Que de légendes sur le Ghana, n’avons-nous pas été abreuvés depuis des années ! En séjour à Accra du 27 au 30 mai 2021, nous avons été témoin de scènes qui ont conforté ou battu en brèche ces légendes.
En route pour Accra, la capitale du Ghana, nous sommes bluffé par l’architecture des habitations, hôtels et édifices publics qui défilent sous nos yeux depuis notre départ d’Elubo, la ville frontalière de la localité ivoirienne de Noé. A mesure que nous roulons en direction d’Accra, nous découvrons, avec ravissement, l’architecture clinquante des hôtels Hacienda, Cape Coast Hotel, Karrick, Queensland Hotel et de plusieurs établissements scolaires dont Community College. Ces joyaux témoignent d'un certain niveau de développement du Ghana.
Des ordures dans des rues
Accra, la capitale, se veut également le reflet de ce pays en plein essor, à travers nombre de ses édifices publics à l’architecture agréable, au regard, à l’image de « Accra Digital Centre », dédié aux start-ups du numérique. Une sorte de Silicon Valley en somme. Mais, les lambris dorés de ces bâtiments publics et autres hôtels, cachent des choses pas toujours plaisantes. A Accra, l’on peut voir, en effet, des abords de rues jonchés d’ordures, notamment de sachets et bouteilles plastiques. Comme c’est le cas des rues environnantes de Tudu Market, une rue de commerce grouillant de monde dans la journée. Des images qui contrastent avec l’idée répandue selon laquelle, au Ghana, nul ne peut se hasarder à jeter par terre, le moindre bout de papier.
La part d’ombre d’Accra, ce sont aussi ces scènes de personnes qui font pipi dans la rue. Une scène certes, rare mais dont nous sommes témoin au deuxième jour de notre arrivée dans la capitale. Ce vendredi 28 mai, alors que nous flânons entre les étals du marché de Tudu, nos regards croisent ceux d’un homme en train d’uriner dans un trou d’égout, au vu et au su des vendeurs, passants et autres automobilistes, circulant à cette heure de la journée. La scène attire d’autant plus notre attention, qu’il nous avait été dit qu’un tel spectacle, courant à Abidjan, était inimaginable au Ghana.
Des dormeurs à la belle étoile
Accra, ce sont aussi ces rebuts sociaux qui dorment à la belle étoile, une fois la nuit tombée. Serrés les uns contre les autres, ils transforment des rues en des dortoirs géants. Aux guenilles dont ils sont vêtus et à leurs visages patibulaires, l’on devine que ces hommes et quelquefois des femmes, sont les petites mains de la capitale. Ce sont ces citoyens de seconde zone qui vivent de petits boulots dont les revenus ne leur permettent pas de se louer une maison dans la mégalopole.
Des cinquièmes, voire dixièmes de cordée, qui sont réduits à squatter les abords de rue pour reposer, un tant soit peu, leurs corps éprouvés par une journée de labeur. Au petit matin, on peut voir ces « bakroman », comme on le dit à Abidjan, tapisser certaines ruelles des environs de Tudu Market. Ces exclus du développement, on peut également les apercevoir en pleine journée, assis ou dormant sur le mur qui longe le « National Theatre ». Ils sont la face cachée d’Accra de carte postale.
Ce qui frappe aussi dans la capitale ghanéenne, c’est cette propension des commerçants à coloniser les voies publiques, les devantures d’édifices publics. On en voit jalonnant plusieurs rues, notamment devant « Cocoa House » ; la devanture d’une caserne des sapeurs-pompiers, logée au cœur de Tudu Market ; les alentours d’un bâtiment de la « Banque Nationale d’Investissements ». Partout, ce spectacle de marchands de rue, qui enlaidissent le visage d’Accra. En cette période de pandémie à Covid-19, la majorité de ces commerçants et leurs clients ne portent guère le masque.
De rares masques au visage
Les masques ! On en vend de toutes les couleurs et à profusion, dans les rues. Pourtant, 8 sur 10 citoyens rencontrés sur la place publique, particulièrement sur les marchés et dans les gares, n’en arborent guère. Il n’y a que des travailleurs qui en enfilent en allant au bureau le matin. Le port du cache-nez, ainsi que le lavage des mains au gel hydroalcoolique, sont également exigés devant de rares hôtels comme Travelers Paradise Hotel.
Même les policiers rencontrés dans les rues n’en portent pas le plus souvent. A Accra, ils ne sont d’ailleurs guère différents de leurs homologues ivoiriens. Visibles dans les rues avec leurs beaux uniformes de diverses couleurs, ils se livrent au racket, sans artifice. « Ils sont juste là pour prendre de l’argent aux chauffeurs », raille un chauffeur de taxi, qui nous ramène de Kaneshie en direction de Tudu market.
Le marché de Tudu est à l’image de celui d’Adjamé Forum. Dans la journée, il grouille de monde, dans un désordre digne de la cour du roi Pétaud. Chauffeurs de minicars, de taxis, vendeurs ambulants, clients, passants, commerçants squattant les bordures de route, tous s’entremêlent tout au long de cette rue du commerce. Des filles aux tenues osées, à la limite de la grossièreté, y déambulent. Sans vergogne. Il y a, en effet, de quoi se rincer les yeux pour qui aime bien le spectacle de ces silhouettes de femmes aux vêtements moulants à faire baver.
Pas une personne qui parle français
Difficile pourtant d’entendre, dans cette cohue, un seul individu parler français. Pas plus ici que dans d’autres rues d’Accra que nous parcourons à pied, durant notre séjour. Comme s’il n’y avait aucun francophone dans la capitale. « En fait, vous côtoyez des francophones, mais ils préfèrent parler anglais ou ashanti pour mieux se fondre dans la population ghanéenne et éviter ainsi de se faire gruger », nous explique Sia, un jeune ivoirien, chauffeur de taxi qui vit au Ghana.
C’est d’ailleurs lui qui se propose de nous sortir d’affaire, quand nous cherchions une solution pour faire un transfert d’argent depuis Abidjan. A court d’argent après 48h, nous sommes confrontés à la difficulté de transférer des sous d’Abidjan à Accra, en dehors du système bancaire. « Ce n’est pas possible », « Je ne sais pas comment ça se fait », nous répètent invariablement en anglais, passants, gérants de cabine téléphonique ou d’agence de transfert d’argent, vigiles postés devant une agence d’entreprise de téléphonie mobile. Finalement, sur conseil de Sia, le jeune chauffeur ivoirien, l’argent est transféré, depuis Abidjan, sur un numéro d’une entreprise de téléphonie mobile exerçant sur le territoire ghanéen. Puis, le détenteur du numéro ghanéen le transfère sur un autre numéro ghanéen d’un gérant d’une agence de transfert d’argent. C’est ainsi que nous parvenons finalement à le retirer. Ouf !
Assane NIADA
Envoyé spécial au Ghana