille. Nous autres qui sommes orphelins depuis longtemps, on ne peut que regarder les autres. On n’a ce regret, cette amertume qu’on n’exprime pas. Chaque fois que cette fête arrive, nous nous sentons lésés, quand bien même nous donnons l’impression d’être contents. Nous n’en voulons pas aux autres dont les mamans vivent, mais nous nous sentons lésés. Cette journée nous rappelle le jour où maman nous a quittés ».  

 

Le seul réconfort pendant cette fête

 

Il y a un réconfort lié à la célébration de la fête des mères, au-delà de tout le folklore qui l’entoure, a soutenu Doukessi Roméo. Pour lui, sa foi religieuse protestante évangélique enseigne que les morts sont morts. Se rendre sur la tombe de sa mère ou faire des prières, à la différence des catholiques ou les musulmans, n’est pas le plus important. Le plus important, ce qui constitue sa véritable joie lors de cette fête, c’est que sa mère, depuis son départ du commun des mortels, séjourne au paradis. « Quand cette fête arrive, nous croyons que maman repose en paix auprès du Père céleste. Et quand on y pense, cela nous donne du réconfort, parce qu’elle est dans les bars du Seigneur. C’est vrai que physiquement, elle n’est pas là, mais spirituellement, nous sommes réconfortés », s’est-il réjoui.

La célébration de cette journée dans une atmosphère de joie, n’a pas également été le cas pour Bema Coulibaly, agent dans une entreprise de téléphonie mobile à Sinfra. Il dit avoir passé un moment de tristesse en raison de tout ce qui se tramait autour de la fête. « C’est mélancolique. À chaque fois que je vois une publication, un clip ou une émission en rapport avec la fête des mères, ou des emballages de cadeaux, cela me rend un peu triste, parce que je ne peux pas faire comme eux », a-t-il regretté. Toutefois, père de famille vivant avec une femme et des enfants, Bema Coulibaly ne souhaitait pas entretenir la douleur liée au décès de sa mère, il y a une dizaine d’années, pendant l’événement. Comme solution, il s’est confié à son épouse, pour dit-il, partager de la joie dans sa famille : « Je me suis rabattu sur ma femme qui est la mère de mes enfants pour partager un peu d’amour autour de moi. J’ai fait l’effort de ne pas trop m’attarder sur la tristesse. Chez nous les musulmans, la mère est célébrée tous les jours, on n’attend pas de jour particulier, mais vu que c’est une tendance générale, on faisait dans la tendance du vivant de la mère. »

 

À fond dans la fête malgré tout

 

S’il n’a jamais vécu avec sa mère et l’a connue un peu plus tard en classe de terminale, avant qu’elle ne décède en 2005, Joël Dailly, journaliste, ne s’est pas apitoyé sur sa situation d’orphelin de mère. Pour avoir bénéficié de l’éducation de plusieurs femmes autre que sa mère biologique, Joël Dailly estime que cette fête offre l’occasion de célébrer, comme il se doit, celles auprès de qui il a grandi. « J'ai été éduqué par plusieurs femmes, mais principalement, par une femme sénoufo que je considérais comme ma mère, parce qu'elle vivait avec mon père. J'ai une histoire de vie qui fait que je n'ai véritablement pas connu l'affection maternelle. Mais, j'ai toujours été reconnaissant envers toutes ces mamans qui m'ont élevé, m'ont hébergé. En plus des cadeaux, je leur ai offert un copieux déjeuner », a fait savoir cet homme de média qui regrette tout de même, que sa mère ne soit plus de ce monde. « J'aurais voulu que ma maman bénéficie de toutes ces attentions. Elle me manque, mais j'ai foi que de là où elle est, elle prie pour moi et veille sur moi.  Je voudrais lancer un message à l'endroit de tous ces orphelins qui, comme moi, coulent certainement des larmes pendant cette fête, qu'ils sachent qu'en toute femme, il y a une mère. »

 

Ernest Famin

Newsletter
Inscrivez-vous à notre lettre d'information

Inscrivez-vous et recevez chaque jour via email, nos actuaités à ne pas manquer !

Veuillez activer le javascript sur cette page pour pouvoir valider le formulaire