Même si ma jeunesse ne m'a pas permis de connaître directement sa présidence de 1993 à 1999, ce n'est qu'à travers les médias et les cercles restreints que j'ai pu me forger une image de lui, une image qui s'est enrichie au fil du temps jusqu'à ce que j'aie le privilège de le rencontrer personnellement.
À deux reprises, j'ai eu l'honneur d'être reçu en tête à tête par cet homme d'État.
La première fois, ce fut à son domicile à Daoukro. Appelé par son protocole, tôt le matin, je fis le voyage depuis Abidjan pour le rencontrer. Lors de cet échange, j'ai découvert un homme profondément attaché à son pays, un patriote dans l'âme. Bien que je ne sois pas un militant de son parti politique, il avait entendu parler de moi et de mes modestes compétences en leadership et communication politique, et souhaitait qu’on discute d’un projet en présence d'une haute personnalité de son parti et d'une de ses proches collaboratrices. Hélas ! Ce projet (HKB Story) n’aura pas vu le jour.
Après notre conversation, un déjeuner était organisé où son épouse et d'autres invités se joignirent à nous. J'ai vu un véritable bourgeois mais en homme sobre et digne.
Lors de notre second entretien, qui a suivi celui de Daoukro, j'ai été accueilli dans sa résidence de Cocody Ambassades. De ces rencontres, qui étaient essentiellement dans un cadre professionnel, et de mes lectures, trois traits marquants de la personnalité de l'ancien Président de la République de Côte d'Ivoire me restent en mémoire :
𝟏- 𝐄𝐍𝐆𝐀𝐆𝐄𝐌𝐄𝐍𝐓
Dès son plus jeune âge, Bédié s'est engagé pour la souveraineté et l'indépendance de la Côte d'Ivoire. Ses années d'études ont été marquées par le syndicalisme estudiantin et le militantisme politique anti-colonial. Surnommé "l'Empereur" dès l'école de Dabou, il fut également un leader actif au sein de la Fédération des étudiants d'Afrique noire en France (FEANF). À seulement 32 ans, il devint le premier Africain et le premier noir à occuper le poste de ministre de l'Économie et des Finances, en 1966, posant ainsi les bases de l'économie moderne de la Côte d'Ivoire. Sa carrière l'a également vu occuper les fonctions d'ambassadeur, maire, député, président de l'Assemblée nationale et président de la République.
𝟐- 𝐏𝐀𝐓𝐑𝐈𝐎𝐓𝐈𝐒𝐌𝐄
Bédié était un homme du terroir, profondément attaché à ses racines malgré ses nombreux diplômes et son allure de bourgeois. Son amour pour la Côte d'Ivoire, pays qu'il chérissait tant malgré ses parts d’ombre et de lumière, le définit comme un vrai patriote, loin du nationalisme qui prône la haine de l'autre. Il donnait tout le sens à la pensée du Romancier Français, Romain Gary : « Le Patriotisme, c'est l'amour pour les siens. Le nationalisme, c'est la haine des autres ». Bédié était Patriote !
𝟑- 𝐓𝐑𝐀𝐍𝐒𝐂𝐄𝐍𝐃𝐀𝐍𝐂𝐄
Bédié était un Politique. Il était un Homme politique et surtout un acteur de la scène politique. Sur le « ring politique », il a su naviguer entre les coups durs et les victoires. Quand, il fallait, il a su se transcender. Je pense qu’il n'a jamais été un jusqu'au-boutiste, préférant se transcender pour préserver la paix et la stabilité nationale, même dans les moments les plus tumultueux.
Henri Konan Bédié a marqué de son empreinte l'histoire de la Côte d'Ivoire. Il laisse un héritage politique : Son style de vie et d’engagement empreint de sobriété, de modernisme et de tradition et son amour profond pour la Côte d’Ivoire avec son projet de grandeur pour la nation et pour un peuple souverain qui ne se coupe du reste du monde.
Va! Grand Homme !
Paix et réconfort à sa famille en ces jours de deuil.
Magloire Ndéhi