En mal d’arguments pour « vendre » leurs candidats aux populations, à moins de deux mois des élections municipales et régionales, les responsables politiques du parti de Gbagbo ont décidé de miser sur la désinvolture, l’outrance voire les dérives langagières. C’est le cas du sieur Koua Justin qui, tenant un meeting le week-end dernier, a cru devoir tenir des propos pour le moins irresponsables pour espérer accrocher son auditoire. Parlant de la ministre d’Etat et ministre des Affaires étrangères, Kandia Camara, il a eu ces mots irrvérencieux, tribalistes et xénophobes : « On dit Kandia Camara va chez elle à Gbon. Et puis je vois les gens de Gbon arrêtés sur le goudron.
La ministre Kandia Camara descend de sa voiture et on dit qu'elle est chez elle à Gbon. Est-ce que ça là, on peut comprendre quelque chose!? Mais on n'en veut pas à Kandia Camara. Mais Gbon, ce n'est pas chez elle. Est-ce qu'il y a une honte à dire que « je suis Guinéen » ? ». Des propos d’une extrême gravité d’autant qu’ils relèvent d’une rhétorique identitaire qui a fait tant de mal hier à la Côte d’Ivoire et qu’on croyait d’une autre époque.
Des propos haineux contre Kandia et Bictogo
Ces propos montrent à suffisance que Koua Justin et, avec lui tous ceux qui se réclament de son bord politique, n’ont pas encore tourné le dos au narratif ultranationaliste dont ils avaient fait le fil d’Ariane de leur projet politique du temps où ils dirigeaient ce pays. Au lieu d’opposer des arguments à ses adversaires du parti au pouvoir, il préfère se réfugier dans un discours identitaire en projetant sur une ministre de la République des inepties qui circulent depuis bien des années dans des cercles des ultras de l’ex-galaxie Gbagbo. Mais le sieur Koua Justin ne s’est pas arrêté là.
Il a également « ouvert le feu » sur le président de l’Assemblée nationale, Adama Bictogo. « Tout le monde sait que Bictogo n'est pas Ivoirien, il est Burkinabé. Mais il est devenu Ivoirien parce qu'on peut devenir Ivoirien. Tu es Burkinabé, tu peux devenir Ivoirien. Tu es Guinéen, tu peux devenir Ivoirien. Tu es Malien, tu peux devenir Ivoirien. Si tu as marié une femme ivoirienne que tu es Burkinabé, tu peux devenir Ivoirien. Si tu as marié un Bété, Gouro, Agni et que tu es Guinéenne, tu peux devenir Ivoirienne. Ou bien tu fais la demande pour être naturalisé. On suppose que tous ceux-là ils ont suivi ces règles-là, donc ils sont devenus Ivoiriens. Mais on peut devenir Ivoirien sans avoir un village, ça ne fait rien (…) Ça ne fait rien si Kandia n'a pas de village ; elle est Ivoirienne, elle est ministre, on la respecte. Mais il ne faut pas qu’elle s’invente un village. Adama Bictogo, il est Ivoirien. Il est président de l’Assemblée nationale, on le respecte. Mais, il ne faut pas qu’il s’invente un village ; Agboville n'est pas son village », a-t-il vomi. Avec de tels propos abjects, tous ceux qui croyaient morte l’ère de la propagande xénophobe doivent se raviser. Il faut craindre, en effet, que le sieur Koua Justin ne soit que la face visible d’un iceberg d’ultras du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), nostalgiques de la « décennie perdue » où ils répandaient sans gants le venin de la haine, au risque d’exposer le pays à un brasier identitaire.
Le PPA-CI et l’odieuse théorie du Grand Remplacement
D’ailleurs, le Secrétaire général adjoint du PPA-CI ne tarde pas à dévoiler, plus tard, les intentions cachées qui sous-tendent cette rhétorique de la haine. Ecoutons-le : « Certains de nos parents sont complices de ces faits. On vient leur donner 2.000F CfA, 10.000 F Cfa et puis ils leur donnent des extraits de naissance. Et elles accouchent les enfants que d'autres ont accouché. Elles deviennent les mamans des enfants d’autres mamans. Chers parents, nous sommes venus vous dire que ce qui se joue dans les mairies, c'est notre identité qui est en jeu. C'est notre pays qui est en jeu (…) Et c'est pourquoi le président Bédié a voulu se lier d’amitié avec le RHDP un moment donné. Mais quand il a compris que ceux-là, ils travaillent contre les Ivoiriens, ils travaillent pour nuire à la Côte d’Ivoire, il a dit : « Non, il faut que je me retire d'eux ». Il s'est retiré d'eux, il a pris son avion pour aller en France. Il est allé rencontrer son petit frère Gbagbo Laurent pour lui dire : « J'ai mal agi. Je me suis trompé, j'ai été naïf mais entendons-nous pour sauver la Côte d’Ivoire », a-t-il éructé.
Voilà donc Koua Justin criant haut ce que certains murmurent tout bas : les partisans de l’ex- front patriotique, aujourd’hui en voie de reconstitution, rêvent de sauver les Ivoiriens des envahisseurs que sont supposés être les partisans du Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Sous le narratif identitaire embouché par ce responsable politique du PPA-CI, on perçoit clairement le discours cher à l’extrême droite française. On croirait, en effet, entendre la théorie du Grand Remplacement agité par un certain Eric Zemmour en France.
Et comble de dérive, le sieur Koua Justin assène : « En Côte d’Ivoire, pour Zikisso, comme pour Issia, comme pour Lakota, comme pour Divo, le RHDP est une malédiction nationale ! N'acceptez pas qu'une malédiction rentre chez vous, même si c'est votre enfant ! À partir du moment où il est RHDP, méfiez-vous de lui parce qu'il peut venir à la maison avec la malédiction. Le RHDP est une malédiction nationale !... ». Comment à ce haut niveau de responsabilité, un responsable politique peut-il déverser des propos d’une telle indignité ? Ces insanités proférées par le sieur Koua Justin sont, sans aucun doute, révélatrices d’une faillite morale certaine.
Assane Niada
