Après la raclée prise aux élections municipales et régionales, le parti de l’ancien président Laurent Gbagbo a décidé de nettoyer les écuries d’Augias. Si rien n’a filtré de toutes les rencontres d’après élection, en dehors des fallacieuses accusations de fraude, tout porte à croire que l’ancien président est conscient du fait que la guerre des clans et les querelles de clocher risquent à tout jamais d’anéantir son parti qui éprouve déjà, des difficultés à avoir l’adhésion des populations. Ainsi, dans une décision rendue publique en ce début de semaine, l’ex-époux de Simone Ehivet et de Jacqueline Chamois, a décidé de mettre de l’ordre dans ses rangs. Ainsi donc, de gros bonnets de son parti, Justin Katinan Koné et Damana Adia Pickass, ont été rétrogradés dans l’establishment PPA-CI au bénéfice de Me Habiba Touré qui monte en force. Mais là n’est pas le problème dans la décision de Laurent Gbagbo. C’est de son plein droit de procéder à des réaménagements pour relancer sa machine. Là où le bât blesse, c’est la signature qui est apposée au bas de la décision N°0033/2023/PP/PPA-CI/ portant nomination de la Direction du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI). Sur ce document diffusé lundi 23 octobre 2023, l’on peut voir une curieuse signature manuscrite de l’ancien président qui précède son nom et son titre de président du PPA-CI.
Au-delà de son contenu, la diffusion de ce document soulève déjà beaucoup d’interrogations sur cette nouvelle mouture de la signature de Laurent Gbagbo. Certains cadres du PPA-CI avec qui nous avons échangé, se sont également posé une question qui vaut son pesant d’or : Est-ce que c’est vraiment Laurent Gbagbo qui signe encore les documents officiels qui portent son nom ? La question mérite d’être posée, dans la mesure où ce n’est pas la première fois que la signature de l’ancien président soulève la polémique au sein de la classe politique et dans les médias. Il est vrai qu’aujourd’hui, avec l’évolution de la technologie, la signature électronique est valable pour certaines autorités. Mais, pour un homme de la trempe de Laurent Gbagbo qui a exercé les plus hautes fonctions au sein de l’État et dirige un parti politique, cela mérite que l’on s’interroge sur sa signature qui est très souvent au cœur de beaucoup de polémiques. De son parti originel, le FPI, dans les années 1990 à l’exercice du pouvoir, en passant par la CPI et aujourd’hui à nouveau dans l’opposition, l’on peut dire que la signature de Laurent Gbagbo pose problème. Pour preuve, celle apposée lundi 23 octobre 2023 au bas de la décision de réorganisation de la Direction du PPA-CI, est différente de la signature qui figure sur les premiers actes du même parti, le PPA-CI, au lendemain de sa création en octobre 2021. L’Avenir, dans ses recherches, a pu comparer deux actes signés de Laurent Gbagbo pour le compte de son parti sur cette question. Le 16 février 2022, soit quatre mois après la création de son parti, Laurent Gbagbo avait signé un acte nommant l’ancien ministre Vincent Pierre en qualité de vice-président du PPA-CI, en charge de l’environnement et du changement climatique. Cette signature du même Laurent Gbagbo, est totalement différente de celle qui est apparue le lundi 23 octobre 2023 portant réorganisation de la direction du parti (Voir Fac-similés 1 et 2).
Laurent Gbagbo et la saga des fausses signatures
Cette situation, somme toute curieuse, nous a conduit à remonter l’échelle du temps pour analyser les signatures de Laurent Gbagbo depuis l’opposition en 1990 jusqu’à ce jour. Le constat est saisissant. En 1990, lors du dépôt des dossiers du FPI en vue de l’obtention du récépissé (Fac-similé N°3), la signature de Laurent Gbagbo est restée quasiment la même, jusqu’à son avènement au pouvoir en 2000. En 2007, nous avons pu consulter un document officiel signé par le président de la République, Laurent Gbagbo, où cette signature n’a pas changé (Voir Fac-similé N°4). Même après son départ du pouvoir, cette signature est restée la même. L’on a encore en mémoire, qu’en 2014, une affaire de fausse signature attribuée à Laurent Gbagbo, détenu à La Haye à l’époque, avait défrayé la chronique. C’était au plus fort de la guerre Affi-Gbagbo pour le contrôle du FPI. En ce temps, Assoa Adou, de retour du Ghana, avait en sa possession, un courrier de candidature à la présidence du FPI attribué à Laurent Gbagbo. Ce courrier avait été récusé par le camp Affi, au motif d’une « pale imitation » de la signature de l’ancien président. Quelques années après, l’ancien Secrétaire général de la FESCI, Serges Koffi, alias ‘‘Sroukou-Trêmê’’, avait nommément accusé Stéphane Kipré d’être l’auteur de cette imitation et qu’il ne serait pas à son premier forfait.
C’est alors qu’en 2018, Laurent Gbagbo, par les soins de son avocat, Me Altit, signe de ses mains, un document indiquant qu’il est bel et bien l’auteur du courrier de 2014. D’aucuns avaient estimé à l’époque que c’était un geste pour défendre son gendre Stéphane Kipré qui a été trainé devant les juridictions au Canada par son ancien bras droit, Serges Koffi. Mais en tout état de cause, la signature de Laurent Gbagbo apposée au bas de ce document qui date du 15 septembre 2018, est la même qu’en 1990 et en 2007 (Voir Fac-similé N°5). Comme on peut le voir, la signature de l’ancien président est restée la même depuis 1990 et six mois après son retour au pays en juin 2021. À partir de cette date, certains membres des clans qui se battent au sein du PPA-CI, avancent que leur président, vu son âge et son état de santé qui s’est détérioré pendant son arrestation et sa détention, n’a plus la plénitude de toutes ses décisions. Et que certaines décisions qu’il prend, se font sous « la dictée » de quelques individus qui l’auraient pris en « otage ». Vrai ou faux ? Personne ne peut l’affirmer. Cependant, une chose est certaine : le changement de signature constaté ce début de semaine et la très grande simplicité de celle-ci, pourraient laisser croire qu’il y a anguille sous roche.
Kra Bernard