Politique

20 mois après la désobéissance civile: Le rapport d'enquête accable Bédié, Simone Gbagbo, Mamadou Koulibaly

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L’élection présidentielle du 31 octobre 2020 a été émaillée de violents incidents suite au boycott actif du scrutin lancé par l’opposition, sur fond de désobéissance civile. Le rapport d’activité de l’Unité Spéciale d’Enquête, mise sur pied pour faire toute la lumière sur ces violences électorales, est disponible depuis hier, dimanche 22 mai 2022, sur les réseaux sociaux, notamment dans des plateformes de professionnels des médias.

 

Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce rapport d’enquête est très accablant pour des leaders de l’opposition, notamment le président du PDCI-RDA, Henri Konan Bédié. Intitulé « Rapport d’activité de l’Unité Spéciale d’Enquête sur les événements survenus à l’occasion de l’élection du président de la République du 31 octobre 2020/USE », le rapport date de 2021. Mais il n’a été rendu public qu’hier dimanche, sur les réseaux sociaux. Ce document de 64 pages est le fruit d’une investigation, qui aura duré plusieurs mois et conduit les enquêteurs à travers les localités du pays ayant été les théâtres d’affrontements meurtriers. Il ressort de ce rapport que des acteurs politiques de l’opposition ont activement contribué à planifier et mettre en œuvre, les actes posés dans le cadre de la désobéissance civile.

 

Bédié et une figure de GPS, parmi les financiers 

 

En effet, à la page 14, le rapport épingle le président du PDCI, Henri Konan Bédié, comme étant un des commanditaires et financiers de l’insurrection, en sa qualité de président du Conseil National de Transition (CNT). « Les investigations ont par ailleurs démontré qu’il finançait plusieurs opérations subversives par l’intermédiaire de son Directeur de Cabinet N’dri Narcisse, le sieur N’dakpri Djaha Ange Félix, délégué adjoint PDCI-RDA à Toumodi, ainsi que de son neveu Hyacinthe BEDIE qu’il incitait particulièrement à bloquer les différentes voies d’accès à la ville de Daoukro. Ce dernier lui faisait un compte-rendu quotidien », mentionne le document.

Autre cadre du PDCI dont l’activisme lors de ces violences électorales, a été clairement pointé par le rapport d’enquête, c’est le Directeur de cabinet de Bédié d’alors, N’dri Narcisse. Sur son implication dans ces événements tragiques, voilà ce que révèle le rapport d’enquête en ses pages 17 et 18 : « Par ailleurs, il a rédigé un plan d’action, un plan stratégique et proposé un budget pour les délégations de Didievi, de Tiebissou, du District de Yamoussoukro et de Toumodi, pour coordonner les manifestations dans ces localités », avancent d’abord les auteurs du rapport.

Et d’ajouter : « Aussi, étant délégué PDCI de Toumodi, il a remis la somme de sept cent mille (700 000) franc CFA au nommé N’dakpri Djaha Ange Félix pour financer les opérations de terrain ( perturber le processus électoral, empêcher la distribution et le retrait de cartes électorales, empêcher l’affichage des listes électorales et déchirer ces listes électorales, empêcher le convoyage et la distribution de tout matériel électoral, bloquer les voies et pistes internes avec des troncs d’arbre, convoyer les manifestants sur les sites ciblés) dans les circonscriptions de Toumodi, de Kpouebo, d’Angonda et de Kocoumbo. Ses actions ont paralysé les activités économiques, suscité un conflit intercommunautaire avec des pertes en vie humaine, des destructions de biens privés et publics ».

Au nombre des financiers de cette insurrection, le rapport indexe une figure bien connue du mouvement politique de Guillaume Soro, Générations Peuples Solidaires (GPS) : Ayoub Zeinab. « Elle a parcouru différentes villes de l’intérieur du pays pour organiser et financer le boycott actif, ainsi que les opérations résultant de la désobéissance civile », indique le document en sa page 23.

Outre ces acteurs cités comme financiers, les enquêteurs pointent également la responsabilité d’autres poids lourds de l’opposition, dont les propos incitatifs à la violence ont contribué à la commission d’exactions durant la désobéissance civile. Au nombre de ceux-ci, George Armand Ouégnin, alors leader d’Ensemble pour la Démocratie et la Souveraineté (EDS). Selon les enquêteurs, ses propos ont contribué à la perpétration d’actes répréhensibles par des militants et sympathisants de l’opposition. « Par ailleurs, au cours d’une conférence de presse conjointement animée avec Pascal Affi N’guessan, il a invité ses sympathisants à s’abstenir de toute participation au processus électoral de la CEI, qu’il qualifiait d’illégale et d’illégitime. Il affirmait en outre que « …l’heure est maintenant aux actions ». Cette exhortation largement relayée sur les réseaux sociaux, a suscité un conflit communautaire avec des pertes en vie humaine, des destructions de biens privés et publics et a paralysé les activités économiques. Sa responsabilité pénale reste entière dans la commission de nombreuses infractions lors de la période électorale », note le rapport.

 

Des poursuites judiciaires préconisées

 

De même, le document accable l’ex-Première dame Simone Gbagbo et l’ex-président de l’Assemblée nationale et ex-président du parti Liberté et Démocratie pour la République (LIDER), Mamadou Koulibaly. Au sujet de l’ex-Première dame, voici ce que dit le document en sa page 16 : « Dans une déclaration en date du samedi 31 octobre 2020, elle a appelé à la mise en place d’un gouvernement de transition à la tête du pays. Elle a lancé cet appel, parce que, selon elle, le pays se trouve « dans une situation de vacances du pouvoir présidentiel ». Car, à l’en croire, ce « 31 octobre 2020, il n’y a pas eu élection en Côte d’Ivoire ». Bien que n’ayant pas fait l’objet de poursuites pour ces faits infractionnels, sa responsabilité pénale reste entière ». Contre l’ancien président de l’Assemblée nationale Mamadou Koulibaly, les enquêteurs ont retenu ces faits infractionnels rapportés à la page 20: « Dans un message vidéo diffusé sur le réseau social Facebook, il a indiqué dans la rubrique « Jeudi c’est Koulibaly ! » du parti Liberté et Démocratie pour la République, LIDER, que la désobéissance civile consistait à désobéir aux lois de la République, par conséquent, les leaders politiques de l’opposition, selon lui, « ne devraient pas avoir peur de la prison, car plus ils seront nombreux dans les prisons, on dira que la désobéissance civile a réussi ». Il invitait donc les membres de la plateforme de l’opposition à « prendre des dispositions pour que cette élection n’ait pas lieu le 31 octobre ». Et les enquêteurs d’en déduire : « Étant l’un des instigateurs les plus virulents de ces actes de sédition et d’atteinte à l’autorité de l’État, sa responsabilité pénale doit être engagée ».

Plusieurs autres responsables de l’opposition et de la société civile, parmi lesquels Pascal Affi N’guessan, Guillaume Soro, Mabri Toikeusse et Pulchérie Gbalet, sont étalement cités au nombre des artisans de l’ex-CNT ayant porté la désobéissance civile. Leurs responsabilités étant établies, ceux-ci, selon les auteurs du rapport, sont tous passibles de poursuites judiciaires, quel que soit leur statut. De fait, souligne le document en sa page 21 : « Concernant les auteurs moraux, les instigateurs de ces événements, il convient d’indiquer que, conformément à l’article 54 de la loi n°2005-201 du 16 juin 2005 portant Statut d’ancien Président de la République, d’ancien Chef ou Président d’institution nationale et d’ancien membre du Gouvernement, les mesures spéciales instituées en matière de poursuite ou d’arrestation d’un ancien Président de la République ou d’un ancien Chef ou Président d’institution nationale ou d’un ancien membre du Gouvernement pour les faits criminels ou délictuels par lui commis ne prospèrent pas pour les poursuites des infractions perpétrées lors des campagnes électorales ou à l’occasion des élections ». Et les auteurs dudit rapport de conclure : « Il s’ensuit que l’ancien Président de la République, les anciens Chefs ou Présidents d’institution nationale et les anciens membres du Gouvernement visés dans ce rapport peuvent faire l’objet de poursuites pénales ».

 

Voici ceux qui ont décapité à Daoukro

 

Mais le rapport n’épingle pas que les gros poissons qui ont commandité et planifié la désobéissance, il égrène également les noms d’individus supposés avoir participé à la commission des crimes et destructions de biens rapportés lors de ces violences électorales. Il nous apprend que les auteurs présumés de la décapitation d’un jeune homme à Daoukro ont été arrêtés et leurs noms listés. « Sept (07) personnes ont été interpellées suite au conflit intercommunautaire consécutif au mot d’ordre de désobéissance civile ayant dégénéré, occasionnant des blessés par armes à feu et armes blanches (fusils de type calibre 12, machettes) avec notamment la décapitation de l’infortuné N’guessan Koffi Toussaint », rapporte en effet, le document en sa page 25, laquelle est suivie de la liste des mis en cause.

Autre fait ayant marqué cette période électorale sanglante, c’est l’attaque d’un convoi du ministre Chargé du Budget et du Portefeuille de l’État, Sanogo Moussa, dans le village de Zatta à Yamoussoukro. L’un des éléments de la sécurité du ministre, l’adjudant Sanogo Seydou, avait été tué et son corps calciné. Le rapport confirme qu’il s’agissait bien de ce gendarme. « Le test génétique ADN-Acide DésoxyriboNucléique) réalisé confirmait ultérieurement qu’il s’agissait effectivement du corps de l’adjudant Sanogo Seydou », mentionne le rapport d’enquête en sa page 28. Lequel dresse la liste des quatre personnes arrêtées suite à ces événements tragiques qui ont eu lieu dans le village de Zatta. Cette période électorale aura été, par ailleurs, marquée par le meurtre de toute une famille, calcinée à son domicile. Le rapport nous apprend que 5 des auteurs présumés de ce meurtre font partie des 6 personnes interpellées à Toumodi, suite aux violences électorales d’octobre 2020. Leur liste est dressée à la page 31 du document.

 

Les Ivoiriens n’oublieront pas sitôt le fameux "Gbaka vert" qui a tant défrayé la chronique durant ces douloureux évènements. Selon le rapport, à Yopougon, « les investigations afin d'identifier les occupants du " Gbaka vert’’ ayant servi à transporter des individus impliqués dans les affrontements dans cette localité, ont mis en évidence de sources concordantes que le chef opérationnel des individus » à bord de ce véhicule « répond au nom de Salif, gérant du fumoir de Yopougon/Wassakara. Il fait l'objet de recherche ». (Pp 36-37)

Pour conclure, les auteurs dudit rapport appellent à mettre fin à l’impunité en traduisant les personnes incriminées devant les tribunaux.

 

Assane NIADA

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