Abidjan, mercredi 12 mai 2021, www.lavenir.ci-Kangouté Maïmouna Fofana est la secrétaire générale des syndicats des sages de Côte d’Ivoire. Dans cette interview, elle revient sur l’affaire de dame Abiba morte en couche à l’hôpital général d’Adzopé.
Une fois de plus, une femme a perdu la vie en couche à Adzopé et votre corporation est pointée du doigt. Comment vivez-vous cette situation ?
Nous sommes peinées parce que lorsque vous apprenez qu'une femme qui allait donner la vie meurt dans de telles circonstances, cela est triste. C'est très pénible pour tout le monde. Je suis personnellement attristée pour son mari, pour ses enfants qui ne verront plus leur mère. C'était une femme très dynamique parce que c'est une femme qui nourrissait beaucoup de personnes puisqu'elle vendait aux abords de l'hôpital. Elle était très bien connue de tout le personnel. Elle a été très bien suivie lors de ses consultations. Malheureusement, comme on le dit chez nous les croyants, on ne peut rien contre la volonté de Dieu. Malheureusement, cette dame est décédée, il nous appartient de faire un véritable bilan de tout notre fonctionnement.
Vous affirmez qu’elle est bien connue du personnel de l’hôpital, comment pouvez-vous expliquer la négligence dont elle a été l’objet ?
Nous devons revoir le fonctionnement de notre système. C'est-à-dire le fonctionnement en termes de personnel, d’infrastructure, d'équipement. Il nous faut marquer une pause et regarder ce qui ne va pas, d'autant plus que ce n'est pas la première fois que des situations pareilles se produisent. À partir du moment où ce n'est pas la première fois, il faut qu'on parvienne à trouver des solutions définitives.
Il se raconte que le drame est arrivé par négligence du personnel médical. Que répondez-vous ?
Lorsque vous êtes amis à une personne, même si vous avez un cœur de pierre et que vous avez l'habitude de réserver un mauvais traitement à tout le monde, vous ne pouvez pas adopter ce comportement à votre ami. Humainement, vous ne pouvez pas être indifférent à l'égard d'une connaissance. Bien au contraire, cette personne bénéficie d'une assistance particulière.
Si cette dame a bénéficié d’une assistance particulière comme vous le soutenez, à qui imputez-vous alors la faute ?
Une chose est certaine, c'est que les enquêtes sont en cours. La justice est en train de faire son travail et elle situera les responsabilités. Nous aussi, à notre à notre niveau en tant que personnel, nous continuons de mener nos investigations. Mais il y a un fait important à relever, c'est que vu l'amitié qui liait la dame et le personnel médical, elle ne pouvait pas être négligée.
Les populations sont inquiètes de la récurrence des femmes qui meurent en couche dans le pays. Comment pouvez-vous expliquer ces situations malheureuses qui continuent de se produire et que peut-on faire pour y mettre fin ?
On peut faire quelque chose. C'est le cas des tables. Il y a des tables qui sont propices pour la surveillance. Avant qu'une dame ne soit admise en salle d'accouchement, il y a des tables qui permettent de l'installer confortablement de façon sécurisée.
Quel est le véritable problème dans votre corporation ?
C'est un ensemble de problèmes. Il y a la question du temps de surveillance lorsqu'une femme arrive qui peut aller jusqu'à 6 h de temps avant son admission en salle d'accouchement. Cela n'est pas possible en Afrique puisque nous sommes en nombre insuffisant. Nous n'avons pas non plus d'autres types de tables pour installer confortablement les femmes.
Vous êtes une structure syndicale et vous travaillez sur des êtres humains. Que faites-vous pour l’amélioration du plateau technique dont vous parlez ?
Sur cette question, notre ministre est ouvert. Il a souhaité qu'on lui fasse des propositions pour qu'on puisse améliorer toute ces défaillances. Nous sommes engagées à aider le ministère pour que les populations soient fières de nous et très heureuses de fréquenter nos structures de santé. Il y a un fonctionnement qui est habituel et lorsque ça ne va pas, personne ne le dénonce et on s'accommode avec. C'est lorsqu'il y a un problème qu'on décrit la situation. Donc nous comprenons la révolte de la population. Il nous appartient de prendre notre bâton de pèlerin pour présenter toutes ces difficultés auxquelles nous sommes confrontées pour que ces difficultés soient levées. Nous ferons en sorte que les populations soient fières de nous. Nous allons sensibiliser afin que si de notre côté, il y a des manquements, afin que les choses changent. Pour les choses qui nous dépassent, nous allons nous référer à l'autorité afin qu'elle nous aide à améliorer les conditions de prise en charge pour que les populations bénéficient des soins de qualité. S'il n’y a pas de population, il n'y a pas d'infirmier, il n'y a pas de sage-femme.
Des membres du personnel médical dont deux de vos collègues ont été mis aux arrêtés. Que prévoyez-vous ?
En tant que structure de défense des intérêts de nos membres, lorsqu'un membre est en difficulté, notre rôle est d'assurer sa défense, notre rôle est de l'encourager et le soutenir conformément à nos textes. Tout le monde doit est mobilisé pour la santé des populations. Nous demandons à nos collègues de mettre en exergue toutes les difficultés auxquelles elles sont confrontées tous les jours dans l'exercice du métier. Il ne faut pas attendre qu'il y ait des dégâts pour dénoncer. Nous demandons aux autres collègues de rester sereins. La justice est en train de faire son travail. Les syndicats font leur travail, le ministère fait son travail.
Réalisée par Ernest Famin