Société

Reportage/ 11 ans après la crise postélectorale de 2011: La vie a repris à Duékoué-Carrefour !

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Le quartier Diagne Bernard de Duékoué dit « Duékoué-Carrefour » a enregistré plusieurs morts pendant la crise postélectorale de 2011. Onze ans après cet évènement douloureux, « L’Avenir » est allé voir cette cité martyre.

 

Le quartier Diagne Bernard de Duékoué, communément appelé « Duékoué-carrefour », est l’un des quatorze quartiers de cette ville qui a payé un lourd tribut à la crise postélectorale de 2010-2011. Pour la seule ville de Duékoué, les Nations Unies ont dénombré plus de 800 morts dans cette crise et le quartier carrefour qui regorge en majorité des autochtones Wê, a été touché de plein fouet.  Onze années après cette guerre militaro-civile qui a opposé plusieurs groupes armés dont les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), des miliciens, des communautés autochtones, allochtones et allogènes, « l’Avenir » est revenu au cœur de ce quartier tristement célèbre au plan national et même au-delà. Le jeudi 07 avril 2022, alors que Laurent Gbagbo, l’ancien Président de la République était attendu le lendemain vendredi 08 avril 2022 pour une visite dite de compassion aux victimes, nous nous sommes rendus à Duékoué-Carrefour. Il est un peu plus 10H et demi, quand le véhicule qui nous transportait s’immobilisa à quelques mètres de l’entrée de ce quartier. Après quelques renseignements auprès d’un jeune convoyeur qui exerce au sein d’une gare de fortune en face du quartier Carrefour, nous voici à l’intérieur de cette cité aux allures de village. Une voie principale non bitumée traverse le quartier avec de part et d’autre, des concessions plutôt traditionnelles, des commerces et des bistrots.  Certains jeunes sont occupés à remblayer cette voie principale du quartier (en prélude à la visite de Laurent Gbagbo), pendant que d’autres, par petits groupes, dansent devant des maquis de fortune du quartier. C’est parmi ces derniers que nous trouvons enfin, un interlocuteur après le refus plutôt poli des trois premiers que nous avions accostés pour étancher notre soif d’informations sur Duékoué-Carrefour. Notre interlocuteur, un jeune homme, d’une vingtaine d’années qui dit se prénommer Jean-Paul, avoue n’avoir que de vagues souvenirs sur la crise de 2010 à Carrefour, puisqu’il n’avait que 10 ans à l’époque des faits et qu’il avait trouvé refuge avec ses parents dans un autre quartier de la ville. « Ce que je sais, c’est que la guerre est derrière nous et ici à Duékoué-Carrefour, les gens ont réappris à vivre dans la joie. Vous voyez vous-mêmes qu’il y a des bistrots çà et là », a affirmé Jean-Paul. Comme Jean-Paul Olivier, un quadragénaire qui était assis avec d’autres jeunes du village devant la stèle dédiée aux victimes, nous explique, tout excité, que « la seule actualité qui prévaut au quartier en ce moment, c’est la visite de Laurent Gbagbo. Il vient mettre fin à notre deuil », a-t-il estimé, esquissant des pas de danse au son d’une musique du terroir Wê, visiblement ivre et allant dans tous les sens. Nous mettons fin à notre échange avec Olivier en lui demandant néanmoins de nous conduire chez le responsable de la jeunesse de Duékoué-Carrefour. Après quelques hésitations, il se résout à nous indiquer le domicile d’Ange Taho, la présidente de la jeunesse de Duékoué-Carrefour.

 

« Nous sommes prêts à aller à la réconciliation »

 

 Nous continuons ainsi notre parcours sur la voie principale du quartier jusqu’au domicile de la présidente de la jeunesse qui nous accorde un entretien sans grande difficulté. « Nous sommes prêts à aller à la réconciliation. Ceux qui sont morts, on ne peut plus leur redonner la vie. Mais le problème aujourd’hui, c’est que les jeunes qui étaient à la charge de leurs parents, il y a beaucoup d’entre eux qui ont été obligés d’arrêter les études et ils sont là. Donc, il faut régler le problème de l’indemnisation des victimes de Carrefour et voir comment prendre ces jeunes en charge sous l’angle de leur autonomisation. Vraiment, ce sont ces questions qui sont primordiales pour nous », a indiqué Ange Taho. Poursuivant, elle a révélé cependant un gros problème d’insécurité dans ce quartier, dû en partie, au chômage de la plupart des jeunes de Duékoué-Carrefour. « (…)  Et c’est ce qui fait qu’on dit qu’à Carrefour aujourd’hui, il y a l’insécurité. C’est un problème dans lequel nous sommes depuis 10 ans. Les jeunes souffrent », a-t-elle regretté. En outre, Ange Taho qui dit avoir elle-même à sa charge, plusieurs mutilés et victimes de cette crise, a plaidé pour la prise en charge de ces derniers, ainsi que l’autonomisation des femmes veuves. « Hormis les problèmes d’emplois, il y a aussi le cas des jeunes femmes qui sont devenues veuves. Elles sont aujourd’hui cheffes de ménage », a insisté Mme Taho.  « Duékoué-Carrefour » et « Kôkôman » sont les deux quartiers de Duékoué ayant enregistré le plus de tueries pendant la crise postélectorale de 2010-2011 qui a fait officiellement 3000 morts dans le pays.

Lahassana Barro, envoyé spécial à Duékoué

 

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