Selon une étude financée par l'UNICEF et réalisée par le ministère de l'Éducation nationale ivoirien, 40.187 enfants handicapés sont hors du système éducatif. À l’occasion de la célébration de cette journée mondiale de ce 3 décembre dédiée aux personnes en situation de handicap, L’Avenir revisite les actions conduites pour l’intégration effectives de ces enfants.
Le 17 septembre 2015, Alassane Ouattara a signé un décret relatif à la scolarisation obligatoire pour tous les enfants de 6 à 16 ans sur toute l’étendue du territoire national. Cette disposition vient consolider le cadre juridique national en faveur de « l’Education Pour Tous » et renforcer les nombreux efforts pour atteindre le taux de 100% de scolarisation à l’horizon 2030. Le décret sur la politique de scolarisation obligatoire précise que les enfants qui ont des besoins spécifiques, ne devraient pas être exclus de la mise en œuvre de ladite politique. En effet, l’un des défis du système éducatif national comme international est la prise en compte des enfants à besoins spécifiques par les réponses éducatives, notamment ceux en situation de handicap. Selon le rapport mondial sur l’éducation (GEM 2020), le handicap fait partie des principaux obstacles à l’éducation inclusive. Selon ce rapport, des études menées dans 14 pays ont montré que les enfants en situation de handicap représentent 15% de la population non scolarisée.
En Côte d’Ivoire, une étude sur les enfants et adolescents handicapés en dehors de l'école, réalisée par l'Ecole Nationale Supérieure de la Statistique et de l'Economie Appliquée (ENSEA) en 2017, estime qu’environ 48 000 enfants en situation de handicap en âge d’être scolarisés sont hors du système scolaire. Révélant ainsi de multiples barrières constituant un frein à l’insertion de ces enfants dans les écoles classiques. Toute chose qui entrave leur droit à l’éducation.
Il est donc évident que l’objectif de 100% de scolarisation à l’horizon 2030 ne peut être atteint, si le système éducatif ne prend pas en compte les besoins spécifiques des enfants en situation de handicap. Ces enfants sont certes, différents des autres, mais ils ne doivent pas être discriminés.
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698 enfants en situation de handicap bénéficient d’une éducation dans 28 écoles inclusives
En 2018, selon un rapport de Sabine Nguini, responsable de programme senior pour l’Afrique de l’Ouest au Groupe des partenariats éducatifs (EPG), les dépenses de la Côte d’Ivoire en matière d’éducation représentaient 4,37 % de son PIB, alors que la moyenne mondiale était de 4.17%3. Rien qu’au niveau de l’enseignement secondaire, entre 2012 et 2019, les subventions aux écoles privées pour assurer l’enseignement pour tous sont passées de 17 milliards FCFA à plus de 72 milliards FCFA. Pourtant, malgré cet engagement financier considérable du gouvernement, en 2020, jusqu’à 1,6 million d’enfants ivoiriens âgés de 6 à 16 ans n’étaient pas scolarisés. Parmi eux, des enfants en situation de handicap. L’experte fait des recommandations clés pour l’éducation inclusive en Côte d’Ivoire, dans le contexte de la Covid-19.
La prise en compte des besoins spécifiques des enfants en situation de handicap dans les réponses éducatives est un processus qui implique d’importantes réformes dans le mécanisme du système éducatif en vigueur.
Depuis 2013, le gouvernement ivoirien, avec l’appui technique de certaines structures dont l’ONG Société Sans Barrières – Côte d’Ivoire (SWB-CI), met en œuvre, une expérience d’inclusion des enfants en situation de handicap dans les écoles primaires ordinaires. Sanogo Yédê, coordinateur de ce projet, nous explique que « l’expérience d’éducation inclusive en faveur des enfants en situation de handicap vise à développer un outil d’opérationnalisation de la volonté de l’État ivoirien à garantir à chaque citoyen, sans discrimination, un accès égal et équitable à l’éducation de qualité dans la localité où il vit ». Ce projet dénommé : « Education Inclusive en Côte d'Ivoire - promouvoir une éducation inclusive de qualité pour les enfants en situation de handicap » s’inscrit dans le cadre du programme « Education Pour Tous », mené par l’État de Côte d’Ivoire.
De 2017 à 2021, près de 570 millions de francs CFA ont été mobilisés par les bailleurs que sont l’Union européenne et l’ONG internationale chrétienne de développement Christian Blind Mission (CBM) pour que l’école soit effectivement obligatoire pour tous les enfants, y compris ceux qui ont des besoins spécifiques. Ce projet qui promeut le droit des enfants handicapés à une éducation inclusive de qualité dans leurs communautés, est mis en œuvre dans les localités de Yopougon, Abobo, Port-Bouët, Koumassi, Dabou, Agboville, Toumodi, Yamoussoukro, Bouaké, Oumé, Man, Abengourou et Korhogo. Sur la carte scolaire, il a mobilisé 12 directions régionales de l’Éducation nationale, 18 inspections d’enseignement préscolaire et primaire, 28 écoles primaires ordinaires et les structures techniques d’encadrement spécialisé des personnes handicapées. « Aucun enfant n’est en marge du programme de l’école inclusive initiée par le gouvernement ivoirien. L’État a mis en place, une politique qui prend en compte, tous les enfants quels que soient leurs besoins spécifiques », assurait, le 20 octobre dernier, lors de la cérémonie de célébration des pensionnaires admis aux examens à grand tirage session 2021, la secrétaire d’État chargée de la Protection sociale, Clarisse Kayo Mahi. C’était à l’Ecole Ivoirienne des Sourds (ECIS) d’Abidjan-Yopougon.
Pour l’année scolaire 2020-2021, ce projet permet à 698 enfants handicapés moteurs et sensoriels, malentendants et/ou sourds, non-voyants albinos et de petite taille, de bénéficier d’une éducation dans 28 écoles inclusives (481 enfants dont 208 filles), ou dans des classes de préparation en braille ou en langue des signes (207 enfants dont 84 filles). Plus de 230 enseignants dont 108 femmes d’écoles primaires, 125 encadreurs, superviseurs et administrateurs des services éducatifs (dont 30 femmes) et 93 travailleurs sociaux ont été formés à l’accompagnement des enfants handicapés et de leurs familles dans un environnement inclusif.
Sur ces 700 enfants, environ 207 enfants dont 84 filles, sont affectés dans les centres de préparation, 400 enfants dont 176 filles dans les écoles primaires. Les résultats scolaires des enfants en situation de handicap sont encourageants. Il est à remarquer que 81 enfants dont 32 filles ayant fréquenté les écoles inclusives ont été orientés dans les collèges.
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L’impact de la COVID-19
Le contexte de la pandémie mondiale de Covid-19 a mis à rude épreuve, le système éducatif de la Côte d’Ivoire dans sa phase d’expansion et son ambition d’offrir une éducation de qualité à tous les enfants. Aussi est-il impératif que le gouvernement reconsidère son approche du financement de l’éducation, en assurant l’efficacité et l’efficience, en ciblant ceux qui en ont le plus besoin, notamment les enfants en situation de handicap. De grands défis restent à relever, entre autres, l’insuffisance de compétences techniques ; l’inexistence ou l’insuffisance d’écoles préscolaires inclusives, de centres de préparation et d’écoles inclusives ; la méconnaissance des textes qui facilitent l’accès à l’éducation des enfants en situation de handicap par les populations ; la discrimination dans le recrutement des candidats pour intégrer les centres de formation et l’insuffisance d’enseignants formés en langue des signes et d’interprètes dans les établissements secondaires…
Le Forum sur l’Éducation Inclusive en faveur des Enfants en Situation de Handicap tenu du 19 au 20 août 2021 à Abidjan, sous l’initiative de l'ONG Society Without Barriers - Côte d’Ivoire, a permis de faire les recommandations suivantes. Il s’agit entre autres de la prise d’un décret encadrant l’Education Inclusive en Côte d’Ivoire. En plus de l’élaboration d’un Plan National de l’Education Inclusive, le forum propose la mise en place effective et l’opérationnalisation de la plateforme de l’éducation inclusive. Outre cela, les participants ont insisté sur l’intégration de la formation sur le Handicap et l’Education Inclusive dans les centres de formation des formateurs (CAFOP, ENS, IPNEPT, INFS, etc.). Le plus important serait non seulement la prise d’un texte règlementaire pour la reconnaissance officielle de la Langue des Signes et de l’écriture braille comme moyen d’enseignement des Enfants en Situation de Handicap, mais également l’octroi d’indemnité de motivation aux enseignants intervenant dans l’encadrement des enfants en situation de handicap (ESH).
La journée mondiale de ce 3 décembre dédiée aux personnes en situation de handicap est un prétexte pour les gouvernants de revisiter la mise en œuvre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, d’accroître l’accessibilité et de supprimer les obstacles juridiques, sociaux, économiques et autres, avec la participation active des personnes handicapées et des organisations qui les représentent.
Joël Dally