La décision du pays le plus peuplé du monde vise à "répondre au vieillissement de la population", selon les autorités. À cela, plusieurs causes sous-jacentes. Après un premier tournant en 2016, et la fin de la politique de l'enfant unique, la Chine a franchi un nouveau cap lundi 31 mai : le pays a annoncé sa décision de supprimer la limite de deux enfants par couple, leur permettant désormais d'en avoir jusqu'à trois. "En réponse au vieillissement de la population (...), un couple est autorisé à avoir trois enfants", a annoncé l'agence Chine nouvelle, citant les conclusions d'une réunion du bureau politique du Parti communiste dirigée par le président, Xi Jinping. La même source a précisé que des "mesures de soutien" aux familles seront également mises en place, comme les congés maternité, les soins pédiatriques et une baisse des coûts de l'éducation. Les autorités n'ont toutefois pas communiqué davantage à ce sujet. La plus faible hausse de la population depuis les années 1960 Début mai, les résultats du recensement réalisé en 2020 ont révélé une baisse du nombre des naissances à 12 millions, contre 14,65 millions en 2019. Toujours en 2020, année marquée par l'épidémie de Covid-19, le taux de natalité (10,48 pour 1000) était déjà au plus bas depuis la fondation de la Chine communiste en 1949. Le dernier recensement a aussi montré que le pays le plus peuplé du monde avait connu, par rapport au précédent comptage, en 2010, une progression de seulement 5,38 % de sa population. C'est sa plus faible hausse depuis les années 1960. Une course contre l'horloge biologique La baisse des naissances s'explique par plusieurs facteurs. "Les jeunes sont réticents à l’idée de faire des enfants parce que le coût de la vie, et en particulier de l’éducation, est très élevé en Chine", expliquait au Monde, en 2019, Tang Jun, spécialiste du vieillissement de la population à l’institut de sociologie de l’Académie des sciences sociales de Chine. Directrice du Centre de recherche sur le genre, la famille et la santé à l’université de Shanghaï, Ji Yingchun ajoutait : "Les gens plus âgés qui veulent un deuxième enfant sont engagés dans une course contre leur horloge biologique, et ceux qui n’ont pas encore d’enfants ne veulent même plus avoir le premier". "Deux enfants, c'est assez. Nous n'avons pas d'argent pour les élever et pas de place à la maison non plus", abonde, pour TF1, dans la vidéo en tête de cet article, un Chinois interrogé par TF1. Une autre poursuit : "Les parents ne peuvent pas partager leur amour entre deux enfants, l'un d'eux sera toujours favorisé. Ce n'est pas possible d'en avoir davantage." Le pays fait aussi face à un recul du nombre des mariages, ou encore à un excès du nombre d'hommes par rapport aux femmes, lié à la préférence traditionnelle des couples pour les enfants de sexe masculin. Pour Libération, Emmanuel Véron, enseignant chercheur spécialiste de la Chine contemporaine à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), souligne aussi le poids des mœurs chinoises. Car dans un pays où les précédentes générations ont connu la politique de l'enfant unique, "on parle de schéma familial 4-2-1 : quatre grands-parents, deux parents ; et un enfant, sur qui tout repose". Dans le même temps, la Chine compte 18,7% d'habitants âgés de 60 ans et plus. Soit une hausse de 5,44 points de pourcentage par rapport au recensement de 2010. À l'inverse, la population d'âge actif (15 à 59 ans) ne représente plus que 63,35% du total, en repli de 6,79 points sur 10 ans. De quoi comprendre le "vieillissement de la population" évoqué par les autorités, lundi, et la décision d'autoriser les couples à avoir un troisième enfant. Mais pour Ye Liu, spécialiste en développement international au King's College de Londres, la nouvelle politique a toutefois "peu de chances de faire remonter considérablement le taux de natalité". "Le pouvoir met la responsabilité du vieillissement de la population sur les familles sans engagements financiers concrets", a-t-elle déclaré à l'AFP. "C'est peut-être le début de la fin. Non pas de l'empire lui-même, mais de ce miracle économique chinois incroyable qu'on voit à l'œuvre depuis une trentaine d'années avec des taux de croissance à deux chiffres. C'est fini, la Chine va retrouver la gravité et des taux de croissance qui vont ressembler beaucoup plus aux nôtres, à ceux de pays plus développés", analyse François Lenglet, éditorialiste économique de TF1 et spécialiste de la Chine. LCI