En refusant, mardi soir sur le plateau de France 24, de demander pardon à la Côte d’Ivoire pour sa responsabilité dans la crise postélectorale de 2010-2011, Laurent Gbagbo tente de saper le processus de réconciliation en cours dans son pays.
Laurent Gbagbo veut-il embraser, à nouveau, son pays ? Interrogé mardi soir à l’occasion de l’interview accordée à France 24, pour savoir s’il demandait pardon à la Côte d’Ivoire pour sa responsabilité dans la crise postélectorale de 2010-2011, l’ex-chef de l’État a lancé : « Moi, je ne suis pas Charles Blé Goudé. Je suis Laurent Gbagbo, ancien président de la République de Côte d’Ivoire. Je ne dis pas. Je ne parle pas comme Charles Blé Goudé, voilà ». Laurent Gbagbo a nettement refusé de faire comme son ancien ministre de la Jeunesse, Charles Blé Goudé, son co-accusé à la Cour pénale internationale qui, lui, a accepté de faire amende honorable et demander pardon. Assumant ainsi, sa part de responsabilité dans la guerre née du refus de son mentor Gbagbo d’accepter sa défaite électorale de 2010 ! La posture du président du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), refusant de s’incliner devant la mémoire des 3000 disparus, a suscité une grande indignation chez les victimes et mais aussi, chez les organisations de défense des droits de l’homme. « Il y a quand même eu 3000 morts en Côte d'Ivoire pendant la crise postélectorale de 2010. Pour avoir ces morts, il a fallu qu'au moins, deux camps aient combattu et qu'il y ait des morts. C'est ce qui s'est passé. Il aurait fallu que le président Laurent Gbagbo demande pardon, par respect pour la mémoire des victimes », s’est indigné Bamba Drissa, président du Mouvement ivoirien des droits de l’homme (MIDH).
Mais au bout de l’indignation que cette sortie suscite, Gbagbo porte un coup au processus de réconciliation qui apparaît comme un "slogan" dans sa bouche depuis son retour au pays le 17 juin. Est-il utile de rappeler que la notion de pardon est reconnue comme étant l’élément central de tout processus de réconciliation ? Cela a bien été démontré au Rwanda qui, après le génocide de 1994, a pu se relever de ses blessures. « Il est important que les coupables avouent leurs crimes et demandent pardon aux victimes. D’une part, la confession soulage leur conscience ; mais surtout, ces aveux réconfortent les rescapés qui apprennent ainsi, même si c’est douloureux, comment sont morts leurs proches et où leurs corps ont été abandonnés », ne cesse de témoigner, le président Paul Kagamé dont le pays est cité aujourd’hui comme une référence de sortie de crise.
L’autre pays où le pardon a joué un rôle fondamental dans le retour à la concorde nationale, est l’Afrique du Sud. Dans ce pays qui a connu l’Apartheid, feu le président Nelson Mandela et surtout feu l’archevêque Desmond Tutu, alors président de la Commission pour la vérité et la réconciliation, ont mis en exergue, l’importance de la dimension du pardon. Présenté comme l’un des piliers de la justice transitionnelle, tous s’accordent à reconnaitre que c’est le pardon qui est susceptible de « guérir » les plaies du passé. En Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo y tourne le dos. En refusant d’emprunter cette voie naturelle, celui qui a été l’un des acteurs clés de la crise ivoirienne, porte assurément un coup au processus de réconciliation. Tentant ainsi de saper les efforts déployés depuis plus de 10 ans ! Espérons qu’il corrigera le tir.
Ténin Bè Ousmane