À peine relancé, le dialogue politique entre le gouvernement et l’opposition connaît déjà quelques difficultés imputables à l’opposition. Par ailleurs, les derniers développements de l’actualité judiciaire, notamment la réaction du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), consécutive à la sortie du procureur de la République, Adou Richard Christophe, sur les violences électorales de 2020, sont de nature à entraver la bonne marche de ce dialogue.
Le procureur de la République près le tribunal de première instance d’Abidjan, Adou Richard Christophe, a présenté le lundi 27 décembre 2021, les résultats de l’enquête de l’Unité spéciale d’enquête sur les violences électorales survenues à l’occasion de l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 ayant fait officiellement 85 morts et 500 blessés dans le pays. Selon le procureur de la République qui a dirigé cette unité spéciale d’enquête, 233 personnes impliquées dans la commission de ces infractions graves ont été interpellées et 40 autres, formellement identifiées, sont activement recherchées. Il a ajouté que onze personnes sont toujours détenues. Par ailleurs, Adou Richard Christophe a surtout souligné que les personnalités politiques de l’opposition comme Pascal Affi N’Guessan, Maurice Kakou Guikahué ou Narcisse N’Dri, membres de l’ex-Conseil national de transition de l’opposition (CNT, un organe illégal qui avait été créé par l’opposition ivoirienne) demeurent toujours poursuivies, même si elles ont été remises en liberté provisoire dans le cadre de ces événements liés à l’élection de 2020. Le chef du parquet d’Abidjan, a également fait savoir que même Henri Konan Bédié, ex-président de la République et président du PDCI-RDA qui était au moment des faits, le chef de file de l’opposition ayant appelé au boycott actif des élections et à la désobéissance civile, « n’est pas exempt de poursuite ». Cette annonce du procureur de la République faisant planer des éventuelles poursuites judiciaires sur la tête d’Henri Konan Bédié, a fait sortir son parti de ses gonds. En effet, le PDCI-RDA, dans une déclaration-réponse au Procureur de la République, a décliné la responsabilité d’Henri Konan Bédié et des siens (membres de l’ex-CNT) dans les violences électorales de 2020, accusant le président de la République Alassane Ouattara et le pouvoir. « (…) Deuxièmement, l’on est en droit d’affirmer sans ambages que le troisième mandat et ses supporters sont les auteurs directs et indirects de la désobéissance civile, des exactions et violences qui ont suivi en 2020 », a accusé Soumaïla Kouassi Brédoumy, le porte-parole du PDCI dans cette déclaration. Cette ligne de défense du PDCI-RDA qui tente de relancer le « vrai faux débat juridique » sur la légalité ou non de la candidature du Président Alassane Ouattara à la présidentielle de 2020, est de nature à saper la dynamique de dialogue avec l’opposition qui a été récemment relancé par le pouvoir. En outre, cette démarche du parti d’Henri Konan Bédié tentant insidieusement de vouloir attribuer un agenda politique à cette sortie du procureur, malgré les assurances de celui-ci, va piétiner et discréditer le dialogue politique qui peine déjà à redémarrer du fait de l’opposition. « Le procureur de la République n’est pas un acteur politique », a pourtant dit avec insistance, Adou Richard Christophe lors de sa conférence de presse, assurant que la présentation des résultats de cette enquête n’a aucune incidence sur le dialogue politique. Certes, le PDCI-RDA dit réitérer sa volonté à aller à la table du « dialogue véritable », avec le pouvoir, mais le parti de Bédié devra aller au-delà de ses déclarations de bonne intention, en posant des actes concrets et en tenant des propos allant dans le sens du dialogue et de la cohésion sociale. En clair, au-delà du PDCI-RDA, l’opposition gagnerait à s’inscrire de bonne foi, sans langue de bois, dans le processus de dialogue politique initié par l’exécutif.
Lahassana Barro