International

Tunisie / Parlement suspendu, ministres limogés, médias visés... le pays plonge dans l’inconnu

tunisie-parlement-suspendu-ministres-limoges-medias-vises-le-pays-plonge-dans-linconnu
PARTAGEZ

Empêtrée dans des crises politique et sanitaire, la Tunisie s’enfonce encore davantage dans la crise. A la surprise générale, le président tunisien Kais Saïed a annoncé dimanche 25 juillet au soir qu’il gelait les activités du Parlement, et démettait de ses fonctions le chef du gouvernement Hichem Mechichi, plongeant le pays dans l’incertitude.

« Dès que j’en ai l’occasion, je pars » : en Tunisie, rencontre avec une jeunesse naufragée

Cette annonce fait suite aux manifestations de milliers de Tunisiens contre les dirigeants, notamment contre le principal parti parlementaire Ennahdha, dont les désaccords avec la présidence bloquent toute avancée depuis six mois, notamment dans la gestion de la crise sanitaire.

« L’Obs » refait le point sur les événements de ces dernières heures.

Acte I : Kais Saïed suspend le Parlement

    Après une journée de manifestations en Tunisie, le président Kais Saïed annonce dimanche 25 juillet au soir qu’il gèle les activités du Parlement. Dans la foulée, il démet de ses fonctions le chef du gouvernement Hichem Mechichi.

    « La Constitution ne permet pas la dissolution du Parlement mais elle permet le gel de ses activités », déclare-t-il, s’appuyant sur l’article 80 qui permet ce type de mesure en cas de « péril imminent ». Il est désormais en charge du pouvoir exécutif avec « l’aide du gouvernement » qui sera dirigé par un nouveau chef désigné par le président de la République. En outre, l’immunité parlementaire des députés est levée.

    Le directeur d’un hôpital tunisien fond en larmes, bouleversé par la pénurie d’oxygène dans son établissement

    Après cette annonce surprise, des explosions de joie ont retenti dans les rues. Klaxons, feux d’artifice, youyous : des centaines de personnes ont bravé le couvre-feu imposé de 20 heures à 5 heures pour limiter la propagation de l’épidémie de Covid-19. Des rassemblements ont eu lieu sur l’avenue Bourguiba, la principale artère de Tunis, mais aussi dans de nombreux quartiers de la capitale et d’autres villes du pays.

    Acte II : Ennahdha dénonce un « coup d’Etat »

      Le principal parti au pouvoir en Tunisie, la formation islamiste Ennahdha, condamne dans la foulée un « coup d’Etat contre la révolution et contre la Constitution, et les partisans de Ennahdha ainsi que le peuple tunisien défendront la révolution ».

      Le président du Parlement monocaméral tunisien, Rached Ghannouchi, du parti Ennahdha, se rend en plein milieu de la nuit devant la chambre. Après avoir été empêché d’y accéder par des forces militaires, il débute un sit-in dans sa voiture.

      « Nous voulons entrer au Parlement ! […] nous sommes les protecteurs de la Constitution », déclare Samira Chaouachi, la vice-présidente de l’Assemblée qui accompagne Rached Ghannouchi, aux militaires déployés derrière une porte fermée du Parlement, selon une vidéo publiée par des médias locaux et partagée sur les réseaux sociaux.

      « Nous sommes les protecteurs de la nation », a répondu l’un des militaires avant d’ajouter qu’il appliquait « les instructions »« Le peuple tunisien n’acceptera jamais un pouvoir autoritaire quelles que soient vos tentatives, donc ne continuez pas dans ce jeu », réagit alors Rached Ghannouchi.

      Ce lundi après-midi, des affrontements éclatent. Jets de bouteilles, jets de pierres… Devant le Parlement, plusieurs centaines de partisans du président Saïed empêchent les partisans du principal parti parlementaire Ennahdha de se rapprocher de Rached Ghannouchi.

      Acte III : la police ferme les bureaux d’Al-Jazeera

        Ce lundi après-midi, des agents de police ferment le bureau de la chaîne de télévision qatarie Al-Jazeera à Tunis, après avoir expulsé tous les journalistes sur place, comme l’indique à l’AFP son directeur Lotfi Hajji. La raison : le Qatar est considéré proche du mouvement Ennahdha.

        Selon le Lotfi Hajji, « une quinzaine de policiers, certains en uniforme et d’autres en civil, se sont introduits dans notre bureau et nous ont demandé de le quitter », sans aucune explication ni aucune décision judiciaire fournie. « Nous appliquons les instructions, disaient seulement ces agents ».

        « Les Printemps arabes – De l’espoir au désespoir », un anniversaire au goût amer

        Tous les journalistes ont quitté le siège d’Al-Jazeera et les clés du bureau ont été confisquées, rapporte encore le directeur. « Ce qui se passe est très dangereux, c’est une preuve que la liberté de la presse est menacée. Aujourd’hui c’est Al-Jazeera, un autre jour un autre média ! », avertit-il.

        Pourtant, depuis la chute en 2011 du régime de Zine el Abidine Ben Ali, la Tunisie jouit d’une importante liberté de la presse. Celle-ci est même considérée comme une des réussites de la révolution.

        Acte IV : Kais Saïed limoge deux ministres

          Nouveau rebondissement lundi en fin de journée : le président tunisien limoge cette fois son ministre de la Défense et celui de la Justice par intérim, qui occupe également les postes de porte-parole du gouvernement et de ministre de la Fonction publique.

          Plusieurs pays se sont dits « inquiets » de ce coup de théâtre qui précipite le pays dans l’inconnu. La Turquie, alliée d’Ennahdha, demande de restaurer la « légitimité démocratique ».

          En Tunisie, « la révolution se poursuit mais son avenir est plus que jamais incertain »

          De son côté, l’Allemagne appelle au « respect des libertés civiles, qui est l’un des gains les plus importants de la révolution tunisienne » de 2011. En France, le quai d’Orsay dit souhaiter le retour « dans les meilleurs délais » à un « fonctionnement normal des institutions », tandis que les Etats-Unis, « préoccupés », appellent au respect des « principes démocratiques ».

          www.nouvelobs.com

          Newsletter
          Inscrivez-vous à notre lettre d'information

          Inscrivez-vous et recevez chaque jour via email, nos actuaités à ne pas manquer !

          Veuillez activer le javascript sur cette page pour pouvoir valider le formulaire