Malgré les opérations de répression que le ministre de la Santé publique a lancée depuis plusieurs années, les points de vente des médicaments de la rue sont toujours aussi prospères.
Il est 19h lorsqu’une dame à la joue enflée, au foulard noué se pointe devant la vendeuse de médicaments du Carrefour 9 kilo de la Riviera Cocody. « Bonsoir Doc. J’ai du mal à manger et à parler à cause de mon mal de dents », explique-t-elle entre des petits gémissements. La vendeuse de médicaments que nous nommerons Aïcha lui a demandé ce qu’elle a pris depuis le matin comme remède, elle lui a fait comprendre qu’elle a pris les antidouleurs qui n’ont fait aucun effet. C’est alors que Dr Aïcha lui a prescrit des médicaments en lui donnant la posologie.
Quelques minutes après, une dame est arrivée avec une blessure à la jambe disant qu’un objet tranchant venait à peine de la déchirer. C’est alors qu’Aïcha lui a fait les premiers soins et lui a remis d’autres comprimés additinnels. La vente des médicaments dans la rue persiste à Abidjan. De Cocody à Yopougon en passant par Abobo, Adjamé et d’autres quartiers de la capitale, les médicaments jonchent les rues.
Installé au carrefour SGBCI de Yopougon, Rose a disposé ses produits dans un panier recouvert d’un pagne de fortune. Cette non-diplômée en pharmacologie, bien qu’elle ne sache pas déchiffrer certaines ordonnances, elle semble être réputée dans le coin. « Elles sont de véritables médecins dans leur quartier. Elles font des consultations sans base et prescrivent des médicaments sans l’accord médical » explique de façon ironique, une infirmière qui a voulu garder l’anonymat.
Selon l’ordre national des pharmaciens de Côte d’Ivoire, de nombreux personnels relevant du domaine de la santé, aussi bien des pharmaciens, des délégués médicaux, des médecins prescripteurs, des laboratoires et des sociétés chargées de la distribution des médicaments ont une responsabilité dans ce commerce illicite. Une situation qui amène plusieurs pharmacies à faire faillite dans ce secteur névralgique. Entre 2015 et 2017, « 385 tonnes de faux médicaments, représentant pour l’industrie pharmaceutique une perte financière de 100 milliards de francs CFA ont été saisies en Côte d'Ivoire».
Selon l'OMS, au moins 100 000 personnes meurent chaque année en Afrique à cause de faux médicaments. Et pourtant, les vendeurs ne semblent pas prendre au sérieux les répressions faites par le gouvernement. La vie continue comme si de rien n’était.
Ces questions seront traitées lors de la 21ème édition du Forum pharmaceutique international prévue du 13 au 16 octobre 2021 à Abidjan à travers des axes des cadres d’échanges pour faire évoluer la politique du médicament en Côte d’Ivoire. Placé sous le thème « Santé des populations: quels enjeux pour les pharmaciens ? », ce colloque doit pouvoir aborder la question de l’industrie pharmaceutique et l’accessibilité des populations aux médicaments.
Joël DALLY