Dernier acteur politique de l’opposition à se prononcer sur une éventuelle candidature d’Alassane Ouattara, le président du FPI, Pascal Affi N’guessan, ne veut guère en entendre parler. « Ce serait un grand risque pour le pays que Monsieur Ouattara soit encore candidat en 2025 », a-t-il alerté l’opinion dans une interview diffusée sur Rfi, le 20 novembre 2024.
Ouattara candidat ? La position d’Affi, Simone et Blé
Quelques jours auparavant, soit le 31 octobre 2024, c’est l’ancien leader des jeunes patriotes, Charles Blé Goudé, qui rejetait, lui aussi, cette éventualité. « Au-delà du président Alassane Ouattara, j’ai toujours pensé qu’il est temps de tourner la page de nos aînés. Il faut qu’ils acceptent de passer la main pour ne pas priver la Côte d’Ivoire de ses atouts, notamment la jeunesse, pleine de vigueur, capable de proposer des idées nouvelles et de rivaliser avec le reste du monde », a-t-il déclaré dans une interview sur France 24.
L’ex-Première dame Simone Gbagbo, n’envisage pas, elle non plus, une candidature de Ouattara. « Si nous regardons nos textes, il n’avait pas déjà le droit d’être candidat en 2020. Aujourd’hui, il n’en a encore moins le droit », a-t-elle argué dans une interview sur France 24, début septembre 2024.
On le voit donc, l’opposition ne veut guère d’une candidature du président du sortant. C’est qu’elle a peu de chance de sortir vainqueur d’une joute électorale qui opposerait ses candidats à Alassane Ouattara. Et cela, pour plusieurs raisons.
Une candidature pare-feu
La première : une candidature du président du RHDP aura l’avantage de fédérer toutes les énergies des responsables politiques de ce parti et de leurs militants en vue de la victoire. Une telle perspective briserait le rêve de ceux qui espèrent voir ce parti désigner un candidat autre que Ouattara avec pour conséquence d’engendrer des mécontentements pouvant conduire à lézarder le parti au pouvoir et ainsi disperser ses forces.
En cas de candidature de Ouattara, l’opposition pourrait donc subir une déferlante RHDP, d’autant que ce parti est solidement implanté à travers tout le territoire national. En témoigne la razzia qu’il a opérée aux dernières élections générales de septembre 2023. A l’occasion, le parti au pouvoir avait remporté 123 communes sur 201 et 25 régions sur 31. C’est dire si, à lui tout seul, il a de réelles chances de triompher de tout candidat de l’opposition. Sans compter que d’ici là, il pourrait tisser une coalition plus large avec l’enrôlement d’éventuels dissidents, transfuges de partis de l’opposition. C’est là la deuxième raison pour laquelle la probabilité d’une candidature de Ouattara fait peur à l’opposition.
D’un pays à terre à une flopée d’infrastructures
La troisième raison et non des moindres, c’est le bilan de toutes ces années de gestion du pouvoir par l’ancien gouverneur de la BCEAO. En effet, Alassane Ouattara peut se targuer d’avoir un bilan qui plaide en sa faveur. Après une quinzaine d’années passées au pouvoir, il a su sortir la Côte d’Ivoire du précipice dans lequel elle a été projetée au lendemain de la guerre postélectorale. Quel contraste entre ce pays dévasté et à terre dont il a hérité après le 11 avril 2011 et celui qu’il est donné de voir 13 ans après ! Quand Ouattara prenait les rênes du pays, l’économie était moribonde ; l’administration publique en charpie, plusieurs édifices publics ayant été dévastés ; plusieurs routes étaient impraticables ou à l’abandon ; le pays était infréquentable du point de vue diplomatique.
Depuis, la Côte d’Ivoire est totalement transfigurée : des ponts et routes sont sorties de terre dont les 3e, 4e et 5e ponts d’Abidjan ; le pont de Jacqueville, celui de Bettié ; les échangeurs de la Riviera 2, de Marcory, du carrefour Solibra ; le bitumage de milliers de kilomètres de route dont celle reliant Dimbokro à Bocanda, Tiebissou à Didievi, Yakassé Attobrou au pont de Bettié, celle reliant Boundiali à Tengrela en passant par les villes de Kouto et Gbon. Outre les routes, Ouatara a doté le pays du barrage de Soubré. Et de nouvelles universités : Man, San Pedro, Bondoukou, université virtuelle des II-Plateaux. Sans compter les nouvelles écoles et des établissements d’enseignement technique qui sont sortis de terre : le lycée d’excellence de Grand-Bassam ; le groupe scolaire d’excellence d’Abobo ; le centre multisectoriel de formation professionnelle Mohamed VI de Yopougon etc.
Un rayonnement diplomatique
Sur le plan sanitaire, de nouveaux CHR et centres de santé ont poussé à Aboisso, Adzopé, Man, Méagui. Economiste de métier, Ouattara a remis l’économie sur les rails avec un taux de croissance tournant autour de 7% depuis son accession au pouvoir.
A tous ces signaux qui sont au vert, on pourrait ajouter le repositionnement de la Côte d’Ivoire sur le plan diplomatique avec son retour dans le concert des nations : présidence de la CEDEAO en 2012 ; élue pour la troisième fois membre non-permanent du conseil de sécurité de l’ONU en 2018-2019.
Autre indicateur du rayonnement diplomatique : l’organisation en Côte d’Ivoire de cérémonies de portée continentale voire mondiale comme la coupe d’Afrique des nations 2023. Un bilan non exhaustif qui explique, en grande partie, la razzia opérée par le RHDP lors des élections générales de septembre 2023. Et qui ne manquera pas de peser lors de la prochaine présidentielle de 2025. C’est sans doute pour toutes ces raisons que l’opposition redoute une candidature d’Alassane Ouattara à ce scrutin ; convaincue qu’elle ne part pas avec la faveur des pronostics, dans un tel cas de figure.
Assane Niada