Entre l'ex-chef d'Etat, Laurent Gbagbo et son poulain, Charles Blé Goudé, le courant ne passe quasiment plus. L'ex-patron de la galaxie patriotique est une victime collatérale de la guerre entre Laurent Gbagbo et son épouse, l'ex-Première dame, Simone Ehivet. L'attitude de Laurent Gbagbo depuis son retour incite à le croire. Depuis l'obtention de ses passeports jusqu'à son retour en Côte d'Ivoire en passant par ses nombreuses déclarations, en aucun moment, Laurent Gbagbo n'a évoqué le cas Blé Goudé. L'on s'attendait à un hommage à celui qui fut le "bouclier" de son pouvoir de 2002 à 2010 au Qg de son parti, à Cocody-Attoban, le jeudi 17 juin 2021. Tout comme l'on attendait un petit mot à Mama, le lundi 28 juin, lors d'une cérémonie organisée en son honneur. Surtout qu'il était en territoire Béthé qu'il partage également avec "son fils" Charles Blé Goudé. Que non ! L'ancien président a plutôt rendu hommage à Nady Bamba, "sa petite femme", qui "lui donnait de l'argent pour nourrir les Africains détenus avec lui à la Cour pénale internationale (Cpi)". Pourtant, de bonnes sources, dès l'arrivée de Blé Goudé à la Haye, il était aux petits soins de son mentor, qu'il aidait régulièrement, parfois en faisant la cuisine pour lui. Nulle part, Gbagbo ne l'a mentionné dans ses interventions. À la vérité, Charles Blé Goudé, de par son soutien à Simone Gbagbo, s'est placé dans la ligne de mire de son mentor politique. Avec lui, de nombreux cadres du Fpi, dont la proximité avec Simone leur est préjudiciable. "Après l'acquittement de Gbagbo et Blé Goudé par la Chambre préliminaire I de la Cpi, l'ancien chef d'Etat a pu bénéficier d'un asile en Belgique. Depuis ce moment jusqu'à l'audience de la Chambre d'appel, les deux hommes ne se parlaient quasiment plus. L'un des rares coups de fil qu'il y a eu, selon Blé Goudé, c'est suite au décès de son frère. Nady Bamba a bouclé sur Blé Goudé", nous confiait, récemment, un proche de Blé Goudé.
" L'interview qui a tout gâté"
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L'interview accordée par Blé Goudé, à la veille du scrutin présidentiel de 2020, à Afrique Média dans laquelle il a clairement affiché son soutien à Simone Gbagbo, a envenimé la situation. Ce dimanche 9 août 2020, sur les antennes de Afrique Média, "le général de la rue", comme le surnomment les partisans de Blé Goudé, était on ne peut plus laudateur vis à vis de Simone Gbagbo. "Si Simone Gbagbo est candidate demain avec des gens dont je ne partage pas les mêmes valeurs, c'est avec les yeux fermés que je vais la soutenir. Il n'y a pas de débat à faire là-dessus", avait-il déclaré. "Je n'ai jamais fait mystère de mon soutien à la femme politique, à la personnalité politique. Elle a un parcours qui est connu de tous. La constance, l'engagement, la droiture. Son CV politique n'a rien à envier au CV de tous ceux qui veulent se présenter pour diriger notre pays. Son CV intellectuel est connu de tous. Intellectuelle achevée connue à l'université de Côté d'Ivoire. Je ne soutiens pas les causes que je ne partage pas", avait-il argumenté. Cette sortie intervient plus d'un an après que Laurent Gbagbo a "écarté stratégiquement" Simone Gbagbo de la gestion du Front populaire ivoirien (Fpi). En effet, suite au décès d'Abou Drahamane Sangaré, 1er vice-président du Fpi, fin 2018, Laurent Gbagbo "réforme" son parti. Dans un communiqué, il place Assoa Adou, secrétaire général, au cœur de son dispositif politique. Celui-ci est chargé d'administrer le parti. L'ex-chef d'Etat aménage "une petite porte de sortie" à son épouse, 2ème vice-présidente, en lui donnant le pouvoir de convoquer les réunions. Lui-même s'arroge la présidence du parti, et "met fin à l'intérim" qu'assurait Abou Drahamane Sangaré. Dans les faits et dans la pratique, c'est plutôt Assoa Adou le métronome du Fpi. C'est lui qui convoque les réunions, discute avec les autorités et rend compte directement à Gbagbo. Il refuse de participer aux réunions convoquées par Simone Gbagbo. Il lui est arrivé de programmer une réunion au Qg du parti, alors que Simone avait convoqué, elle aussi, une réunion le même jour à la même heure à son domicile. Les cadres pro-Gbagbo du Fpi ont préféré rejoindre Assoa Adou, laissant Simone seule avec une poignée de fidèles. Or, dans la logique et dans l'ordre de préséance, c'est Simone Gbagbo qui doit convoquer les réunion et les présider. Elle devait également assurer l'intérim, puisqu'elle est la 2ème vice-présidente du Fpi. Le décès de Sangaré a donc été un prétexte pour l'ancien numéro 1 de la Côte d’Ivoire, de prendre les choses en main.
"Blé Goudé a choisi son camp"
Blé Goudé n'ignorait pas cette situation puisque les aspérités de la relations Simone-Gbagbo étaient quasiment sues de tous. En décidant de soutenir l'ancienne Première dame de Côte d'Ivoire, il savait ce qui l'attendait. "Blé Goudé est déçu par l'attitude de son mentor. Il lui fallait faire un choix. Il a décidé de ne pas contrarier Gbagbo, mais il a aussi refusé l'injustice faite à Simone. Il souhaite ne pas parler de cette affaire, qui est gênante, aussi bien pour lui que pour la Côte d'Ivoire. D'où son silence. Les faits lui donnent raison et la crise au Fpi a atteint des proportions inquiétantes", a soufflé un proche de Blé Goudé, membre du Cojep, son parti politique. Tous les pro-Simone sont aujourd'hui dans l'œil du cyclone de l'ancien président. L'on peut citer notamment Hanny Tchelley, artiste-cinéaste engagée, proche de Blé Goudé, Dahi Nestor, président de la jeunesse du Fpi, et bien d'autres cadres dudit parti. D'ailleurs, Dahi Nestor est ostracisé au Fpi par Assoa Adou, qui le juge trop proche de Simone Gbagbo. Il a quasiment disparu de la scène politique ivoirienne depuis quelques mois, lui qui était sous les feux des projecteurs pour le retour de Gbagbo. Tous ces cadres n'ont plus accès à l'ancien chef d'Etat, dont l'agenda et le calendrier politiques sont régentés par "sa petite femme".
"Affecté, mais pas découragé"
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Quant à Charles Blé Goudé, que ses proches disent affecté, mais pas découragé, il continue ses activités politiques. Il négocie encore avec le pouvoir d'Abidjan afin de rentrer pour participer au processus de réconciliation. Il donne des gages de confiance, s'entretient régulièrement au téléphone avec de nombreux cadres du Rhdp pour leur expliquer sa vision de la Côte d’Ivoire. Une attitude qui tranche avec celle de Laurent Gbagbo qui continue de rejeter certains avantages liés à son ancienne fonction de chef d'Etat. Il refuse toujours le pavillon présidentiel et les véhicules mis à sa disposition pour ses déplacements. Il se déplace avec son fauteuil dans le salon ministériel. L'ex-chef d'Etat continue ses activités, même si le sujet de son divorce passionne les internautes et créé des fissures profondes entre ses partisans. Sur le cas Blé Goudé, l'un de ses proches collaborateurs qui a requis l'anonymat, est formel : "Il n'y a pas le feu en la demeure. Le président Gbagbo n'est pas obligé de communiquer sur tous ses actes. C'est ce qu'il faut retenir".
Dans de tohu bohu politique, Charles Blé Goudé apparaît, aux yeux de nombreux jeunes du Fpi, comme l'un des rares qui jouit d'une certaine crédibilité. Son parti pourrait tirer des dividendes de la "guerres des épouses" dont le dénouement pourrait faire plus de mal que de bien au Fpi, déjà divisé entre Pro-Gbagbo et pro-Affi N'guessan, du nom du premier Premier ministre de Laurent Gbagbo.
Y.DOUMBIA
